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Le syndicaliste Solari en intérim royal
En remplaçant au pied levé le destitué Lopetegui, Santiago Solari fait un grand bond dans la hiérarchie du Real Madrid. Une position que l’Argentin sait provisoire, mais qui, à l’image de sa carrière sans faste ni tache, lui permet de grandir au sein de la Maison-Blanche.
Ce mercredi, au stade Álvarez Claro de Melilla, un entraîneur de >Segunda B affronte une équipe de Segunda B. Jusque-là, rien d’anormal. Plus singulier, le tacticien en question, cinquième de son groupe de troisième division, a pris du galon en l’espace d’une décision : la destitution de Julen Lopetegui de son poste d’entraîneur du Real Madrid. C’est qu’en acceptant de prendre la relève, pour le moment provisoirement, de l’homme le plus poissard de 2018, Santiago Solari troque l’anonymat du Castilla pour les strass de l’équipe première, la tranquillité des terrains sans tribune pour une pression en mondovision. Une ascension sonique qui n’est pas sans rappeler celle de son prédécesseur sur le banc de la réserve madridista, un certain Zinédine Zidane, dont il a été le coéquipier quatre saisons durant (2001-2005). Sa carrière est plus confidentielle, son nom ne plaît qu’aux initiés, mais ce choix revêt par bien des aspects une rationalité que la Maison-Blanche semblait avoir oubliée. Car plus qu’un prolongement de la philosophie Lopetegui, l’Argentin apporte dans ses bagages toute son expérience de la nébuleuse du Bernabéu. Autrement dit, Solari avance démasqué dans un terrain miné.
Il n’a jamais eu d’agent
Quand Florentino Pérez, pas peu fier d’avoir arraché des griffes de la Roja son sélectionneur, présente Julen Lopetegui, il n’imagine pas que son « tu es de retour chez toi, dans ta maison » ne durerait que 126 jours. Un retour pour le moins éphémère, donc. Pour Santiago Solari, aucune question de retour, lui qui fait partie des murs de la Ciudad Real Madrid depuis des années. D’abord, il l’a écumée comme joueur, de 2000 à 2005 (208 matchs). De cette époque dite des Galactiques, lui ne brille pas par son faste sur le pré, encore moins par ses cavalcades en dehors. Homme de complément sur le terrain, qu’il regarde bien souvent du banc de touche, ce besogneux talentueux ne faillit jamais à la tâche et gagne l’affection du public. En interne, le milieu de terrain occupe a contrario un rôle indispensable, pacifiant des relations parfois houleuses avec la direction de Florentino Pérez. À tel point qu’on lui octroie le surnom de syndicaliste du vestiaire, lui qui n’a jamais eu d’agent, voire d’intellectuel, le bel homme aimant passer ses vacances à la maison avec un livre. Mais plus que ces clichés désuets, Solari incarne une éthique de travail irréprochable qui, aujourd’hui, le propulse sur le banc du Real.
« Cristiano est le meilleur du monde, car Messi joue à un autre sport »
Avant de monter en grade, Solari passe par la case centre de formation. Des U15 aux U19 en passant par les U17 madridistas, il écume toutes les catégories d’âge pour finalement atterrir, en 2016, sous le maillot de l’équipe réserve. Une trajectoire qu’il vit comme un héritage de son paternel, Eduardo, qui a longtemps vogué des bancs du championnat argentin à ceux du mexicain. Surtout, enfant de Rosario formé chez les Newell’s Old Boys, Santiago Solari est imprégné de la vision du football des illustres Marcelo Bielsa et Jorge Valdano. De ce dernier, il suit même les pas en prenant la plume, une fois ses crampons raccrochés, dans les colonnes d’El Pais pour qu’il livre des chroniques où se mêlent Tolstoï et Lionel Messi. De Bielsa, il garde la volonté de proposer « un jeu de possession où chaque action a sa phase d’élaboration » . D’une droiture qu’il a érigée en principe fondamental, il n’hésite ainsi pas à se mettre en porte-à-faux avec des légendes du Real quand il juge que « Cristiano est le meilleur du monde, car Messi joue à un autre sport » . Loin d’être un pion avancé par Florentino Pérez, Solari sonne comme un choix temporaire, mais rationnel dans ce Real ô combien déraisonnable.
Par Robin Delorme