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Le Werder, aux portes de l’enfer
Il s'agit d'un géant du foot allemand, qui pourrait disparaître de la Bundesliga la saison prochaine. Le Werder Brême, doyen de la BuLi et recordman du nombre de saisons disputées dans l'élite (56), est déjà prêt à sortir les mouchoirs : actuel avant-dernier, le club du nord-ouest compte deux points de retard sur le barragiste Düsseldorf avant l'ultime journée du championnat ce samedi. Au fond du trou, les Grünweissen ont besoin d'un miracle auquel personne ne croit vraiment.
C’est une ère qui appartient au passé. Cette époque où le Werder rivalisait avec le Bayern au sommet de la Bundesliga, entre 1980 et 2010, n’est pourtant pas si lointaine. Mais depuis, tant de choses ont changé. Hier : Rudi Völler, Tim Borowski, Johan Micoud, Miroslav Klose, Torsten Frings, Tim Wiese, ou plus récemment, Mesut Özil et Kevin De Bruyne. Presque tous chapeautés par les maîtres Otto Rehhagel et Thomas Schaaf. Au palmarès, quatre titres de champion d’Allemagne (dont le fameux doublé coupe-championnat en 2004) et une dernière finale de Coupe de l’UEFA qui remonte à 2009 seulement. Aujourd’hui : une avant-dernière place au classement squattée quasiment toute la saison, fruit de la deuxième pire attaque (36 buts inscrits) et de la deuxième pire défense du championnat (68 pions concédés, dont une vingtaine sur coups de pied arrêtés). Des joueurs sans âme, un coach sans solutions et une identité en danger. À une journée de la fin du championnat, le Werder Brême est un monument en péril, prêt à être déchiré en lambeaux.
Des problèmes et des blessures
Habitué à nager dans le ventre mou depuis dix ans, le SV devait pourtant capitaliser cette saison sur sa belle huitième place de l’exercice précédent. Portés par une attaque affriolante et un audacieux coach de la nouvelle génération (Florian Kohfeldt), les Werderaner échouent à un point de la C3. Cette saison, naturellement, l’Europe est un objectif largement atteignable et assumé. D’ailleurs, on ne touche quasiment pas à l’effectif, qui mise sur sa stabilité et son expérience. Sauf que rapidement, la tournée vire à la gueule de bois.
À qui la faute ? Les responsables sont nombreux et les problèmes suintent de partout. Une boîte de Pandore est néanmoins identifiée : les blessures. Du onze de base de Kohfeldt, personne n’a été épargné. C’est simple, l’ancien gardien n’a pas pu aligner trois fois de suite la même équipe cette saison. La défense, en particulier, est un jeu de chaises musicales où les légionnaires de retour de blessure remplacent ceux qui reviennent meurtris du front.
Les piètres musiciens de Brême
Deuxième source du mal : le départ du capitaine Max Kruse à l’été dernier. Leader charismatique, buteur redoutable et point de repère du jeu des Grünweissen, l’homme aux 250 matchs de BuLi a laissé un vide vertigineux et n’a été « remplacé » que par Niclas Füllkrug, débarqué de Hanovre (D2) avant de se faire les croisés. Au moins, le désagrément aura permis à la révélation Milot Rashica de réussir en attaque, avec notamment sept pions en championnat… mais aucun depuis la mi-décembre. Début mars, l’interruption du championnat pour cause de Covid-19 ressemble ainsi à un cadeau du ciel. Plus de deux mois de répit qui doivent permettre aux Werderaner de panser leurs plaies, récupérer leurs blessés, soigner leurs automatismes, mais aussi réviser leur stratégie (Kohfeldt a longtemps renâclé à abandonner son amour du jeu de transition ultrarapide pour se pencher sur son arrière-garde).
Sauf que là encore, les joueurs de Brême sont poursuivis par le sort, forcés de respecter des contraintes plus restrictives que les autres clubs par leur région pour reprendre l’entraînement collectif. Dans un effectif pas taillé psychologiquement pour jouer le maintien, la spirale de défaites pèse dans les têtes des petits virtuoses Eggestein et Sargent, mais aussi des vieux routiers Şahin, Toprak, Klaassen, Moisander ou l’éternel Pizarro – 41 piges. Trop vieille (27 ans de moyenne d’âge, la troisième plus âgée de BuLi), pas assez dure au mal, l’escouade hanséatique ne peut rien pour empêcher le naufrage, et surtout pas un Kohfeldt qui a épuisé toutes ses options avec neuf systèmes de jeu testés. Tout tourneboulé, le jeune coach continue pourtant d’avoir la confiance de son directeur sportif et ancienne gloire du club Frank Baumann, lui-même critiqué pour sa gestion de crise trop laxiste, mais lui-même soutenu par son président Marco Bode, trop occupé à négocier le naming du Weserstadion à la société immobilière Wohninvest. Après tout, n’est-ce pas l’immobilisme qui a rongé les plus grandes civilisations ?
Par Douglas de Graaf