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Le voyage initiatique de Sampaoli

Par Arthur Jeanne
5 minutes
Le voyage initiatique de Sampaoli

On l’annonçait à Marseille, à la Lazio, à la tête de la sélection brésilienne ou même au Qatar. Jorge Sampaoli a finalement posé ses bagages au FC Séville. L’occasion pour Sampa de découvrir la Liga, un championnat qu’il avait patiemment observé en 1998, alors qu’il n’était qu’un backpacker en galère.

Pour ceux qui ont suivi la sélection chilienne et son jeu flamboyant de la Coupe du monde 2014 à la victoire à la Copa América 2015, ou plus encore pour les puristes qui ont veillé jusque tard dans la nuit pour voir le football total de son Universidad de Chile quelques années auparavant, la nomination de Jorge Sampaoli sur le banc du FC Séville n’est que justice. Justice et pas mal d’excitation aussi à l’heure de voir ce que le sosie de Patrick Bosso a dans le bide. C’est le moment de savoir si l’homme a les épaules pour affronter le crash test de la Liga. S’il peut passer l’épreuve du feu qui fait qu’un bon entraîneur sud-américain peut devenir grand en Espagne. Une épreuve réussie récemment par Berizzo ou Simeone, mais ratée par tant d’autres techniciens du continent, Bielsa compris. Les attentes sont hautes, et succéder à Unai Emery n’est pas tâche aisée. Ses trois premières rencontres officielles (Supercoupe d’Europe contre le Real Madrid, Supercoupe d’Espagne aller-retour contre le Barça) se sont soldées par autant de défaites, avec déjà huit buts encaissés. Pas forcément la meilleure façon de commencer l’aventure sévillane.

Mais au-delà de ces premiers échecs, l’homme de Casilda, une petite ville argentine de la province de Rosario, a déjà réussi un pari : il va revoir l’Espagne, ce pays de cocagne où il était parti sur un coup de tête pour observer les entraînements des clubs de Liga. Un voyage fou, entrepris sans moyens, mais plein d’illusions.

Galérer, voir, analyser

Nous sommes en 1998, Jorge Sampaoli approche déjà la quarantaine. Depuis des années, il galère à concilier une vie professionnelle tristounette et sa passion du football :

J’avais la certitude d’être au mauvais endroit. Je n’ai jamais pensé renoncer au football, j’étais prêt à sacrifier n’importe quoi, mais pas le football.

« J’étais employé dans une banque de ma ville, Casilda. À ce moment-là, c’était difficile. J’avais le temps de ne rien faire. À la fin de ma journée à la banque, je sautais dans ma caisse et j’allais entraîner à Rosario, où j’avais commencé à coacher des petites équipes, puis je retournais à Casilda. Cent vingt kilomètres dans la journée » , se souvient-il. Un galérien, donc, mais aussi un homme plein d’illusions qui refuse de croire qu’il passera sa vie derrière un guichet : « J’avais la certitude d’être au mauvais endroit. Je n’ai jamais pensé renoncer au football, j’ai pensé renoncer à la vie plus qu’au football. (Rires) Non, j’étais prêt à sacrifier n’importe quoi, mais pas le football. »

Alors, pour accomplir ses desseins, l’homme à la casquette finit par tout plaquer et décide de partir en Espagne, avec son sac à dos. Un périple qui lui coûte toutes ses économies, comme le raconte son beau-frère à la Tercera : « À cette époque, Jorge travaillait à la Banque Provincia. Il n’avait pas beaucoup de moyens et il a dépensé toutes ses économies pour payer ses billets. Il était capable de ne pas manger pendant un mois pour se payer le voyage. » Le but du jeu ? « C’était un voyage initiatique, on a vu plein de choses, des méthodes de travail européennes, l’idée était d’analyser, comparer les façons de travailler, préparer l’avenir. On est allés écouter et voir. Observer et analyser, rien de plus ! »

Auberges de jeunesse et club péruvien

Son ami Jorge Decio, qui deviendra son préparateur physique, est de la partie. Le frère de celui-ci, Hermes, joue alors à Alavès et peut héberger ses compatriotes pendant quelque temps.

On a tout fait en train, un peu à l’arrache comme des backpackers. On dormait dans des auberges de jeunesse, les sous n’étaient pas nombreux et il fallait gérer ça intelligemment pour pouvoir rester le plus longtemps possible.

Le voyage commence donc par le confort du Pays basque, où, grâce à Hermes, ils peuvent assister aux entraînements, discuter avec le staff. Désireux de voir un match mais sans le sou, Sampaoli et Decio réussissent à gratter une entrée pour Athletic Bilbao-Real Madrid à San Mamés, encore grâce aux bons offices du joueur d’Alavés : « Rafael Alkorta était un copain, et je lui demandé s’il pouvait avoir des places pour mon frère et son ami » , racontait Hermes Decio dans la Tercera. La suite du voyage est moins facile, les deux compères doivent composer avec le peu d’argent dont ils disposent : « On a tout fait en train, un peu à l’arrache comme des backpackers. On dormait dans des auberges de jeunesse, les sous n’étaient pas nombreux et il fallait gérer ça intelligemment pour pouvoir rester le plus longtemps possible. »

Un petit mois au final, un mois à se lever aux aurores, à bouffer du football toute la journée, à roder autour des centres d’entraînement pour établir des contacts : « À la Real Sociedad et à l’Espanyol, on a rencontré des gens qui nous permettaient d’entrer dans les centres d’entraînement, nous montraient ce qu’ils faisaient, et à partir de là, on a pas mal appris sur nos propres méthodes de travail. » Un apprentissage qui, à son retour en Argentine, conforte Sampa : il sera un jour à la tête d’une grande équipe, il a le feu sacré en lui et tant pis si pour cela il doit passer par des chemins de traverse ou débuter avec un modeste club péruvien. À cinquante-cinq ans révolus, Sampaoli a réussi sa mission. Comme un bras d’honneur à ceux qui lui disaient, voilà dix-huit ans : « Jorge, il faut que tu continues à bosser à la banque, tu ne peux pas tout laisser tomber pour le football. Tu vas tout quitter, tu vas tout perdre, ne fais pas cette connerie ! »

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Par Arthur Jeanne

Propos de Sampaoli recueillis par AJ

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