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Le vent, élément contraire mon cher Watson
Le vent souffle sur les plaines armoricaines et d'ailleurs, ce qui n'est jamais une bonne nouvelle pour le foot, qui aurait presque tendance à lui préférer une bonne vieille pluie diluvienne, une neige bien tassée, voire un brouillard aveuglant. Décryptage.
Y a pas à dire : la trêve hivernale est tombée à pic. Car qu’ils soient en stage en Andalousie ou bien au chaud dans leur foyer, les joueurs de Ligue 1 n’auront pas eu à affronter les terribles Carmen et Eleanor et des vents à décoiffer un Benjamin Nivet. Car oui, ces tempêtes auraient pu avoir plus d’impact que celui d’avoir interrompu un streaming de Premier League. Car le vent est probablement un des éléments les plus craints par l’ensemble des acteurs du football, du joueur amateur au président de Ligue, en passant par les spectateurs.
30 octobre dernier, le FC Corbières Méditerranée espère se relancer avec l’arrivée de nouveaux coachs à la tête de l’équipe fanion. Et c’est le couteau entre les dents qu’ils attendaient l’Olympique de Moussan-Montredon au stade Roger-Couderc de Port-La Nouvelle. Mais quinze minutes avant le coup d’envoi, l’arbitre souffle leur révolution en annulant la rencontre. La faute à de très fortes rafales qui balayent l’Occitanie. Forcément, « les joueurs étaient déçus et frustrés » , comme le confia Tony Pesselon, le président du FCCM, au journal local L’Indépendant. Mais difficile de donner tort à cet arbitre, qui visiblement ne voulait prendre aucun risque. Car c’est en bord de mer que l’intensité du vent est la plus forte et que le risque de voir des objets voler sur la pelouse est le plus grand. « Les stades les plus vulnérables sont ceux situés en bord de mer, puisqu’il peuvent aussi être submergés » , avertit Frédéric Nathan, prévisionniste à Météo France.
Un Marseille-Lyon annulé en 2012
Le même type de mésaventure est arrivé au plus haut niveau, qui plus est pour une affiche du dimanche, un soir d’Olympico en octobre 2012. Un mistral de 150 km/h avait alors contraint la Ligue à annuler ce Marseille-Lyon vingt-quatre heures avant la rencontre, le club phocéen annonçant via communiqué que « la commission départementale de sécurité a émis un avis défavorable » . À une époque où le Vélodrome n’était pas encore couvert et donc ouvert aux quatre vents, l’architecture du stade ne permettait pas la mise à l’abri de toutes les personnes présentes à l’intérieur du stade, ni leur sécurité lors de leur trajet pour y accéder. Une procédure est dictée par la LFP, qui prévoit que « tout doit être mis en œuvre pour éviter les déplacements inutiles » . Selon l’article 532 du règlement des compétitions de la LFP, c’est la commission des compétitions qui est en charge de décider de la tenue d’un match ou non, en consultant les représentants des deux clubs concernés. Mais à moins deux heures du coup d’envoi, c’est l’arbitre seul qui détient l’autorité de cette décision.
Octobre 2010, 10e journée de Serie A, Chievo-Pescara
« Lors des vigilances orange, les consignes sont de limiter tous les déplacements et de rester au maximum confiné. Le principal danger étant d’être percuté par des objets emportés par le vent » , résume le météorologue Frédéric Nathan. Parmi le mobilier d’un stade pouvant subir la pression des bourrasques, il y a en premier lieu les projecteurs. Ceux du malheureux stade de la Licorne en ont fait l’amère expérience en décembre, l’un d’eux étant à deux doigts de céder lors du dernier Amiens-Lyon. Même type de frayeur à l’étranger quand le toit de la Versluys Arena d’Ostende se faisait arracher par les rafales, qui ont eu raison du choc entre le KVO et Genk.
« J’ai du mal à imaginer des joueurs d’envoler »
Hormis pour des raisons de sécurité qui peuvent paraître évidentes, en quoi la pratique du foot peut devenir dangereuse quand le vent atteint des vitesses supérieures 100 km/h ? Le saut à ski, l’escalade ou le plongeon extrême, d’accord, mais le foot… « J’ai du mal à imaginer des joueurs s’envoler, rassure Frédéric Nathan. Ils sont suffisamment costauds pour tenir debout. Au pire, ils ne pourraient qu’être déportés de quelques mètres ou tomber. » Des choses que l’on peut déjà observer la plupart des week-ends en Ligue 1, comme avec Mariano Diaz à Toulouse.
Reste la question de la praticabilité du match. Les autres conditions climatiques sont rarement aussi redoutées que les bonnes grosses rafales. La pluie, avant que le terrain ne devienne une piscine, n’a jamais gêné personne. La neige n’engendre que des reports de match pour des raisons sportives et moins de sécurité, d’autant plus que la plupart des clubs sont aujourd’hui équipés pour dégager la poudreuse. Alors que le vent, quand il ne contraint pas une rencontre à son annulation, peut avoir de sacrées répercussions sur le jeu. Le moindre ballon levé peut alors prendre une trajectoire aussi fiable que celle d’un ballon Corner sur une plage de Bretagne. Une mésaventure déjà connue à maintes reprises par plusieurs joueurs comme lors du derby londonien de 8e division entre Romford et Thurrock.
Dans ces cas, l’arbitre n’y pourra rien et le but sera validé. Le seul cas où l’indulgence sera de mise est sur un renvoi aux six mètres. Selon les lois du jeu, « si le ballon rabattu par le vent après avoir franchi les limites de la surface de réparation pénètre dans le but du botteur, le but sera refusé et le jeu repris par un coup de pied de coin » . Conclusion : jouer au foot sous la tempête, c’est possible. Mais c’est mieux d’avoir le vent dans le dos.
Par Mathieu Rollinger