- France – Coupe de la Ligue – Quarts de finale – Monaco/Guingamp
L’EA Guingamp est-il meilleur qu’à l’époque de Drogba ?
13 points pris sur 15 possibles en championnat lors des cinq journées passées, une série de sept victoires et un nul sur les huit derniers matchs toutes compétitions confondues, encore engagé sur quatre tableaux (L1, les deux coupes nationales, Ligue Europa)… C'est un fait : l'EA Guingamp marche actuellement sur l'eau. L'équipe actuelle est-elle la meilleure de l'histoire du club ? Comparaison poste par poste avec la référence : la formation de la saison 2002/2003, époque Drogba-Malouda.
Gardiens
Le Crom contre Lössl
Deux recrues pour le poste de gardien, mais deux profils différents. Il y a 12 ans, c’est Ronan Le Crom qui était dans les cages de Guingamp pour ce qui allait devenir la meilleure saison de l’histoire du club (classement final : 7e, à 3 points du podium). Le portier au catogan disputait là sa première saison comme titulaire dans une formation de Ligue 1, après plusieurs saisons à cirer le banc du côté d’Auxerre. Première pleinement réussie, avec 38 matchs disputés sans grosses fausses notes. La suivante – sa deuxième et dernière passée en Bretagne – sera en revanche nettement plus délicate avec des erreurs qui ont coûté de précieux points, surtout lors des dernières journées…
Cette saison, la recrue danoise Jonas Lössl a profité de la méforme, puis de la blessure du titulaire, Mamadou Samassa, pour lui piquer sa place. Lui qui n’avait jamais joué en dehors de son pays jusqu’alors s’en tire plutôt très bien, malgré encore quelques lacunes (ses problèmes à bien capter la balle plutôt qu’à la repousser notamment). Ses bonnes performances lui ont permis récemment d’intégrer la sélection, et il peut envisager une belle carrière à 25 ans, alors que Le Crom approchait lui déjà la trentaine.
Latéraux
Montero et Ferrier (ou Guillaume) contre Jacobsen et Lévêque
En 2002/2003, le poste de latéral droit était propriété de Jean-Louis Montero, un gars d’expérience, débarqué en provenance de Sedan et qui comptait déjà pas mal de kilomètres au compteur. Une valeur sûre qui a certainement disputé la meilleure saison de sa carrière dans le club des Côtes d’Armor. À gauche, le temps de jeu était réparti entre Romain Ferrier et Auriol Guillaume, ce dernier restant dans la mémoire des supporters pour avoir marqué un but spectaculaire de la tête lors d’une victoire historique contre le PSG de Ronaldinho à Roudourou.
Cette saison, Gourvennec a longtemps galéré à trouver ses deux latéraux titulaires, mais il a de quoi désormais se montrer satisfait des performances de Jacobsen à droite et surtout de Lévêque à gauche. Le premier, arrivé lui aussi du Danemark cet été, est le vétéran de l’effectif (35 ans). Il a démarré façon diesel et il y avait matière à craindre que le garçon, bien qu’irréprochable dans la mentalité, ne soit complètement carbo. Mais non, il tient le coup le bougre, et occupe son couloir avec abnégation, même si son apport offensif reste limité. À gauche, le titulaire légitime, Dorian Lévêque, a aussi tardé à démarrer sa saison. Il lui a fallu revenir au top physiquement pour s’imposer naturellement dans ce couloir où, à 25 ans, il est en train de réaliser les meilleurs matchs de sa carrière. De quoi largement faire oublier les hésitations et déceptions avant lui (Lemaître, Baca).
Charnière centrale
Fabbri et Kouassi (ou Yahia) contre Sorbon et Angoua (ou Kerbrat)
Nestor Fabbri n’a passé qu’une seule saison à Guingamp (après avoir brillé à Nantes), mais il est resté à juste titre dans le souvenir des supporters. Âgé alors de 34 ans, il a été le patron de la défense, même si celle-ci n’était pas vraiment le point fort de cet EAG millésime 2002/2003 (46 buts encaissés, 13e défense de L1). L’Argentin était associé prioritairement au très rugueux Blaise Kouassi ou au tout jeune Alaeddine Yahia, qui disputait à l’époque ses premiers matchs pros comme titulaire, s’en tirant plutôt bien.
Il y a quelques similitudes aussi à faire dans ce registre avec la charnière centrale actuelle, Jérémy Sorbon jouant parfaitement son rôle de grand frère expérimenté, régulier et appliqué sur le terrain, très discret en dehors. À ses côtés, Benjamin Angoua, le compatriote de Blaise Kouassi, a gagné ses galons de titulaire depuis quelques semaines, profitant de la méforme passagère du local Christophe Kerbrat, lequel est toujours irréprochable néanmoins dans l’état d’esprit et présent pour dépanner, en défense ou à la récupération. Cette défense, qui a subi quelques violents trous d’air (le 2-7 contre Nice notamment…), est redevenue plus solide depuis quelques journées, même si elle n’est encore que la 16e de L1.
