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Le Yin et De Jong
Nigel de Jong va pouvoir accrocher la jambe d'Hatem Ben Arfa au-dessus de sa cheminée, à côté de la poitrine de Xabi Alonso. Portrait d'un mec qui assume tout et ne s'excuse jamais.
« Je n’ai aucun regret. Je n’ai jamais eu l’intention de lui faire mal » . Voilà sans doute ce que pourrait répondre Nigel de Jong lorsqu’on lui demandera d’expliquer le tacle qui a détruit la jambe, la saison et peut-être la carrière d’Hatem Ben Arfa, ce dimanche 3 octobre au City of Manchester Stadium. C’est en tout cas ce qu’il avait déclaré après la finale de la dernière coupe du monde et ce fameux kick de Kung-fu sur Xabi Alonso, qui doit encore avoir des traces d’aluminium sur la poitrine. C’est également ce qu’il avait déjà expliqué après avoir pété la guibole de l’Américain Stuart Holden lors d’un match amical en mars dernier : « De telles attaques font partie du football. Je voulais le ballon et j’ai eu l’adversaire au final. Je n’avais pas de mauvaises intentions » . Puis de Jong ajoute, sans blague : « La finale de la coupe du monde n’a pas été vue qu’aux Pays-Bas mais dans le monde entier. Maintenant, tout le monde sait qui est Nigel de Jong » . Ah bon ? Mais c’est qui, alors ?
Tondeuse à gazon
C’est d’abord un type qui n’était pas du tout prédestiné à acquérir cette réputation de casseur de pattes. Élevé au grain à l’école léchée de l’Ajax Amsterdam, le jeune Néerlandais apprend la construction du jeu, la fluidité et les extérieurs du pied. Intégré à l’équipe première à 17 ans, il est alors capable de marquer contre Arsenal, en Ligue des Champions, d’un lob du bout du pied sur David Seaman, après un contrôle orienté dans la course. Pas vraiment un bourrin. Il joue alors attaquant ou meneur de jeu et est encore fréquentable.
Son départ à Hambourg, en 2006, marque le véritable tournant de sa carrière, ouvrant la porte sur de nouvelles possibilités. Pour un joueur offensif, de Jong ne trouve que trop rarement le chemin du filet (14 buts en 126 matchs avec l’Ajax), ce qui pousse l’entraineur hambourgeois, Huub Stevens, à le faire évoluer en tant que milieu défensif. Une révolution pour le joueur : « J’étais choqué parce que j’avais toujours joué à des postes plus glamours, mais j’admirais ce genre de joueurs. J’ai vu ça comme ça : Zinedine Zidane n’aurait pas pu faire son boulot sans Claude Makelele » . Et voilà comment un esthète prend goût au ratissage, jusqu’à récupérer le surnom de « Rasenmäher » ( « Tondeuse à gazon » ) auprès de ses coéquipiers. De Jong voulait devenir le nouveau Dennis Bergkamp, il est devenu le nouveau Edgar Davids. Tout un programme.
De Bruce Banner à Hulk
« J’aime le tacle, c’est vrai, avouait-il après avoir rejoint City, en janvier 2009.Mon rôle est de jouer devant la ligne défensive, de récupérer le ballon et de le transmettre aux joueurs offensifs » . Un fighting spirit qui pourrait lui venir d’une enfance moyennement heureuse. Son père, Jerry de Jong, était pourtant joueur professionnel, lui aussi (essentiellement au PSV Eindhoven, mais il a également fait une pige au SM Caen). Le problème, c’est qu’il dilapidait constamment son salaire dans des jeux d’argent. En 2000, le darron se fait choper au guichet d’une banque alors qu’il essaie de retirer de l’argent avec la carte de crédit d’un coéquipier. Autant dire que Nigel a grandi sans père, ainé de cinq frères, fils d’une mère malade et fréquemment hospitalisée: « Nous n’avions pas grand chose et nous devions nous battre pour tout ce que nous avions » . Ok, on tient une piste.
Pour autant, le boucher citizen est loin de faire n’importe quoi en dehors du terrain. Veillant à ne pas reproduire les erreurs de son paternel, il a concilié sa formation de footballeur avec des études d’économie (jusqu’à la licence) avant de placer ses deniers dans une compagnie allemande vendant des voitures de collection à des cheikhs et autres émirs du pétrole. Alors, comment ce gentil Bruce Banner peut-il se transformer en gros Hulk tout vert une fois entré sur le terrain ? « Au milieu de terrain, vous êtes souvent dans des situations à 50-50, explique-t-il. Si tu retires ta jambe, tu finis par te blesser, donc je ne retire pas ma jambe » . Dans le foot comme dans les affaires, il faut tuer pour ne pas être tué. Si Ben Arfa avait lu les interviews de de Jong au lieu de lire Nietzsche, il aurait peut-être fait plus attention : « Tout le monde sait comment je joue. Je suis un joueur qui cherche toujours les limites. Parfois, je les dépasse » .
Thomas Pitrel (propos recueillis dans la presse anglaise)
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