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Le « Worst Of » de Grégoire Margotton

Propos recueillis par Quentin Coldefy
Le «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Worst Of<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>» de Grégoire Margotton

En attendant le retour de la Ligue 1 et des Bleus, le podcast « Club Margotton » donne la parole aux champions, dirigeants et entraîneurs du sport en France. L'objectif ? Les interroger dans un cadre propice à l'écoute et à la découverte de leur regard sur leur métier, loin des zones mixtes et conférences de presse. Entre deux entretiens avec Wendie Renard et Renaud Lavillenie, Grégoire Margotton revient sur les moments les plus compliqués d'une carrière déjà bien fournie.

Quel est votre pire souvenir de match commenté ?Le premier. Je m’en souviens bien, c’était le 8 novembre 1992. J’avais été envoyé pour L’Équipe du dimanche, un samedi après-midi à Milan pour un Inter-Sampdoria en Serie A. J’étais tout seul, je découvrais le métier, j’avais 21 ans, je n’avais presque jamais pris l’avion. Il fallait se débrouiller pour l’accréditation, je ne parlais presque pas italien, il faisait gris, froid… À l’arrivée, ça a donné 0-0 avec un penalty sur le poteau de Rubén Sosa. Ça reste un souvenir très gris.

Le pire, c’est quand il n’y a pas d’histoire : un match sans enjeu, sans jeu, sans passion autour, ni intérêt tactique… Le match gris absolu, où on ne peut pas s’appuyer sur des faits saillants pour raconter l’histoire.

En règle générale, quel est le type de rencontre le plus compliqué à commenter ? Les événements délicats, c’est de la surprise, de l’adrénaline. Pas forcément du plaisir, parce que ça peut être des affrontements dans un stade. Mais ça ne me dérange pas à commenter, ça fait partie des aléas et des beaux côtés de notre métier qui est de raconter une histoire. Le pire, c’est quand il n’y a pas d’histoire : un match sans enjeu, sans jeu, sans passion autour, ni intérêt tactique… Le match gris absolu, où on ne peut pas s’appuyer sur des faits saillants pour raconter l’histoire. Le dernier en date, c’est le France-Danemark de 2018. Très compliqué à commenter. En plus, on est coincé : on ne peut pas dire « c’est nul » parce que la France est qualifiée et on ne peut pas livrer d’analyse tactique, car on sait très bien que les joueurs ne jouent pas à fond et pensent au huitième. Avec Bixente, on est sortis en se disant : « Vivement les huitièmes ! »

La pire équipe à commenter ?(Il réfléchit.) Non, pas d’équipe spécialement. Il y a eu des périodes pas faciles en Ligue 1 avant l’arrivée du Qatar au PSG. Il y avait une ambiance compliquée, une baisse de niveau générale. Mes collègues du samedi comme moi le dimanche soir, on enchaînait les matchs sans grand intérêt et avec un niveau moins élevé. Autrement, j’arrive toujours à trouver du bonheur dans un match de foot.

Le pire stade pour commenter ?J’adore les stades. C’est une des raisons principales de mon amour du foot. Ce qui pose problème, c’est quand le poste de commentateur est mal placé. J’ai connu des positions folkloriques. Je me souviens d’un match il y a 20 ans à West Ham. Je me suis retrouvé à un poste tout petit, dans un siège en bois étroit comme au cinéma, avec des spectateurs devant moi, à ma gauche, à ma droite et derrière. Dès qu’il y avait un but, je ne voyais plus rien. C’était génial comme expérience, mais assez compliqué. Je me souviens aussi d’un match étonnant à Asunción au Paraguay pour des qualifs de la Coupe du monde 1998. Ma cabine donnait directement sur le public et quand je suis arrivé, une heure avant le match, il n’y avait rien de prêt. Plus récemment, c’est le huitième de finale du mondial 2018 à Kazan. Avec Bixente, on a hérité de la place la plus horrible du stade : tout en haut de la tribune de presse, au dernier rang. On était dans l’axe de la ligne médiane, mais à la place la plus éloignée des deux cages. C’est beaucoup plus compliqué à commenter, car on perd de l’intensité du match. Pour moi, la frappe de Pavard fait deux centimètres, alors qu’elle fait 25 mètres.

Pendant un match, quel est le type d’événement le plus délicat à analyser à chaud ?Toujours les incertitudes liées à l’arbitrage : hors-jeu ou pas, épaule ou pas, main ou pas. Ça devient d’autant plus compliqué avec la VAR. Prendre parti sur un fait de jeu qui peut prêter à des analyses complètement contradictoires, c’est quelque chose qu’on arrive à aborder avec l’expérience, mais la VAR a ajouté un moment de flottement pas facile à gérer. Ensuite, il y a quelque chose de jamais facile à commenter, ça ne m’est heureusement jamais arrivé contrairement à mon ami Christian Jeanpierre, c’est une scène violente : une explosion pendant un match, un attentat, un mouvement de foule…

La pire chose qui puisse arriver, c’est d’arriver en retard au match ! J’en rêve encore souvent, et c’est le seul cauchemar que je fais par rapport à mon métier.

