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Le Thiago nouveau
Sans Pep Guardiola, Thiago Alcántara s'est enfin fondu dans le moule bavarois. Décisif dans les grands matchs, le joueur formé à la Masia est peut-être celui qui va pouvoir porter le Bayern jusqu'au bout en Coupe d'Europe. Aujourd'hui, Carlo Ancelotti compte avant tout sur lui.
C’est une passe inattendue, mais si importante. Contre Arsenal, au match aller, Thiago Alcántara a un ballon offert pour un triplé en Ligue des champions. Le genre d’occasions qui ne se représente pas tous les soirs. Oxlade-Chamberlain vient de perdre un ballon tout seul. La défense d’Arsenal est désorganisée. Il n’y a plus qu’à battre Ospina pour porter le score à 5-1 et imprimer clairement le nom de Thiago Alcántara sur la rencontre. Pourtant, l’Espagnol fait un autre choix. À sa droite, Thomas Müller n’est pas mieux placé. Pourtant, plutôt que frapper au but, il lui donne le ballon. À ce Müller méconnaissable cette saison, rarement buteur, en difficulté dans le jeu, jamais décisif. Thiago lui fait confiance. Müller fait le reste à la perfection. Le Bayern plie les gaules avec cinq buts d’avance, un Müller à l’instinct retrouvé et un véritable patron dans le jeu.
Blessures et libération
Quelques semaines plus tôt, Thiago Alcántara fait pourtant parler de lui pour l’inquiétude qu’il provoque. En stage à Doha, il est placé au repos forcé. Une fois de plus, à cause d’un corps fragile, Thiago est stoppé dans son élan. Les mauvais souvenirs reviennent. C’est une blessure comme tant d’autres ces dernières années, depuis son arrivée en Allemagne. Disparu à l’infirmerie lors de la saison 2014/2015, il n’est pas au niveau espéré ensuite pour la dernière année avec Pep Guardiola avec des statistiques faméliques (quatre buts et huit passes décisives) et des apparitions discrètes sur les rendez-vous importants.
Thiago Alcántara a longtemps dû subir les pépins physiques stoppant sa progression et son intégration dans l’équipe. Des soucis qui laissent croire que le départ du coach catalan va entraîner le sien également, Thiago n’étant jamais parvenu à se montrer indispensable au Bayern. Mais à la fin du mois de mai dernier, il met fin à la rumeur sur son profil Facebook. « On se voit l’année prochaine la famille du Bayern. » Il reste. Sans Pep Guardiola, parti pour Manchester City. Une libération qu’il avait déjà initiée en décembre 2015 dans Sport Bild en coupant les ponts avec son mentor : « Cela n’a aucun sens. Pourquoi devrais-je [le] suivre ? Je ne suis pas dépendant de Pep. »
Maître des instants décisifs
« Thiago, sinon rien. » À son arrivée sur les bords de l’Isar, Pep Guardiola avait fait de Thiago une recrue à part, qu’il voulait par-dessus tout. Un joueur avec lequel il liait son destin. Même si les blessures ont largement contribué à faire de ces premières années un échec, l’étiquette du « joueur à Pep » a également pesé. Dans un Bayern parfois schizophrène, Thiago pouvait paraître trop prompt à ralentir le jeu plutôt qu’à chercher l’ouverture et la verticalité. Le départ de Guardiola a donc ouvert la voie à un Thiago Alcántara libéré, à un joueur seul face au jeu et parmi ses coéquipiers. Ce que Pep a voulu faire à ses débuts à Munich, Carlo Ancelotti a dès lors pu le mettre en place. Patiemment, l’Italien lui a redonné confiance avant de lui filer les clés du camion en le plaçant comme 10. Maillon essentiel entre les lignes défensives et offensives, il est devenu cette saison l’homme qui débloque les situations.
Dès septembre, lorsque son équipe est neutralisée par Hambourg, il trouve Ribéry d’une drôle de passe à la 88e minute et permet l’ouverture du score grâce à ce geste instinctif.
Comme à Ingolstadt, où, depuis la ligne médiane, il parvient à trouver derrière quatre joueurs adverses Robben, qui n’a plus qu’à faire sa spéciale alors que le Bayern butait depuis 90 minutes sur son adversaire. L’espace vient de s’ouvrir, le Rekordmeister s’impose finalement 2-0. Plus que dans la répétition, Thiago Alcántara se révèle comme un patron mature pour briller dans les grands matchs, quand il le faut. Lorsque le Bayern doit gagner, Thiago sort de son chapeau une performance brillante. Contre le RB Leipzig avant la trêve dans un match important pour la 1re place, il aimante le ballon, marque une première fois et offre le second but. Contre Arsenal, au match aller, rebelote : deux buts et cette passe décisive façon baume au cœur pour Müller. Plus que décisif individuellement, Thiago souffle un supplément de collectif au Bayern. Pile ce dont le Bayern de Guardiola avait le plus besoin. À Ancelotti d’en profiter désormais.
Par Côme Tessier