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Le sifflet de secours

Par Florian Cadu
Le sifflet de secours

Ville hôte des cyclistes pendant deux jours, le Puy-en-Velay est reconnu pour sa tranquillité. Mais les environs peuvent aussi être le théâtre de scènes plus tendues. Comme en avril 2016, lorsque Vivien, arbitre amateur, s’est sévèrement fait agresser. Retour sur cette malheureuse histoire.

Les trois coups de sifflet interviennent bien avant la 90e minute. Vivien, l’arbitre de la rencontre, vient de recevoir une pierre lancée des tribunes et, comme le règlement le recommande, stoppe le match en pleine partie. Déjà insulté de « Fils de pute » juste avant pour avoir expulsé un membre de l’équipe hôte en raison d’un comportement anti-sportif, Vivien voit la situation sérieusement vriller quand les joueurs locaux l’encerclent pour protester. Soudain, le jeune homme de 26 ans se retrouve à terre après un coup de front sur son nez, joliment exécuté. Remplis de courage, les agresseurs se mettent alors à savater méchamment celui qu’ils viennent de faire tomber au sol et qui se met en boule pour encaisser un peu moins difficilement les crampons. Une vingtaine de secondes plus tard, l’équipe visiteuse le sort de là en s’interposant, déclenchant une baston générale inévitable. Tant bien que mal, Vivien s’infiltre dans son vestiaire, parvient à signer la feuille de match après trois quarts d’heure de négociation avec des dirigeants menaçants (dont l’entraîneur et le délégué, qui n’hésitent pas à lui balancer quelques noms d’oiseaux), et se risque à sortir pour prendre sa voiture. Direction l’hôpital, malgré les risques de pertes de conscience qu’il sent arriver. Bilan de sa journée passée à Aurec-sur-Loire, à moins d’une heure de chez lui : beaucoup de bleus, une interruption temporaire de travail de huit jours, une minerve cervicale, un certain dégoût du foot et un moral détruit.

C’est l’hymne de nos campagnes

« Dans la tête, ça cogite énormément. Le choc, quoi, se remémore l’habitant du Puy-en-Velay devant son demi-caramel. J’ai passé trois semaines sans dormir. Au point de réclamer des somnifères à mon médecin. J’étais complètement perdu. J’y pensais tout le temps, en fait. La première semaine, je n’ai même pas osé sortir de chez moi. J’ai mis quinze jours pour sortir sans stresser. » S’il a aujourd’hui repris la route des pelouses, l’arbitre de Ligue d’Auvergne ne pige pas. Selon lui, les arbitres amateurs ne sont absolument pas assez protégés. En témoignent les sanctions « ridicules » qui tombent quand ce genre de tristes événements se produit. À titre d’exemple, le FC Aurec a mangé 500 petits euros d’amende et trois minuscules matchs à huis clos pour ce sombre après-midi qui a ruiné bien plus que les cervicales d’un bonhomme. Une forme de clémence qui n’inciterait pas certaines équipes à se tenir à carreau. Loin de là. « En vérité, on sait que ça peut partir en cacahuètes à tout moment, confie Vivien, large tatouage dédié à sa fille dans le cou. On connaît les endroits où ça risque de mal se passer, où la mentalité est merdique. » Et d’affirmer, après une gorgée de houblon : « Dans le coin, on en a, des histoires… Des mecs cagoulés qui reviennent après une rencontre pour défoncer un arbitre et le laisser pour mort, des patates qui partent par les proches des joueurs, des arbitres suivis… Ça devient chaud d’être arbitre. Du coup, c’est con à avouer, mais chaque week-end, on espère avoir de la chance et on se dit que ça tombera sur quelqu’un d’autre. »

Une fois, pas deux

Pourquoi continuer, alors ? « Pour la passion et l’honneur, répond Vivien, qui ne gagne quasiment rien avec le ballon rond. Tout lâcher, ça m’a effleuré l’esprit. Mais je n’allais pas arrêter pour quelques débiles. Des insultes, j’en reçois souvent. Mais des coups, c’était la première fois. Et j’ai repris deux mois après. C’est une revanche, pour montrer qu’on est plus fort que leur connerie. » En substance, le garçon montre un fatalisme assez pessimiste quant à la fonction d’arbitre. L’homme en noir ne serait pas reconnu, pas défendu et destiné à en baver. « Quand tu te lances là-dedans, tu sais que tu vas en chier psychologiquement. Tu as constamment peur de te tromper, reconnaît-il.Si tu fais une micro-erreur à la dernière seconde, tout ton match va être jugé sur ça. Même si tu as fait 89 minutes exceptionnelles. » Le coup de tête façon Brandão d’avril 2016 n’aurait donc rien changé dans la vision de son « métier » ? Si, quand même. Dans la façon dont il l’exerce, notamment : « Désormais, en cas de situation chaude, je n’irai plus défendre un joueur, me mettre entre les deux ou essayer d’empêcher un poing de partir, comme je pouvais le faire avant. Je me mettrai en retrait et j’attendrai que ça se calme. » En tout cas, une chose est sûre : la deuxième fois sera la dernière. « Si ça recommence demain, j’arrête. Une fois, ouais. Deux fois… Je ne suis pas là pour me faire taper dessus. »

Dans cet article :
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Par Florian Cadu

Propos recueillis par FC

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