Le pire geste que vous ayez eu à commenter ?Je n’ai pas de souvenirs de tacles à la carotide. J’ai commencé en 1992 et ce sont des gestes qu’on voyait déjà beaucoup moins. Je n’en ai pas eu beaucoup et je les oublie souvent. J’ai tendance à ne retenir que le positif. Mais je suis toujours agacé par certains gestes : un joueur qui bouscule un ramasseur de balle pour aller plus vite ou qui sort en faisant la gueule à son entraîneur et en mettant un coup de pompe dans une bouteille. Ce sont des choses qui ont tendance à m’énerver. Et puis ce qui m’énerve fondamentalement, c’est une décision d’arbitrage et, dans la seconde, quinze joueurs autour de l’arbitre pour se plaindre. C’est fatigant.

La pire chose qui puisse arriver en plein match pour un commentateur ?Il y en a plein, et elles nous sont toutes arrivées. La rupture de faisceau, la rupture totale de son poste de communication. D’un coup, tout s’arrête : plus d’écran, plus de son. Ça peut aussi être le trou de mémoire. Au moment où le joueur frappe ou marque, le nom ne revient pas. On arrive à contourner, à trouver des expressions qui permettent de sortir le nom quelques secondes plus tard. Mais la pire chose qui puisse arriver, c’est d’arriver en retard au match ! J’en rêve encore souvent, et c’est le seul cauchemar que je fais par rapport à mon métier : le match a commencé, je suis encore dans ma chambre d’hôtel et il faut que je prenne la voiture à fond pour arriver au stade au bout d’un quart d’heure. Ça m’est arrivé à Newcastle il y a 20 ans avec Canal+. Les 25 minutes entre l’hôtel et St James’ Park furent assez tendues ! (Rires.) Heureusement, ce n’était pas un match en direct, mais un résumé pour L’Équipe du dimanche. Il y avait toujours 0-0 et il ne s’était rien passé.

La pire chose à négliger avant et pendant le match pour un commentateur ?Avant le match, c’est le sommeil. Clairement. Quand on dort bien la veille, on est très lucide et donc meilleur. La préparation physique a des conséquences directes sur la vivacité intellectuelle au moment du match. Pendant le match, il faut toujours avoir ses yeux ouverts et ses oreilles ouvertes, sur tout, partout : loin du ballon, dans le stade, autour du stade en arrivant, dans les vestiaires. À partir du moment où on arrête, on emmagasine moins d’informations et on est moins bon.

Le but le plus douloureux à commenter ?Le but d’un adversaire qui élimine une équipe française en Coupe d’Europe. Je me souviens du but de Demba Ba avec Chelsea contre le PSG. C’est le genre de but qu’on commente avec une petite douleur au fond du ventre, c’est évident. Avec les Bleus, je n’ai encore jamais vécu quelque chose comme ça, que ce soit à l’Euro (la finale était sur M6) ou au mondial. J’attends encore le pire.

Un match de foot, ça n’est pas que 22 garçons ou filles qui tapent dans un ballon : c’est tout ce qui va autour. Une messe ce n’est pas simplement les gens qui s’y rendent et qui prient : c’est l’église, son acoustique, l’atmosphère. Toutes les choses qui font la beauté d’un événement. Sans public, on est privé de son et d’image.

Quel est votre pire souvenir lié aux supporters pendant un match ?Ce sont des souvenirs de fan de foot. Je me souviens de Lyon-Beşiktaş il y a quelques années, où j’avais emmené mon fils pour le plaisir. C’était la guerre à l’extérieur et à l’intérieur du stade, tu te demandes pourquoi tu es là-dedans avec ton fils. La violence est toujours le pire souvenir. J’ai malheureusement vécu des insultes racistes au stade, mais je ne les entendais pas dans mon casque. Pendant un Russie-France à Saint-Pétersbourg, avant la Coupe du monde, les joueurs noirs français avaient été insultés par le public. Ça s’entendait visiblement à l’antenne, mais je n’ai rien entendu dans mon casque et le comportement des joueurs ne me laissait pas penser qu’ils étaient insultés. Ça fait partie des choses très compliquées et, surtout, désagréables à commenter.

Comment est-ce qu’on s’adapte pour commenter un match à huis clos ?J’espère que ça ne m’arrivera pas à la reprise et qu’on aura des petites jauges. Je ne crois pas que ça me soit déjà arrivé dans ma carrière. C’est compliqué parce que j’imagine qu’on doit passer son temps à se dire qu’il ne faut pas crier. Même avec un casque, le son d’un public qui chante est une partie indispensable d’un match de foot. Une rencontre avec en toile de fond une tribune vide, c’est simplement attristant. Un match de foot, ça n’est pas que 22 garçons ou filles qui tapent dans un ballon : c’est tout ce qui va autour. Une messe ce n’est pas simplement les gens qui s’y rendent et qui prient : c’est l’église, son acoustique, l’atmosphère. Toutes les choses qui font la beauté d’un événement. Sans public, on est privé de son et d’image.

Votre pire performance de commentateur ?Je suis rarement satisfait. Ça ne veut pas dire déçu, je ne tombe pas dans l’auto-flagellation. Je retiens plus les rares matchs où je me dis que c’était génial, où je sens que toute l’équipe a bien travaillée et que le match était bon. C’est un sentiment très agréable.

Et qu’est-ce qu’on se dit à la sortie d’un match où on est déçu de sa performance au micro ?On se dit qu’on apprend. Qu’on n’a pas été bon et qu’il faudra d’autres mots dans la même situation. On se dit aussi que, si les mots ne sont pas venus, si on n’a pas été réactif ou si le cerveau n’a pas connecté, il faudra mieux dormir la veille. Ce sont des choses toutes bêtes. On essaye de repenser à sa préparation pour faire en sorte que ça ne se reproduise pas.

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