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- Metz-Monaco (0-1)
Le talent de Badiashile
Lors des deux premiers matchs de la saison, Benoît Badiashile a été étincelant : buteur face à Reims pour offrir le point du nul à Monaco la semaine dernière (2-2), le défenseur de 19 ans a remis ça face à Metz dimanche, cette fois pour filer trois points à son équipe (0-1). Plus encore que l'aspect comptable, c'est le symbole qui marque, car Badiashile est peut-être en train de s'imposer comme le patron du nouveau Monaco.
Un contrôle en extension et une frappe en finesse au fond des filets contre Reims la semaine passée (2-2), puis une praline de volée en lucarne face à Metz dimanche (0-1) : la manière et le compteur pourraient être ceux d’un attaquant, et pourtant, ils sont bel et bien ceux de Benoît Badiashile, auteur de deux buts lors des deux premiers matchs de la saison, et devenu à ce titre meilleur buteur d’un AS Monaco qui bégaye encore son football. Mais au-delà de la simple réalité statistique, vouée à s’estomper avec le temps (du moins, on l’espère pour les hommes de Niko Kovač), une symbolique plus forte colle aux deux réalisations et aux pompes de l’homme fort de Monaco. Désormais quasi indiscutable en charnière centrale à même pas vingt ans, le grand ado du club de la Principauté est surtout en passe de s’imposer comme un vrai patron. Presque un aboutissement logique.
BB flingueur
Il y a tout d’abord un début de saison tonitruant, ponctué donc de deux buts décisifs, pour le nul face à Reims le 23 août (2-2) et pour la victoire contre Metz dimanche (0-1). De l’autre côté du terrain, en défense, Badiashile a également été performant, sans être forcément étincelant : en compagnie du nouveau venu Disasi, lui aussi très jeune (21 ans) et lui aussi buteur, face à Reims, le natif de Limoges forme une charnière solide et essentielle pour Monaco. Certes, elle reste encore perfectible, parfois fébrile, et le club de la Principauté aurait pu en pâtir face à Metz de la même façon qu’il en avait pâti face à Reims en concédant trop d’occasions issues d’erreurs individuelles. Reste que sans Badiashile, Monaco aurait probablement davantage subi défensivement : juste dans le placement, solide dans le duel et précis dans la relance, notamment face à Metz, le grand BB de Monaco a rappelé pourquoi il était l’un des défenseurs les plus talentueux de sa génération.
Par chance, Niko Kovač en est bien conscient, et c’est aussi à lui que Badiashile doit son poste de titulaire. S’il avait été lancé très jeune, à seulement 17 ans, par Thierry Henry en Ligue 1 et en Ligue des champions, l’international U19 (18 sélections) a aussi vécu une période plus complexe lors du retour de Jardim, en enchaînant les passages sur le banc à l’hiver 2019. À l’arrivée de Moreno, il a retrouvé sa place de titulaire, notamment aux côtés de Maripán, avant d’être confirmé par Niko Kovač lors de l’intersaison. Cet été, Badiashile a été convoité, et il l’est encore, notamment par Manchester United et le Bayer Leverkusen, mais l’ancien entraîneur du Bayern croit en lui et l’a signifié, au principal intéressé comme à ses dirigeants, dont certains, notamment Paul Mitchell, voulaient le voir partir si une offre d’environ 25 millions d’euros arrivait sur la table. Titulaire et essentiel en ce début de saison, Badiashile s’est en tout cas vu offrir par son club des garanties de temps de jeu, comme il en a offert à Monaco en matière de performance.
Patron en puissance
Car à 19 ans seulement, Badiashile s’est affirmé comme autre chose qu’un simple grand espoir en défense centrale : s’il n’était que cela, il ne serait qu’un élément coincé entre les talents qu’empile Monaco dans le secteur, avec Disasi donc, mais aussi Pavlović, Marcelin, Matsima et dans une moindre mesure Maripán. D’une certaine manière, le frère de Loïc incarne ce Monaco en reconstruction, victime de sa politique autodestructrice et avide de mieux faire. Mieux, il en est l’un des leaders, peut-être moins par volonté que par nécessité, moins par nature que par expérience. Les larmes qui avaient perlé sur son grand visage en janvier 2019, au terme d’une défaite face à Dijon (2-0) avaient investi le garçon d’une forme de mission, celle de participer, en surnageant parmi ses camarades d’infortune, au sauvetage d’un vaisseau en détresse. La confiance de Kovač et son rôle désormais fondamental dans une défense fébrile le forcent une fois encore à élever son niveau et à s’imposer : en ce début de saison, avec réussite.
C’est à cette trempe de patron en devenir peut-être plus qu’à ses qualités de futur grand défenseur que Badiashile doit sa toute récente convocation en équipe de France espoirs, où il retrouvera d’autres clients en charnière centrale pas moins doués, notamment Jules Koundé, Boubacar Kamara ou Evan Ndicka. En effet, à certains, il doit encore emprunter une plus grande sérénité dans la prise de décisions, à d’autres un plus grand impact dans les duels. Mais il n’a peut-être rien à envier à quiconque en matière de qualité de relance, de détermination et d’autorité. Bien sûr, une fois les rumeurs de transfert dissipées, ou un départ confirmé, il faudra que ça dure, au moins en matière de performances défensives, afin de reconduire le test et de transformer l’essai. À Monaco, il en aura tout le loisir : oubliez Upamecano et Konaté, le meilleur central français de demain a peut-être les plus belles initiales du monde.
Par Valentin Lutz