- Interview
- Abdeslam Ouaddou
Le « Worst Of » d’Abdeslam Ouaddou
On demande souvent aux footeux de se rappeler leurs plus beaux moments passés sur les rectangles verts. Seulement voilà, il ne faut pas oublier qu’il y a les moments moins bien : les gênants, les humiliants, les honteux, les tristes. Bref, les pires. Abdes Ouaddou, à la recherche d’un club depuis son départ de Nancy, la saison dernière, s’est prêté au jeu de la pire interview au monde.
Le pire adversaire ?Pour moi, le pire adversaire que j’ai rencontré au cours de ma carrière, c’est David Villa. C’était en Ligue des Champions, lors d’un match entre l’Olympiakos et Valence. Pendant ce match, je n’ai jamais senti que je pouvais prendre le dessus dans quoi que ce soit. Il était continuellement en mouvement, avec son centre de gravité très bas, il me mettait toujours en difficulté. Et puis le pire, c’est qu’il s’arrangeait toujours pour apparaître au dernier moment, il était jamais dans mon champ de vision à la base. Ouais, lui, c’est vraiment le pire cauchemar que j’ai eu durant ma carrière.
Le pire stade dans lequel t’as joué ?Ah ben le pire, franchement, c’était celui de Valenciennes, à l’époque où c’était encore Nungesser, même si la chaleur et la ferveur des supporteurs rattrapaient la chose. Mais sinon, c’est vraiment le stade le plus moche dans lequel j’ai joué : c’était triste, lugubre. Il y avait des grands piliers en ferraille et tout… En tant qu’adversaires, quand on venait jouer à Valenciennes, on avait déjà fait 30% du taf quand on voyait le stade (rires).
La pire ambiance ?Ça doit sûrement être un match que j’avais joué avec Nancy, en Coupe d’Europe, à Poznan, en Pologne. Franchement, j’étais resté scotché, je pensais pas du tout qu’il pouvait y avoir une telle ferveur là-bas. Je me rappelle qu’il y avait deux grosses tribunes derrière les buts, qui se sont renvoyées des chants pendant 90 minutes, sans répit. Et ce jour-là, j’ai senti certains de mes coéquipiers qui avaient peur au début du match, tellement ça chauffait.
La pire engueulade de coach ?Ah ouais, je m’en rappelle très bien, c’était à Rennes, avec Lazlo Bölöni. A l’époque, on avait rendez-vous tous les matins à 9h pour l’entraînement, mais on ne commençait les séances qu’une heure après, généralement. Donc, un jour, on se réunit, nous les joueurs, et on demande au capitaine, qui était Dominique Arribagé, d’aller voir avec le coach pour lui demander si on peut commencer à l’heure les séances, ou alors venir un petit peu plus tard. Lors de l’entraînement suivant, le coach commence son speech habituel où il présente la séance, et lorsqu’il a fini, Dominique demande à prendre la parole pour lui faire part de notre requête. Et là, je te jure, j’ai vu le coach devenir tout rouge, il enlève ses lunettes, et il pique une gueulante de fou : « Mais putain de merde, vous savez pourquoi j’arrive toujours en retard ? Non, vous savez pas ? Eh ben c’est parce que je passe toutes les nuits à regarder la merde que vous me faites le week-end et à essayer de trouver des solutions. Donc si vous voulez qu’on commence à l’heure, vous n’avez qu’à arrêter de faire de la merde, ok ? » Après ça, on était tous désolés pour Dominique, car, quelque part on l’a envoyé au feu, et il en a pris plein la gueule (rires).
Le pire moment de ta carrière ?Ouais, c’est sûrement lors de mon retour à Nancy, en 2008, où la dernière saison a vraiment été difficile. Nancy me voulait, alors qu’à l’époque, j’étais capitaine à Valenciennes, mais j’ai ressenti le besoin de rentrer à la maison, à Nancy. Une fois arrivé là-bas, je me suis rendu compte que le coach ne voulait pas de moi. Ça a vraiment été deux saisons très difficiles. D’ailleurs, je ne me suis jamais senti aussi mal intérieurement que sous cet entraîneur-là.
