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Le temps des Cerises
Les débuts en Premier League ont été douloureux, mais après un mois et demi sans victoire, l’AFC Bournemouth a réussi l’impensable : se payer consécutivement le scalp de Chelsea et Manchester United. La ville côtière savoure.
Samedi 12 décembre, Martin n’était pas dans les travées de Dean Court. La quarantaine, le crâne dégarni et des tatouages plein les bras, ce supporter des Cherries a assisté chez lui à la victoire de son équipe de cœur face à Manchester United (2-1). Sans trembler, même dans le dernier quart d’heure, les hommes d’Eddie Howe n’ont pas été inquiétés par les Mancuniens, et ce, une semaine après leur exploit (0-1) à Stamford Bridge. Voir ses Cerises battre deux gros poissons comme Chelsea et Manchester United en une semaine, Martin ne l’aurait jamais imaginé. Jamais. Et surtout pas il y a sept ans. Quand son équipe végétait en… quatrième division anglaise.
« Comme Wimbledon dans les années 80 »
Retour en arrière. Nous sommes le 29 novembre 2008. Dans ce même stade de Dean Court, Bournemouth accueille en Cup une équipe de Non-League, l’équivalent de la D6, devant 4 000 fans. « En sortant du stade, j’ai dit à mon fils que c’était le pire match que j’ai vu de ma vie à Dean Court, rembobine ce professeur d’anglais. Un 0-0 dégueulasse. Je m’en rappelle, c’était contre Blyth Spartans, et on s’est fait éliminer à l’extérieur en replay. Se retrouver aujourd’hui, sept ans après, à battre Manchester United, c’est juste impensable ! » Lors de cette saison 2008-09, Bournemouth connaît de graves problèmes financiers. Incapable de payer ses dettes, le club est pénalisé de 17 points, passe à deux doigts de la relégation en D5, mais obtient finalement un maintien inespéré en League Two (D4). Ce maintien obtenu à l’arrache va être un déclic. Car derrière, Bournemouth va prendre une nouvelle dimension, saison après saison.
Racheté en deux temps (2011 et 2013) par le richissime businessman russe, Maxim Demim, le club a gravi tous les échelons du football anglais jusqu’à devenir, cet été, le 47e club à découvrir la Premier League. « Une telle progression fulgurante, en Angleterre, c’est inédit depuis le Wimbledon des années 80 (de la D4 en 82-83 à l’accession en D1 à l’été 86, ndlr) » , remet Martin. Et la ville, qui n’a jamais connu une équipe au plus haut niveau, de se prêter au jeu. Les Cherries font la Une du Daily Echo et « c’est vrai qu’en ce moment, les gens parlent beaucoup de ça » , sourit Sue, buraliste en haut de l’artère principale de cette ville moyenne du Sud du pays (presque 200 000 habitants), qui attire autant les étudiants que les grandes fortunes anglaises, prêtes à s’offrir une maison à prix d’or sur le bord de la côte du Dorset. « Dans les magasins, dans la rue, les gens ont toujours un mot sympa. Si l’engouement est supérieur à l’année dernière ? Difficile à dire, le stade ne fait toujours que 12 000 places » , note Yann Kermorgant, grand artisan de la montée l’an passé et relégué au fond du banc cette saison. Toujours rempli la saison dernière, Dean Court sera à guichets fermés au moins jusqu’en mai – en championnat -, puisque il a fait le plein d’abonnements. Au printemps dernier, le club annonçait d’ailleurs que « l’agrandissement du stade serait une priorité si le club se maintenait » – sans écarter la possibilité de construire une nouvelle enceinte.
Eddie Howe, le sauveur
En attendant, les fervents supporters qui n’ont pas leur sésame pour Dean Court se retrouvent à trois pâtés de maison, au Queens Park. Mèche rouge sur le front, Emma porte une veste discrètement brodée LFC, « parce que Liverpool, c’est mon club de toujours » . Son autre club ? Les Cherries, et elle revendique le fait que son pub soit le QG des supporters. « Bien sûr que c’était complet pour le match contre United ! On ne pouvait plus circuler ici » , se marre celle qui a doublement apprécié la victoire contre MU, fibre scouse oblige. Le lieu, tapissé par endroit aux couleurs rouge et noire, fait aussi figure de point de rendez-vous avant les matchs à l’extérieur pour les fans qui amorcent les déplacements. Ce samedi à West Brom, ils seront plusieurs centaines dans le parcage visiteurs. Parce que si, pour l’anecdote, Bournemouth (14e) se retrouve notamment devant Chelsea (en ayant dépensé 42 fois moins de livres sterling), la course pour le maintien est encore longue.
Comme tous ses acolytes, Bournemouth lorgne sur les droits TV monstrueux de la PL à partir de l’année prochaine – un gâteau de 2,3 milliards à se partager par saison. Avec aussi un territoire à conquérir. Fait unique depuis la saison 2004-05, le championnat d’Angleterre de première division compte dans ses rangs deux écuries du Sud : Bournemouth et Southampton (une cinquantaine de kilomètres sépare les deux cités). « On ne peut pas parler de rivalité, au niveau historique, Bournemouth ne pèse pas lourd dans la balance face aux Saints, concède Adam, un employé du club. La rivalité du Sud, c’est Southampton – Portsmouth. Mais Bournemouth peut s’imposer au fil des années. » En attendant, Martin profite : « Sur le banc, on a Eddie Howe, le futur sélectionneur de l’Angleterre. » Eddie Howe qui avait débarqué sur le banc de Bournemouth en décembre 2008. Un mois après la purge face à Blyth Spartans.
Par Florian Lefèvre, à Bournemouth.