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Le secret Iniesta

Par Markus Kaufmann
Le secret Iniesta

Andrés Iniesta a toujours été un secret. Lors de l'ascension du Barça de Pep Guardiola, il était celui dont on ne parlait pas assez. Iniesta n'était pas le meilleur joueur du Barça, mais il était secrètement celui qui jouait le mieux au ballon. Aujourd'hui, dans le processus de création d'un Barça aux idées de jeu différentes, il est secrètement devenu dispensable. Après 14 matchs de Liga, le secret devient difficile à cacher : 0 but, 0 passe décisive.

Malgré toutes les magies du monde, Andrés Iniesta est longtemps resté un secret bien gardé. Entre le génie éloquent de Messi, le jeu cérébral de Xavi, le caractère envoûtant de Puyol et les gestes théâtraux de Dani Alves, Iniesta était un lien. Un lien merveilleux, mais un simple lien entre Xavi et Messi. Un tiret. Iniesta était moins fort que Messi, défendait moins bien que Busquets, organisait moins bien que Xavi, et centrait moins bien que Dani Alves. Mais paradoxalement, il était celui qui jouait le mieux. Une nuance expliquée par Juan Roman Riquelme, du fond du canapé sur lequel il dit avoir vu le football du monde entier depuis le début des années 1990 : « Leo Messi est le plus grand, mais Iniesta est celui qui joue le mieux au football. Il sait quand il faut aller de l’avant, quand il faut repasser par l’arrière. S’il a la balle à gauche, il sait qui est à droite, il sait tout ce qu’il faut faire. Quand il faut trottiner, quand il faut mettre de la vitesse, quand il faut manœuvrer lentement. Et je pense que c’est la seule chose que l’on ne peut ni acheter ni apprendre. On peut apprendre à taper dans le ballon, à contrôler la balle, mais pour être au courant de tout ce qui se passe sur le terrain, il faut être né avec ce savoir. »

Le fantôme et les autres

Durant des années, Iniesta aura ainsi minutieusement choisi le son et les couleurs des initiatives offensives du Barça dans les trente derniers mètres. Créatif, malin et juste, armé de ses deux pieds en forme de gants, Don Andrés n’avait pas besoin d’apparaître au tableau d’affichage pour gagner son ovation habituelle. Pas de but, pas tant de passes décisives. D’après les statistiques, c’était comme s’il n’était jamais venu. Comme un fantôme. Un secret qui se gardait bien, au fin fond de la campagne d’Albacete. En attendant, ces ovations, elles se levaient au Camp Nou, mais aussi ailleurs, et particulièrement au Bernabéu. Non catalan, Iniesta aura longtemps été le fantasme absolu du madridisme, dès l’ère Rijkaard. Quelque part, il était peut-être le seul joueur barcelonais pour lequel la Castellana était prête à vendre son âme, du moins le temps des matchs de la Roja. Iniesta impressionnait donc dans l’ombre des highlights de Messi et compagnie. Pour l’apprécier, il fallait tout voir. Un dribble unique, un contrôle insolite. Quelques gestes fins et délicats, soufflés au Camp Nou, presque murmurés. Iniesta dansait en silence.

Et puis, l’évolution tactique du Barça et de la Roja l’a dévoilé. Xavi étant de moins en moins régulier, Messi jouant de plus en plus proche du but, c’est Iniesta qui s’est mis à rythmer l’orchestre. Le secret a été dévoilé au grand jour, et on a fait le lien non plus entre Messi et Xavi, mais entre Iniesta et le succès du Barça. Sans détour. Le but dingue à Stamford Bridge, l’accélération et la passe décisive à Rome contre Manchester United. Et si le Barça de Pep, c’était Don Andrés depuis le début ? Dans les schémas de la Roja, bien alimenté par le trio Alonso-Busquets-Xavi, le petit milieu jouait encore plus, touchait plus de ballons, avait encore plus de responsabilités. Et puis, alors, après l’Euro 2012, le phénomène s’est inversé. L’évidence est devenue si grande qu’on s’est mis à arrêter de regarder. Aujourd’hui, Iniesta n’a plus rien à prouver. Et d’ailleurs, en 2014, il n’a pas eu besoin de jouer beaucoup ni bien pour faire partie – de façon surprenante – du XI FIFA de l’année 2014.

Le Trotski du Barça ?

Ainsi, c’est de 2010 à 2013 qu’Iniesta aura connu ses meilleures années. Par exemple, lors de l’édition 2010-11 de la C1, Iniesta tirait 2,1 fois au but et réalisait 87 passes par match. Cette saison, il tire 0,8 fois et réalise seulement 57 passes par match. À l’Euro 2012, compétition qui l’aura définitivement couronné dans la catégorie des plus grands créateurs d’espaces imaginaires, malgré une saison 2011-12 gâchée par les blessures, Iniesta tirait 3 fois et réalisait 74 passes par match. Alors, Iniesta a-t-il été quelque peu écarté du circuit de la possession barcelonaise ? Ce n’est pas parce qu’Iniesta fait moins de passes qu’il a forcément moins d’influence sur le jeu barcelonais. La saison dernière, avec le même nombre de passes réalisées par match en Liga (64), Iniesta avait réussi à délivrer 10 passes décisives (ce qui le positionnait tout de même derrière Neymar, Alexis, Messi et Cesc (17)). Cette saison, si ce chiffre reste bloqué à 0, c’est avant tout parce que la nature du jeu du Barça a changé. Et qu’elle l’ignore. Le Barça se veut moins patient et plus vertical. Moins de pauses, moins de réflexion, moins de touches de balle pour Iniesta, et plus d’accélérations, de ballons en l’air et d’espaces pour Suárez et Neymar. Guidé par l’espace plus que par le rythme, le Barça n’a plus besoin de métronome. Et son côté gauche appartient désormais à l’omniprésent Neymar (à lire : le coup d’État tactique de Neymar). Pourtant, en début de saison, rien n’empêchait de rêver d’un Iniesta meneur de jeu derrière un trio de buteurs…

Mais le fantasme a vite été rattrapé par la réalité. Avec les trois flèches sur le terrain, la contribution défensive de l’Illusionniste devient problématique pour Luis Enrique. C’est ainsi que Rakitić se rend indispensable, et que la paire Xavi-Iniesta nous a fait ses adieux lors du Clásico du Bernabéu (3-1). Évidemment, les hésitations de Luis Enrique au milieu n’ont pas aidé l’Espagnol à trouver sa place. Aujourd’hui, Iniesta semble parfois ne plus savoir que faire entre accélérer et construire. Alors que le trio joue la prise de risques – 77% de passes réussies pour Suárez, 79% pour Neymar, 83% pour Messi – Iniesta est resté bloqué dans le Barça d’avant (91% de passes réussies), mais sans les garanties défensives nécessaires de Rakitić et Busquets. Dans un processus complexe de luttes personnelles et d’enjeux collectifs, chaque révolution choisit ses acteurs. Celle qu’a choisie le FC Barcelone ne compte plus vraiment sur Andrés Iniesta. Mais chut, c’est encore un secret. Dans ce Barça, Iniesta est devenu une sorte de Léon Trotski post-1924. Brillant et essentiel dans la construction antérieure du mouvement, mais sans avenir dans son application future. D’ailleurs, c’est ce même avenir qui dira si, peut-être, cette révolution ne le méritait pas.

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