- Rencontre exclusive
Le seul homme sur Terre qui n’aime pas N’Golo Kanté
Il a choisi de vivre coupé d’une partie du monde, en marge de la société et seul contre tous. SO FOOT a rencontré un homme – qui tient à rester anonyme pour des raisons de sécurité évidentes – qui est à ce jour la seule personne sur Terre à ne pas aimer N’Golo Kanté. On vous prévient : son témoignage, qu’on vous livre in extenso, est aussi glaçant que bouleversant.
« Tout a commencé en 2016, avec les premières sélections en équipe de France. Je voyais bien que j’étais différent. Que je n’étais pas comme les autres. J’entendais des « il est trop fort, je l’adore« , des « il a trois poumons, tu vas voir !« , ou des « c’est le milieu du futur, c’est sûr ! » Vu que tout le monde avait toujours l’air d’accord, je prenais sur moi, je disais timidement : « ouais, il est pas mal« , « ouais, faut voir« . J’ai vu le fossé se creuser avec mes collègues, mes amis, ma famille à mesure que je nuançais les éloges, que je le remettais en question, que j’exprimais des doutes et des critiques. Jusqu’au jour où j’ai craqué.
On était là, chez un pote qui a RMC Sports, devant un Southampton-Chelsea sans intérêt ni importance d’octobre 2016, tout le monde s’extasiait sur la moindre passe, le moindre ballon gratté, la moindre course, le moindre plan sur ses yeux rieurs… et j’ai craqué, donc : « J’AIME PAS KANTÉ. » Silence. Gros blanc. Yeux écarquillés. Bouches bées. Même la box a bugué, l’image sur la télé s’est arrêtée. « JE LE DÉTESTE PUTAIN, J’EN PEUX PLUS DE SES PETITES JAMBES, DE SON SOURIRE, VOUS COMPRENEZ ? » Je venais de lâcher la troisième bombe atomique de l’histoire. On a essayé de me raisonner, de me remettre dans le droit chemin. « Comment tu peux ne pas l’aimer ? Il venait à l’entraînement en trottinette ! » « Il roule en Mini Cooper, ça change des footballeurs bling bling ! » Mais il n’y avait rien à faire, je ne peux pas le saquer. Parce que si l’eau recouvre en effet 70% de la surface de la Terre, non N’Golo Kanté ne recouvre pas le reste. Non, N’Golo Kanté n’a pas quatre poumons. Et non, N’Golo Kanté ne pourrait pas gagner le marathon de New York en moonwalk.
Deux années ont passé, j’ai perdu beaucoup de potes, je regarde les matchs de Chelsea en streaming. En 2018, visiblement, on peut critiquer Mbappé ou Griezmann, mais on n’a pas le droit de ne pas aimer N’Golo Kanté, de ne pas être d’accord avec le portrait qu’on nous en fait partout. C’est un facteur d’exclusion sociale. On doit baisser le regard, raser les murs et attendre que ça passe. Comme si je n’avais plus le droit d’aimer le foot. Comme si je regardais un autre sport. Mais moi, j’aimais et j’aime aussi Thomas Gravesen, Nigel de Jong, Maxime Gonalons. Et alors, vous êtes qui pour me juger ?
Je redoutais le Mondial en Russie, et j’avais bien raison… Ma vie est devenue un enfer à l’instant même où les mecs de So Foot ont publié leur chanson. Cette saloperie de chanson. « Il est petit, il est gentil… » En boucle. Télé. Radio. Réseaux sociaux. Dans la rue. Dans les tribunes. Dans les bars. Dans le métro. Partout. Tout le temps. Dans toutes les bouches. Pauvre Joe Dassin ! Il est petit, il est gentil et il me pourrit la vie… Le comble, c’est quand il est sorti en finale contre la Croatie. Tout le monde lui a trouvé une circonstance atténuante : il a la gastro. IL S’EST CHIÉ DESSUS DANS LE MATCH LE PLUS IMPORTANT DE L’ANNÉE, VOUS VOULEZ DIRE ! On le sait tous : l’entrée de Steven Nzonzi nous a fait gagner la finale de la Coupe du monde 2018 tout comme la sortie de Patrick Vieira nous a fait perdre celle du Mondial 2006. Mais non, on n’a surtout pas le droit de critiquer un homme qui rate son Eurostar et qui en profite pour s’incruster chez un inconnu pour taper un FIFA. Vous savez ce qu’il vous arrive, vous, si vous ratez votre train ? Personne ne va vous proposer de vous accueillir chez lui. Non, vous, vous attendrez le prochain train comme un con dans le Starbucks de la gare en écoutant des gens (mal) jouer la BO d’Amélie Poulain au piano en libre-service.
Les huit prochaines années risquent d’être longues. Tout comme les deux dernières étaient déjà interminables. Parce qu’il n’a que 27 ans. Rien que de le dire, ça me fout un bourdon pas possible : N’Golo Kanté n’a que 27 ans et tout indique qu’il est là jusqu’à ses 35. Pfff… Mais récemment, un nouvel espoir s’est levé. Un homme qui va renvoyer tranquillement N’Golo Kanté à sa place, quelque part entre Rio Mavuba et Olivier Dacourt. Son nom : Tanguy Ndombele. Lui, je l’adore… »
Par Pierre Maturana
Ceci est une fiction. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite.