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Leandro Castán, The Revenant
Il y a deux ans, le Brésilien Leandro Castán s'imposait comme un titulaire indiscutable de la charnière centrale de l'AS Roma. Avant d'être à deux doigts de stopper soudainement sa carrière à cause d'une grave opération du cerveau. Après deux saisons quasi vierges, son retour gagnant au sein du Torino de Siniša Mihajlović n'en est que plus savoureux.
C’est une histoire faite de grandeur, de décadence, puis de renaissance. À trente ans, Leandro Castán, qui aligne déjà onze titularisations cette saison avec le Toro, solide septième de Serie A, mesure le chemin parcouru : « J’étais l’un des cinq meilleurs défenseurs en Italie, puis, soudainement, je suis devenu un joueur sur le point de prendre sa retraite ayant peur de mourir » , raconte-t-il au Diario de São Paulo. Le destin n’avait heureusement rien d’aussi définitif à infliger au Brésilien. Mais ce dernier a bien dû subir deux années de purgatoire, et beaucoup le pensaient perdu pour le football. Lui le premier.
La chute
Débarqué à Rome en 2012 en provenance des Corinthians, Castán se met rapidement en évidence en faisant démonstration non seulement de sa puissance physique supérieure, mais aussi de sa qualité de relance. Quand sa santé commence à se détériorer, Leandro est au sommet de sa carrière après deux saisons pleines à plus de trente matchs avec la Roma. Mais le 13 septembre 2014, le stoppeur est soudainement pris de vertiges, alors que les siens et lui affrontent Empoli : « Je me sentais très mal et on m’a remplacé. Les semaines suivantes, les choses ont empiré. Je pouvais à peine me lever. » Rapidement, le verdict tombe : Castán a un caillot au cerveau. Pour l’enlever, seule une opération chirurgicale relativement risquée est envisageable. « Le médecin a été très clair : j’avais 1% de chance de perdre la vie, 10% de chances voir ma mobilité extrêmement réduite et 20% de chances de ne plus pouvoir jouer au plus haut niveau » , confiait ainsi le joueur au Diário de São Paulo en août 2015.
Suffisant pour plonger le Brésilien dans une déprime prolongée. « Je me suis dit que je ne voulais plus jouer au football. Je suis allé voir la Roma pour demander à ce qu’on mette fin à mon contrat pour retourner au Brésil… Mais Walter Sabatini, le directeur sportif du club, m’a dit qu’il n’en ferait rien et m’a laissé quelques semaines pour penser à ce que je voulais faire de ma vie. » Sage décision. Pour Leandro, la passion du ballon est finalement trop forte : « Un jour, j’étais sur le sofa à la maison, seul, et je regardais le championnat italien, ça m’a donné un coup de fouet. Je me suis dit que j’avais vingt-huit ans, j’ai toujours vécu pour le football et je pensais que je pouvais jouer six ou sept ans en plus. Alors j’ai appelé le médecin pour programmer l’opération la semaine suivante. »
« C’était effrayant de combattre mon propre corps »
Pour Castán, la vraie épreuve débutera néanmoins après son opération. S’il est bien guéri de ses problèmes au cerveau, sa rééducation sera longue, complexe et laborieuse. « J’ai dû faire de la physiothérapie pendant deux mois, je ne vivais pratiquement qu’à la clinique. C’était effrayant de combattre mon propre corps, j’avais perdu de la mobilité sur la partie gauche de mon corps : mon bras et ma jambe ne répondaient pas correctement. Même quand je suis retourné à l’entraînement, je devais régulièrement faire l’impasse, c’était très frustrant. »
Le Brésilien ne peut ainsi prendre part qu’à une, puis cinq rencontres lors des saisons 2014-2015 et 2015-2016. Les rares fois où il joue, sa fragilité inquiète, comme face à Vérone en janvier 2016, lorsqu’il concède un penalty sur une faute stupide, une erreur qui lui vaudra de s’excuser platement sur les réseaux sociaux après le match. Sans Castán dans le onze type, la Roma fait son bout de chemin, terminant seconde et troisième de la Serie A. Leandro, conscient qu’il n’entre plus dans les priorités du club de la capitale, se voit accorder un prêt à la Sampdoria en juillet 2016.
Renaissance
Pourtant, il ne semble pas convenir aux exigences de la direction des Blucerchiati et se retrouve une nouvelle fois prêté au Torino à peine un mois plus tard. Humiliant pour un défenseur qui a connu il n’y pas si longtemps les sommets de la Serie A, mais en définitive, un mal pour un bien pour le joueur. Siniša Mihajlović en fait un homme de base de la défense de son Toro new look, qui s’impose comme l’une des cautions fraîcheur de ce début de Serie A. Et ne cesse de se répandre en compliments sur sa nouvelle recrue, comme à l’issue de la victoire du Toro face au Chievo Vérone fin novembre dernier, en conférence de presse : « C’est un joueur qui a de la personnalité, de l’expérience et du caractère. Ce n’est pas un hasard si, quand il est sur le terrain, nous gagnons presque toujours ou, du moins, nous ne perdons pas. »
Castán, lui, peut enfin émerger, modelé et renforcé par ses souffrances, comme homme et comme joueur : « Maintenant, je pense que je suis chanceux d’en être là où je suis. Même si j’ai souffert. Précisément pour ça même. J’apprécie plus ce que j’ai. Pour vous donner un exemple, avant l’opération, je ne faisais rien le matin. Maintenant, je me lève tôt, j’emmène les enfants à l’école et je vais faire des courses avec ma femme. Et je trouve ça réellement beau. » Les paroles d’un joueur qui a définitivement élargi son champ de perspectives. Un homme ressuscité, en somme.
Par Adrien Candau