- Premier League
- J3
- Manchester City-Leicester (2-5)
Le Vardy est dans le fruit
Face à Manchester City, dimanche, Jamie Vardy a été magnifique : auteur d'un triplé retentissant, largement lié à la victoire des siens à l'Etihad (2-5), le buteur anglais a une nouvelle fois prouvé qu'il figurait parmi les meilleurs 9 du Royaume. Et pour peut-être longtemps encore, car Vardy a changé son jeu et son rapport au foot : pour rester une arme létale.
Un footballeur, c’est parfois comme le vin : il devient meilleur à mesure qu’il vieillit. Jamie Vardy, qui aime la boisson et ne s’en cache pas, en sait quelque chose et, peut-être soucieux de préserver la réputation de l’éthanol au pays de la beuverie, a décidé d’en livrer une nouvelle preuve en ce début de saison. C’est bien simple, en trois matchs, l’attaquant au visage émacié et à la tête avinée a déjà claqué cinq buts, dont un triplé retentissant, dimanche, face à un Manchester City titubant, littéralement éclaté par les Foxes (2-5). Quelques semaines après avoir reçu le prestigieux titre de meilleur buteur de PL, le buteur anglais a déjà dépoussiéré la cartouchière, remis le couvert et pris la tête du classement des strikers, tandis que son Leicester trône à la première marche de la Premier League. Et qu’on se le dise, c’est peut-être parti pour durer, au moins pour Vardy.
Sur la route de Sheringham
Dimanche, Jamie Vardy, buteur à trois reprises, a été étincelant : il a tout d’abord égalisé, juste avant la mi-temps, grâce à un penalty qu’il avait lui-même obtenu, consécutivement à une faute de Kyle Walker, avant de signer une « Madjer » venue d’ailleurs pour mettre son équipe devant, et de faire le break quatre minutes plus tard, de nouveau sur un penalty acquis par ses soins. S’il n’a pas participé jusqu’au bout à la victoire, puisqu’il assisté sur le banc aux réalisations de Maddison et de Tielemans, Jamie Vardy a néanmoins largement contribué à établir quelques records. À 33 ans et 260 jours, il est tout d’abord le plus vieux joueur à avoir inscrit un triplé depuis 2003 et une performance similaire de Teddy Sheringham, alors âgé de 37 ans et 146 jours. Il est ensuite le premier footballeur depuis Milan Baroš en 2004 à obtenir et transformer deux penaltys dans un même match. Il est enfin grandement acteur d’une stat folle, puisque jamais une équipe de Guardiola n’avait encaissé autant de buts en une rencontre.
Bref, le natif de Sheffield se porte bien, très bien, et sa performance ne tient pas qu’à la triste fragilité défensive des Citizens, incapables depuis trop longtemps de résoudre leurs problèmes défensifs. Non, Jamie Vardy a été monstrueux : toujours aussi rapide et toujours aussi dangereux dans ses appels, l’Anglais a mis au supplice l’arrière-garde des hommes du Pep, tout comme il l’avait fait au cours des dernières semaines face à West Brom (0-3) et Burnley (4-2). C’est bien simple, même s’il est peut-être moins clinquant que les Salah, Mané, Kane, Sterling ou autre Aubameyang et Lacazette, Jamie Vardy s’est une nouvelle fois imposé comme l’un des meilleurs attaquants du Royaume. Aussi comme le leader et l’âme de ces Renards survoltés en ce début de saison, bien solidement accrochés à une première place qu’ils partagent pour l’instant avec Everton. Et si les hommes de Brendan Rodgers performent pour l’instant si bien, après une fin d’exercice 2019-2020 laborieuse, c’est qu’ils sont flamboyants devant, grâce à Maddison, grâce à Barnes, et surtout, grâce à Vardy.
Processus de maturation
Jusque-là, rien de bien surprenant pour un garçon qui a déjà planté 105 buts dans l’élite de Sa Majesté (en 212 rencontres et environ cinq saisons et demie). Mais la manière interpelle, car Jamie Vardy a changé son jeu pour rester une machine à marquer létale : en se préservant en match, tout d’abord, c’est-à-dire en limitant les courses et les touches de balles, Vardy est devenu lucide. Dimanche, face à Manchester City, personne n’a touché moins de ballons que le serial striker, et pourtant, personne n’a eu une aussi grande influence dans le jeu. Peut-être conscient que son physique décline, Jamie Vardy touche de moins en moins le cuir (d’une moyenne de touche d’environ 30 ballons par match en 2016 à seulement 19 cette saison). Il court de moins en moins aussi, mais plus efficacement. « Lorsqu’il est arrivé en Premier League, il était brut, agressif, a d’ailleurs remarqué Gary Neville sur les ondes de Sky Sports, dimanche. Il jouait comme s’il n’était pas un joueur de l’élite. Aujourd’hui, il est plus poli, plus lisse. Il y a plus de subtilité ».
De fait, Vardy est désormais plus qu’un chien fou qui court la langue pendante pendant 90 minutes : mieux intégré au jeu de ses coéquipiers, pour qui il crée des espaces en pesant sur les défenses et en se plaçant efficacement, il est aussi plus précis avec le cuir. C’est que l’âme de Leicester a appris à préserver son corps, en prenant sa retraite internationale, mais aussi en multipliant les séances de récupération et les préparations physiques. La longévité et l’endurance donc, comme nouvelles qualités d’un joueur dont on aurait pu douter il y a encore quelques années d’une telle évolution. « Je veux toujours devenir meilleur, mon âge importe peu, a confié l’intéressé au micro de Sky Sports, quelques instants après sa masterclass. On veut toujours s’améliorer chaque jour et j’espère que j’y parviens à l’entraînement. » Et si Vardy a changé, il reste l’arme létale qui avait explosé au visage de l’Europe il y a quatre ans, lorsque Leicester avait triomphé en fin de saison. Et signe que la vieillesse a parfois du bon, la situation est ce lundi une nouvelle fois la même : les Foxes sont devant. Tout comme Vardy. Le début d’un nouveau rêve ?
Par Valentin Lutz