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Le sergent Évra
Annoncé un temps à Lyon ou en Angleterre, Patrice Évra s’est finalement engagé dans la soirée de mercredi avec l’OM pour les dix-huit prochains mois. Un recrutement qui a de la gueule sur le papier, mais qui doit aussi poser question sur le décollage du projet McCourt.
Il y a l’avant, d’abord. Patrice Évra est debout, les muscles sortis, le torse bombé. Autour de lui, personne ne semble vraiment le regarder, mais tout le monde l’écoute. Cette aventure, Pat’ sait que c’est probablement la dernière de sa carrière. De cette dimension, au moins. Alors, il joue son rôle de grand frère, plus Tonton que Pascal, et prend la parole : « Une grande discipline, les gars. Face à une équipe comme ça, on n’a pas le droit à une seule erreur. On lâche les chevaux aujourd’hui. C’est là qu’on doit prendre du plaisir à défendre ensemble. Mais quand on récupère, on fait mal. On donne tout ce qu’on a. On ne peut pas être fatigués aujourd’hui. C’est trop beau ce qu’on est en train de vivre, on ne peut pas le gâcher, alors il faut un trophée à la fin. » Le vestiaire du Vélodrome se tait et l’unité est totale. Plus d’une heure et demie plus tard, les Bleus ont achevé leur ennemi intime : l’Allemagne, l’affreuse, la maudite. Direction la finale de l’Euro dont on connaît aujourd’hui l’issue. Mais ce soir-là, à Marseille, Évra est définitivement tombé sous le charme d’un groupe qui a redonné « cette fierté d’être français » , mais aussi d’un peuple qui l’avait matraqué à quelques reprises pendant le passé, notamment lors d’un OM-Manchester United en février 2011. Ça, c’est l’après. Car si le 7 juillet dernier, l’équipe de France a retourné l’Allemagne, le stade Vélodrome y est aussi pour quelque chose, si ce n’est pour beaucoup. « Il faut féliciter cette ville de Marseille. Quand tu vois le Vélodrome en folie comme ça… C’est incroyable, cette atmosphère. Elle n’est pas comme ça au Stade de France, c’est dommage. Ça nous pousse à ne rien lâcher » , expliquera après la rencontre le latéral français. Six mois plus tard, le voilà de retour dans un rôle similaire : celui de conseiller en expérience et de caution grosse paire de couilles.
Le précédent Liza
Cette fois, c’est officiel : Patrice Évra, quintuple finaliste de la C1, est donc bien la deuxième gueule de l’OM Champions Project, un carnet de route encore fouilli et bordélique dont on cherche à dessiner la ligne directrice. La nouvelle est tombée dans la soirée de mercredi et sur le papier, c’est au minimum ce dont l’OM avait besoin en urgence, surtout après la débâcle du Parc OL. Soit, un latéral gauche de métier pour oublier un temps la blessure de Bedimo et les cagades à répétition de Rekik et Dória. Ce que raconte ce transfert, c’est avant tout une chose : Marseille n’a pas réussi à faire tomber dans ses bras Ricardo Rodríguez, le latéral de Wolfsburg, et ne peut donc pas encore attirer n’importe qui. De son côté, Rudi Garcia voulait de l’expérience, et avec Évra, il l’a, même si le joueur n’a été titularisé que trois fois avec la Juventus cette saison du haut de ses trente-cinq piges. Ce dont l’OM a aujourd’hui besoin, c’est ça : boucher les trous pour boucler au mieux la saison en cours avant de bosser définitivement les contours de ses rêves américains l’été prochain. Patrice Évra a l’expérience, la grande gueule pour bouger les gosses et certainement encore plus de cannes que Rod Fanni, donc ça devrait logiquement faire l’affaire. Reste que derrière ce transfert, il y aussi ce souvenir du Bixente Lizarazu de 2004, dont le passage à Marseille restera une sale tache, notamment après le départ de José Anigo en novembre. Car Liza s’engueulera avec Troussier au point de penser un jour à « l’emplâtrer » . Ambiance et souvenirs, même si Troussier n’est pas Garcia, et heureusement.
Les projecteurs et après ?
Mais au-delà du nom reste le recul à prendre sur ce que l’OM souhaite mettre en place à court et long termes. Après la défaite à Lyon (3-1) dimanche, l’état major marseillais avait décidé de s’activer pour offrir à Garcia cette valeur sûre tant recherchée pour accompagner la fin de saison. Le tout en s’alignant sur les revenus du latéral français à la Juve. Rudi Garcia, lui, ne s’est pas caché de l’objectif de ce recrutement dans un mercato hivernal décrit comme « un marché de réparation » , alors que la quête d’un nouvel arrière gauche devrait revenir l’été prochain pour anticiper l’avenir. Car l’avenir, c’est ce que vise avant tout le trio McCourt-Zubi-Eyraud et l’arrivée de Morgan Sanson va dans ce sens, tout comme les investissements massifs réalisés sur la formation depuis quelques mois. Dans ce sens, l’arrivée de Dimitri Payet, dont le contrat est déjà prêt, n’aurait toujours aucune logique, si ce n’est une portée courte, amputant un bout des finances du club. Ce que Marseille doit faire maintenant, c’est viser à longue portée sur de la jeunesse et non de vieilles gloires. Le débarquement de Patrice Évra permettra au moins de braquer un peu plus les projecteurs sur l’OM Champions Project au niveau international. La suite se jouera dans la séduction, histoire de faire doucement décoller un projet excitant. Définitivement.
Par Maxime Brigand