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Le septième jour d’Arsène
Présent en huitièmes de finale de la C1 depuis le changement de format de la compétition en 2003-04, Arsenal se déplace mercredi soir à Munich pour la première manche d'un aller-retour qui semble déjà plié avant l'heure. Alors, Arsène Wenger s'en remet au ciel.
Coincé dans son style, Arsène Wenger n’a jamais caché sa peur de l’horloge. Le temps l’angoisse et l’a toujours angoissé. Le futur peut-être même un peu plus que le passé. Ce dernier parle pourtant pour lui et le temps qui lui a été donné jusqu’ici doit être considéré comme un cadeau – mérité oui, mais un cadeau – dans une ère moderne où on en laisse souvent trop peu à un mec en costume. Plus de vingt ans, quelque chose que l’on ne reverra certainement plus jamais dans l’histoire du foot. Il faut écouter l’Alsacien parler de son rapport au temps, l’entendre raconter que « seul le moment de bonheur possible est le présent » , que « le passé donne des regrets et le futur des incertitudes » , que sa relation aux aiguilles est « angoissante à tous les titres » et que « la seule manière de lutter contre le temps, c’est de ne pas trop regarder derrière soi. Si l’on s’y complaît, c’est angoissant et parfois culpabilisant. » Réfléchir, se retrouver avec ses idées, Wenger le fait alors tous les matins, en marchant une quinzaine de minutes sur sa pelouse de Totteridge, torse nu et pieds nus. Puis, le Français renfile son costume et le temps est devenu depuis quelques semaines, quelques mois, une angoisse où les anguilles frappent autour de son crâne sans jamais y pénétrer.
La faute à un contrat qui expire en juin prochain, qu’il n’a toujours pas prolongé et un avenir auquel il ne réfléchira qu’une fois le dernier coup de sifflet de la saison entendu. Logiquement, ce sera contre Everton, à l’Emirates, le 21 mai prochain. Là où rien n’est plus pareil, là où on s’amuse désormais à lui crier dessus et où certains lui demandent simplement de dégager. L’air du temps est comme ça : la page Wenger devrait se refermer douze ans après son titre, bientôt treize vu l’écart actuel entre les Gunners et Chelsea. Le technicien français, lui, ne sait pas ce qu’il va faire ou, du moins, il ne le dit pas. Certains comme la légende Ian Wright parlent pour lui, d’autres veulent lui filer un an de plus pour assurer la transition. Wenger veut en profiter pour se retrouver avec ses supporters et appelle à l’unité. Comment ? En prenant l’exemple de ces losers de Tottenham, parallèle critiqué, mais on voit l’idée. Sauf que tout n’est pas si simple.
Le dîner normal
Tout n’est pas si simple, car ce qui faisait hier la force d’Arsène Wenger est brisé. L’unité autour de ses idées, de son projet, de ses mots, n’existe plus. Pire, c’est désormais sur le terrain que ça ne répond plus toujours avec au centre des interrogations l’artiste névrosé Mesut Özil, une nouvelle fois bordélique contre Hull City (2-0) samedi dernier. Aujourd’hui, Arsenal tient essentiellement sur ses pattes grâce au génie d’Alexis Sánchez et quelques éclats individuels, mais n’avance plus comme un tout. Pourquoi ? Car le liant Özil est coupé et, sans lui, la machine collective ne peut avancer. Est-ce le pire moment ? Oui, certainement, et Arsène Wenger le sait. Tout simplement car mercredi soir, à l’Allianz Arena de Munich, les Gunners et l’entraîneur français ont rendez-vous avec leur passé, leur présent et le futur. Juste assez pour voir l’Alsacien enfiler sa toge et balancer ceci au moment du tirage au sort : « Regardez, les six dernières années, on n’a pas dépassé les huitièmes. On dit que Dieu a fait le monde en sept jours et c’est le septième jour pour nous, donc on doit avoir un jour spécial. » Recevoir une aide divine serait donc la seule façon de s’en sortir. Espérer fait avancer les gens, mais ne les fait pas toujours gagner, et ce, même si le Bayern paraît moins flamboyant que par le passé. Ce même passé où les Munichois ont giflé Arsenal à plusieurs reprises lors d’un dîner européen, que ce soit en 2005, en 2013 ou en 2014, avec toujours la même conclusion : pour faire sauter le Bayern, il faut jouer deux matchs et non un seul. Et là, Dieu ne peut pas faire grand-chose.
De la Bible à Ben Thomas
Comment espérer quelque chose de cette double confrontation ? Le frère Wenger parle d’un éventuel miracle, Robert Lewandowski, lui, préfère être clair : « Si nous jouons bien, Arsenal n’a aucune chance. » Vrai, et le Bayern ne se plante que rarement dans ces rendez-vous. Alors, perdre son temps dans un confessionnal, filer son fric à un marabout ou attendre de voir de quel côté la pièce va tomber ne changera rien. Surtout avec l’Arsenal actuel, celui qui peine à avancer, qui galère à conclure et qui semble incapable de plier sans casser comme un roseau. Qu’en dit Arsène Wenger ? Que son groupe a eu de mauvaises expériences contre le Bayern, qu’il a déjà gagné à l’Allianz Arena et qu’il peut cette fois profiter d’un calendrier qui lui a offert un retour à l’Emirates. Oui, ça peut être un avantage à la condition de ne pas se faire saccager dès l’aller en Allemagne. Au moment du tirage au sort, Wenger n’était pas confiant. Aujourd’hui, il l’est encore moins et la courbe de forme ne peut pas le rassurer. Ou comment passer en quelques semaines de la Bible à une nage incertaine dans la mer façon Will Smith. Le Will Smith version Ben Thomas dans Sept Vies, celui qui avait tracé son destin ainsi : « En sept jours, Dieu créa le monde et en sept secondes, j’ai anéanti le mien. » Cette fois, sauf miracle, ça devrait prendre 180 minutes.
Par Maxime Brigand