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Le sanguin señor Jesé
Recrue surprise de l’été parisien, Jesé Rodríguez fait déjà plus parler de lui pour ses sorties médiatiques que balle au pied. Une sale habitude qu’il traîne depuis son plus jeune âge et des coups de sang répétés au Real Madrid.
Vendredi dernier, Parc des Princes. Lorsqu’il rejoint le banc de touche d’Unai Emery après moins d’une heure de jeu, Jesé Rodríguez passe ses nerfs sur le banc et invective le choix de son entraîneur. La scène, nouvelle en Ligue 1 pour le natif des Canaries, peut surprendre tant la prestation de l’Espagnol est insipide. Bien au contraire, elle se joint à la très longue liste des sautes d’humeur du Canterano de la Fabrica. De ses débuts balle au pied jusqu’à son transfert estival vers le PSG, il s’est toujours caractérisé par cette double identité : soyeux dans la facilité, instable dans l’adversité. Un double visage que Ruben de la Red, l’un de ses anciens entraîneurs madrilènes, explique par un talent certain, mais handicapant au quotidien ABC : « J’étais l’adjoint des U19. Même s’il était déjà très bon, il devait améliorer sa constance dans le travail. Je mettais l’accent sur ce qu’il faisait mal, car il était habitué à écouter des compliments sur ce qu’il faisait bien. C’est ce qui arrive souvent avec les joueurs de classe. Ils ne veulent pas écouter ce qu’ils font de mal, juste qu’on leur dise qu’ils sont les meilleurs. »
Coups de poing et coups de sang
Le meilleur, Jesé Rodríguez l’est déjà avant même d’intégrer le centre de formation du Real Madrid. Et il le sait. En 2005, alors âgé de douze ans, il tape dans l’œil du mastodonte de la Castellana. Trop jeune pour quitter son île natale, il est envoyé par l’ogre madrilène faire ses classes deux saisons durant à l’AD Huracán, club de la banlieue de Las Palmas. Un laps de temps durant lequel il tape dans l’œil du Barça qui « offre tout à sa famille pour l’attirer » , dixit Sixto Alfonso, l’homme qui le découvre et lui conseille de rejeter l’offre catalane. Ce statut de perle rare, Jesé le renforce durant toute sa formation. Meilleur joueur de toutes les catégories inférieures de la Roja, surclassé à chaque nouvelle saison au Real Madrid, il conquiert son monde. Mieux, cette étiquette de crack lui octroie quelques privilèges, comme en atteste sa participation en 2011 à la Copa del Atlantico, disputée par quelques sélections sur son île de Las Palmas, contre la volonté de Fernando Hierro, alors dirigeant de la RFEF. Résultat des courses : il engendre une baston dès la 18e minute de jeu et se retrouve interdit d’Euro avec la Rojita.
De tels coups de sang, Jesé Rodríguez en distille plusieurs tout au long de sa jeune carrière. Le Real Madrid n’y échappe pas, malgré un traitement de faveur généreux à l’égard de sa jeune pépite. Ainsi, quelques années plus tôt, lors d’un derby de Madrid de février 2009, le bambin craque au bout d’un petit quart d’heure. Alors que l’arbitre lui refuse une faute qu’il juge grossière, il lui saute dessus et l’agresse tout simplement. Résultat des courses : une suspension de la part de la Fédération de quinze rencontres et une interrogation chez les dirigeants de la Fabrica sur son éventuel renvoi. En ces temps de dures transitions entre Ramon Calderón et Florentino Pérez, l’affaire traîne en longueur. Fort du succès électoral du magnat du BTP espagnol, premier Madrilène à s’enflammer sur les pépites du centre de formation, le jeune Jesé ne reçoit qu’une petite punition en interne et peut se remettre au travail. Le seul motif de son non-licenciement ne réside alors que dans ses pieds et son talent indéniable, qu’il exploite au mieux jusqu’à devenir le meilleur buteur de l’histoire du Real Madrid Castilla en une saison – un record jusqu’ici détenu par Butragueño.
Ancelotti : « Jesé doit profiter de blessure »
Après des débuts officiels avec l’équipe première en 2011 sous l’ère Mourinho, Jesé Rodríguez gratte une place à part entière dans le vestiaire du Santiago Bernabéu avec l’arrivée de Carlo Ancelotti. Homme d’apaisement et de dialogue, l’Italien fait du Canarien son principal remplaçant de la BBC. Les débuts dépotent, mais, très vite, sont rattrapés par une vilaine blessure face à Schalke 04. « Nous sommes tristes, mais il faut également souligner que ce moment peut être important pour Jesé s’il est capable d’en profiter pour améliorer son caractère » , soutient alors l’entraîneur du Real, au fait de l’impatience et des sautes d’humeur de son protégé. Car à force de toujours griller les étapes, Jesé se brûle. Revenu à court de forme de sa rupture des ligaments, il ne cesse d’empoisonner la vie d’Ancelotti, Benítez et même Zidane. En manque de temps de jeu, lui préfère nier l’évidence et souhaite « prendre sa retraite au Real » , comme il l’expose en avril 2015 : « Je suis arrivé ici à treize ans, j’en ai vingt-deux et j’espère y rester jusqu’à mes quarante. » Pourtant aujourd’hui au PSG, Jesé Rodríguez devra calmer ses nerfs sous peine de devenir un habitué du banc de touche du Parc des Princes.
Par Robin Delorme