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Le Top Scoreur ou la gloire à l'individualisme
En récompensant le meilleur buteur de Ligue 1 chaque week-end, la LFP soulève surtout le débat sur la place du collectif dans le football actuel.
C’est un petit logo que spectateurs et téléspectateurs ont mis du temps à remarquer. Un hexagone doré, placé au dos du maillot de Kylian Mbappé ce vendredi soir, lors de la large victoire du PSG face à Monaco (5-2). Ce badge, nommé « Top Scoreur » et conçu par le prestigieux Studio Tyrsa – bureau de design qui a déjà collaboré avec Louis Vuitton ou Dior -, la Ligue de football professionnel a passé la semaine à en faire la promotion via ses canaux numériques. Il est en effet censé faire honneur à l’actuel meilleur buteur du championnat – Mbappé donc, avec quatorze réalisations (treize au coup d’envoi contre l’ASM) – et changera de propriétaire selon l’évolution de ce même classement des artilleurs. Du symbolisme pur, faisant cependant la part belle à l’irritante notion d’individualisme, dans un sport plus vraiment collectif.
Joue-la perso
Derrière ce nouveau stratagème de communication ou de marketing, la LFP cherche ainsi à rapprocher un maximum la focale de son slogan : « La Ligue des talents ». Dans l’idéal des instances, le but serait de faire la promotion d’un jeu offensif, par le prisme de ces nombreux attaquants pleins de promesses. Joli communiqué de presse. Dans la réalité, il s’agit surtout de regagner en visibilité, alors que la Ligue 1 s’enfonce dans un ennui notable week-end après week-end. En résumé : il faut stimuler joueurs et supporters par cette course à l’autocollant.
⏳ Des décennies de compétition acharnée entre buteurs ⌛️
🇫🇷 Un nouveau titre à la hauteur de cette quête 🏆
✍️ Un badge unique designé par @TyrsaMisu 👨🎨
#S1 #TopScoreur pic.twitter.com/YOoAoVvkZO
— Ligue 1 Uber Eats (@Ligue1UberEats) November 23, 2023
Dès lors, au-delà de l’intérêt que chacun porte à cette initiative, le débat concerne surtout le respect du jeu. Car oui, ce trophée – puisque le meilleur buteur sera célébré en fin de saison – met encore une fois en avant les attaquants et occulte complètement le reste des postes. Comme si marquer devenait plus honorable qu’assurer une belle passe, un tacle propre, ou un arrêt sur la ligne. « J’ai suivi ça de loin, et la première chose que je me suis dite, c’est que je ne l’aurais jamais », s’est d’ailleurs marré Steve Mandanda ce vendredi face à la presse. Il n’est pas le seul à ne pas pouvoir prétendre à cet énième gadget.
Football générationnel
Le football actuel n’avait pas besoin de la LFP pour confirmer qu’il était devenu un cousin éloigné de la NBA, hissant haut l’impact individuel. Dans une Ligue 1 où une bonne partie des footballeurs est née à l’aube du nouveau millénaire et a été biberonnée au combat statistique entre Cristiano Ronaldo et Lionel Messi, seuls comptent ceux qui la poussent au fond, au détriment des neuf ou dix autres qui font le sale boulot derrière.
Greffé sur le dos de Kylian Mbappé, ce « Top Scoreur » ne devrait d’ailleurs pas être cédé de sitôt par l’attaquant parisien, toujours sensible au moindre record ou accomplissement qui sustenterait sa gloutonnerie de chiffres. Voici donc le contexte dans lequel les futures générations apprendront à aimer le ballon. Celui où les instances récompensent l’employé le moins à plaindre. On préférait le Marcel d’or.
Par Adel Bentaha