La pire demande de fan ?J’ai rien qui me vient, mais par contre, je me souviens d’un cadeau qu’un fan m’avait fait. Je me rappelle, à Valenciennes, c’était un gamin qui venait nous voir tous les matins à l’entraînement. C’était un peu devenu la mascotte, tout le monde le connaissait, car il était toujours là. Et à la fin de la saison, on avait décidé, avec les joueurs, de lui filer un gros sac d’équipement du club. Puis un jour, alors qu’on mangeait dans un resto, dans le centre-ville, je l’aperçois qui était en train de nous regarder, caché derrière un mur. Donc, normal, je lui dis de venir s’installer avec nous, mais il ne voulait pas, il était trop timide, en fait. Il me dit qu’il voulait juste nous offrir un cadeau à son tour et il me file un sac. Et là, j’ouvre le sac : une trentaine de dvd, que des films d’horreur. Limite, ça m’a fait peur, car il devait avoir 13 ans. Donc d’un côté, j’étais touché par son geste, mais d’un autre, j’étais un peu intrigué par un tel cadeau. Et en plus, moi je suis pas fan de films d’horreur…
La pire honte ?Ah ouais, je me souviens d’un match à Monaco, avec Rennes. Un match que j’avais préparé avec beaucoup de détermination, avec vraiment une énorme envie d’aller faire quelque chose à Louis-II. Avant le match, j’avais même harangué les troupes, je motivais les gars et tout. Et puis, au bout d’un quart d’heure, je suis en train de remonter avec le ballon et d’un coup, franchement je sais pas ce qu’il s’est passé, je m’emmêle les pinceaux, je monte sur le ballon et je tombe comme une merde. Sauf que j’étais dernier défenseur, et là, il y a Chevanton qui prend le ballon, il trace jusqu’au but et il marque. C’était vraiment un sale moment, tu te dis qu’il y a quinze minutes, t’étais en train d’haranguer les troupes, là t’as plus aucune crédibilité. Tu regardes sur le banc pour voir s’ils ne sont pas déjà en train de faire le changement. C’est vraiment un mauvais moment. A la fin, on perd le match 1-0, c’est de ma faute. Donc, voilà, qu’est-ce que tu fais ? Bah tu t’excuses devant tes coéquipiers. Mais, c’est dur à vivre, franchement.
La pire blague ?En Angleterre, ils aiment bien faire des blagues. Quand je suis arrivé à Fulham (en 2001, ndlr), je me suis fait pas mal chambrer sur mes tenues vestimentaires, même si je m’habille très normalement. Un jour, je rentre en dernier dans les vestiaires – comme d’hab’ car j’aime bien rester un peu plus sur la pelouse à l’entraînement pour faire des transversales, des trucs comme ça – et là je retrouve mon jean coupé en bermuda. Mais surtout, ils avaient caché mes clefs de bagnole. Et je peux te dire que j’ai vraiment galéré pour rentrer chez moi. En plus je venais d’arriver, je maîtrisais pas encore la langue. Mais je l’ai bien pris, il faut savoir bien réagir à ce genre de chose quand t’es dans une équipe, ça fait partie du jeu.
Le pire style vestimentaire ?J’en ai deux qui me viennent en tête…(rires) J’ai bien aimé les jeans serrés de Tony Vairelles, mais alors vraiment très serrés, avec bien sûr des petites santiags de temps en temps. Après, je suis un grand fan des chemises de Steve Savidan. Regarde le film Les démons de Jésus, perso il n’y a que dans ce film-là que j’ai vu des chemises comme ça (rires). Il se faisait tailler, mais il s’en foutait, il les mettait tout le temps, surtout les jours de match, d’ailleurs. Mais vraiment, elles étaient horribles…
Le pire dragueur ?Johan Audel ! Lui, c’est le pire ! Il ne parlait que de ça, vraiment. Il était obnubilé par la gent féminine. J’espère qu’il me tapera pas en lisant ça ! (rires)
La pire tristesse ?C’est au début de ma carrière, quand je commençais à jouer à Nancy, en 1999. Cette saison-là, on descend juste à cause de deux buts au goal-average. On avait vraiment fait une belle fin de saison, et descendre juste pour deux buts, c’était vraiment triste. Cette fois-là, j’ai vraiment senti le président, les coéquipiers, même toute la ville très abattus.
La pire baston ?Bah la pire baston, ça doit être moi, hein. Je m’en rappelle, c’était à Rennes, avec Grégory Vignal, un des mes coéquipiers. Des fois à l’entraînement, il y a une vraie compétition, tout le monde veut gagner et on perd parfois sa lucidité. Cette fois-là, Gregory avait pris pas mal de coups depuis le début de la séance et à un moment, il a voulu se venger, sauf qu’il s’est vengé sur moi et qu’il m’a vraiment fait mal. Après ça, il ne s’est même pas excusé. J’ai attendu un moment, puis je me suis vengé avec un gros tacle, et il s’est levé et c’est parti en bagarre. Quand j’y repense, c’était vraiment stupide. A 34 ans, maintenant, je me dis « Putain c’était vraiment ridicule » , mais bon c’est des choses qui arrivent parfois.
La pire chose dans la vie d’un footballeur ?Je dirais les mises au vert. C’est toujours pareil, et en plus, c’est long. Puis voilà, t’es loin de ta famille, c’est pas toujours évident. Moi, j’ai jamais été un grand fan de ça, en Angleterre, on n’en faisait pas et ça se passait très bien !
Propos recueillis par Gaspard Manet