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Le toque remis en cause ?
En Espagne, le mode de jeu de la sélection commence à faire débat. Pas passés loin d’une grosse déconvenue au premier tour, les Espagnols expriment une certaine inquiétude, voire lassitude. « C’est comme ça qu’on a gagné, c’est comme ça qu’on gagnera », répondent joueurs et entraîneur.
Les Espagnols s’appauvrissent, mais se comportent comme des nouveaux riches. À force de gagner, ils se lassent. Ils s’ennuient. Se qualifier pour les quarts de finale de l’Euro en terminant à la première place du groupe ne leur suffit pas. Il leur faut en plus du spectacle, une domination outrageuse sur les adversaires et plus de buts. Le jeu à la barcelonaise, le toque, le tiqui-taca, ils en ont un peu marre. Ils veulent plus de verticalité, un vrai 9. Mais l’Espagne, c’est un peu « le calque du Barça » , comme dit Laurent Blanc. Contre des équipes faiblardes, ça finit souvent en manita, mais quand c’est du solide en face, c’est moins spectaculaire, plus préparé, plus stratégique. D’autant que Messi n’est pas espagnol. L’Irlande a donc logiquement pris sa raclée, mais l’Italie et la Croatie ont résisté et rivalisé. Les Espagnols ont eu le ballon, mais ont été très peu dangereux et, au final, les deux rencontres auraient pu basculer d’un côté comme de l’autre. À cinq minutes de la fin du dernier match de poule, la Roja pouvait encore se faire sortir, et si M. Stark avait sifflé le tirage de maillot de Busquets à ce moment-là, la Croatie aurait sans doute créé la sensation de l’Euro. Et mis un sacré coup au modèle du toque.
Pas spectaculaire, mais efficace
N’en déplaise à sa population, l’Espagne n’est pas une équipe spectaculaire. C’est une machine à gagner. Solide, propre, patiente et confiante. Elle remporte la Coupe du monde avec quatre victoires 1-0 en phase finale, et l’Euro en sortant l’Italie aux tirs au but (après un long 0-0) et en venant à bout de l’Allemagne en finale, encore sur un petit mais largement suffisant 1-0. Seule la Russie n’avait pas tenu la comparaison, en demi-finale (3-0). Mais à l’époque, l’Espagne n’avait rien gagné depuis 1964, alors au pays du flamenco, on s’attardait peu sur la manière. En Ukraine et en Pologne, la Roja est la même que celle des triomphes précédents. Une équipe « toque » . Une équipe intelligente, au milieu de terrain ultra-technique qui monopolise le ballon dans le camp adverse et limite la capacité d’action de l’adversaire. À deux différences près toutefois. L’absence de Villa d’abord, une arme en moins pour Del Bosque. « El Guaje » est ce joueur parfaitement adapté au dispositif espagnol, capable à la fois de venir participer à la passe à dix au milieu de terrain et de trouver le petit espace dans la profondeur quand la machine espagnole décide de changer de rythme. L’autre changement, c’est donc le nouveau degré d’exigence de ses supporters.
On ne change pas une équipe qui gagne
Ce mélange de lassitude et d’inquiétude populaires angoisse en fait assez peu Del Bosque. Lui et ses joueurs l’ont répété cette semaine face à l’insistance des journalistes, l’Espagne ne changera pas sa manière de jouer. C’est une référence dans le monde du football, et surtout, ça a suffisamment prouvé son efficacité. « On a un style de jeu bien marqué depuis un moment déjà et on va continuer comme ça. Avec cette philosophie de jeu, malgré le fait que les adversaires nous connaissent, on trouve toujours la solution pour dépasser les problèmes qu’ils nous posent » , défend le sélectionneur. « On demande aux supporters de croire en cette équipe et en son jeu, le tiqui-taca » , en appelle Iniesta, symbole de la réussite de ce « modèle espagnol » . Un modèle dont au moins une personne ne doute absolument pas, Laurent Blanc, qui tente non sans mal de l’adapter à l’équipe de France. Un bon degré en-dessous dans l’exécution, un bon degré au-dessus dans la critique reçue, les Bleus cherchent à suivre le même chemin. On s’emmerde donc pas mal, mais force est de constater que la France vient d’enchaîner 23 matchs sans défaite, qu’elle a battu quelques gros comme ça et que, pour la première fois depuis 2006, elle est sortie d’une phase de poules. Le raté face à la Suède a offert aux Français la possibilité de se mesurer à leurs maîtres. En espérant ne pas recevoir la leçon.
Par Léo Ruiz