Milieux défensifs
Michel et Le Roux (ou Bah) contre Mathis et Sankharé (ou Diallo)
Coco Michel d’un côté, Lionel Mathis de l’autre : même brassard de capitaine, même goût du combat et du sacrifice, même exemplarité. Si le premier est un pur produit maison quand l’autre est issu de la filière de l’AJ Auxerre (un lointain grand cousin), les deux se ressemblent, sur comme en dehors du terrain. Des guides, des phares de leurs équipes respectives. À côté d’eux, on trouve d’une part Christophe Le Roux, de l’autre Younousse Sankharé. Là aussi, des similitudes, du moins dans le jeu : même capacité à se projeter et à lancer les offensives. Le Roux avait l’expérience et la sagesse que Sankharé n’a pas forcément. Ce dernier manque encore de régularité et de maturité, mais ses performances sont tout de même à la hausse depuis la fin de l’automne, et il est capable de grandes performances quand il le veut.
Milieux offensifs
Carnot et Malouda (et/ou Saci) contre Pied (ou Yatabaré) et Giresse (et/ou Marveaux)
Carnot à droite, Malouda à gauche : les rôles étaient bien établis il y a 12 ans et les postes remarquablement occupés. Avec une modification tactique parfois utilisée, surtout en fin de saison : le repositionnement de Carnot en meneur de jeu dans un système à une seule pointe en attaque, l’aile droite revenant alors le plus souvent à Hakim Saci. Dans les deux cas de figure, ça tenait la route, de même que tient la route aussi l’animation offensive du moment, après tout de même pas mal de semaines d’hésitation de la part de Gourvennec. La formule qui fonctionne depuis plusieurs semaines est la suivante : Pied à droite (même si Yatabaré, plutôt précieux, n’a cédé sa place que sur blessure puis participation à la CAN) et l’increvable Giresse, que tout le monde avait enterré, mais qui a récupéré un poste de titulaire à gauche. Ce repositionnement tactique n’a été envisagé au départ que pour compenser l’absence du meilleur joueur du début de saison, Sylvain Marveaux, qui s’épanouit dans l’axe, en soutien d’un attaquant. Son retour imminent de blessure est autant une bonne nouvelle qu’un casse-tête pour l’entraîneur guingampais…
Attaquants
Drogba et Bardon contre Beauvue et Mandanne (ou Schwartz)
2002/2003, c’est la fameuse saison où Didier Drogba prend son envol. Au printemps 2003, il partira pour Marseille, avant de briller à Chelsea. Ce n’était pas gagné pour autant, nombreux étaient les sceptiques au début vis-à-vis de celui que Le Graët nommait « le grand machin » , d’abord si maladroit devant les buts… C’est Bardon qui était censé être l’attaquant numéro un de l’équipe, mais il a été éclipsé par l’émergence de son jeune partenaire et a fini la saison blessé.
Même si physiquement il n’y a rien à voir, Beauvue a des similitudes avec Drogba au niveau du parcours et de l’ascension assez tardive, mais qui semble irrésistible. Repositionné en attaque alors qu’il évoluait plutôt sur l’aile droite auparavant, le Guadeloupéen affiche des statistiques impressionnantes, avec 14 buts depuis le début de saison toutes compétitions confondues. Il s’entend bien avec le toujours utile Christophe Mandanne, qui n’est pas un spécialiste de la finition, mais qui parvient tout de même ces dernières semaines à s’exprimer dans ce registre, reléguant sur le banc la troisième recrue danoise, Ronnie Schwartz.
Verdict
Pas facile de dire laquelle des deux générations est la meilleure. Pour l’actuelle, c’est peut-être encore un peu tôt pour donner des conclusions définitives, et il faut bien se garder d’un excès d’optimisme : si elle est encore engagée sur quatre tableaux, elle peut tout aussi bien se retrouver avec un maintien seulement à aller chercher fin février… Reste qu’elle semble avancer avec des certitudes, des cadres solides et réguliers, des révélations et des solutions de rechange (d’autant plus avec l’arrivée récente de Yannis Salibur cet hiver). C’était déjà pareil sous l’ère Bertrand Marchand, avec Fabbri, Michel ou Carnot dans les rôles de certitudes façon Sorbon, Mathis ou Giresse (respectivement), et des révélations avec un Beauvue dans le rôle de Drogba.
Gourvennec, comme Marchand avant lui, ne se prive pas non plus d’apporter des modifications tactiques en fonction de la forme du moment et de l’adversaire : passer d’un 4-4-2 à un 4-2-3-1 ou même densifier le milieu avec trois récupérateurs. L’année civile 2014 a été exceptionnelle pour l’EAG, reste désormais à voir quelles sont les limites de cette équipe et si elle parviendra à dépasser son aînée au niveau des performances sur toute une saison. En ce qui concerne la popularité, avec la Coupe de France remportée au printemps dernier, le parcours européen, l’état d’esprit affiché et le jeu pratiqué sur certains matchs, il y a en tout cas déjà de quoi dire que c’est du jamais vu pour les Costamoricains…
Par Régis Delanoë