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Le Sánchez-Pizjuán, sanctuaire sévillan
Depuis plus d'un an, l'enceinte du FC Séville s'est muée en forteresse imprenable. Place forte du football espagnol, à l'ambiance chaude et reconnue, l'antre des Palanganas est en harmonie avec l'identité de la capitale andalouse. Focus sur un stade pas vraiment comme les autres au pays de Cervantes.
Pour de nombreux amateurs de football – nés avant les eighties -, le Sánchez-Pizjuán rappelle l’incommensurable tristesse d’un certain 8 juillet 1982. La nuit de Séville, comme elle a été nommée a posteriori, renferme en elle la terrible agression de Schumacher sur Battiston, la joie enfantine de Giresse, le penalty raté par le si classieux Maxime Bossis… Et des larmes, beaucoup de larmes. Suite à cet épisode fondateur dans l’histoire du football français, l’antre des Palanganas renvoie à l’image d’un cimetière. Un souvenir en trompe-l’œil, donc. Car l’Estadio Ramon Sánchez-Pizjuán, de son patronyme complet, dégage une chaleur des plus andalouses. Son surnom de « Bombonera de Nervion » est loin d’être usurpé, tant les aficionados des Palanganas y font raisonner leur ferveur et leur passion. « C’est un stade à l’ancienne qui a un vrai charme, qui dégage du caractère. Les supporters ont une relation passionnelle avec lui » , raconte Grzegorz Krychowiak, qui a fait le grand écart cet été, troquant la frilosité rémoise contre la touffeur sévillane, l’austérité d’Auguste-Delaune contre l’exaltation du Sánchez-Pizjuán.
Helenio Herrera : « Le meilleur des présidents »
Avant d’apposer son nom à une enceinte, Ramon Sánchez Pizjuán occupe durant de nombreuses années la présidence du fanion blanquirrojo. En l’espace de deux mandats, il s’adonne à moderniser et professionnaliser le FC Séville. Autrement dit, un challenge épique à l’heure où l’Espagne s’apprête à basculer dans une guerre civile sanglante. Avocat de formation, il intègre l’organigramme du club dès son 23e printemps en qualité de secrétaire, puis endosse le costume de président neuf ans plus tard, en 1932. La guerre entre républicains et franquistes déclarée, il évite aux joueurs sévillans de s’en aller au front. Également engagé en politique, il envoie ses poulains aux quatre coins de l’Espagne républicaine : ces matchs de charité permettent de récolter des fonds pour la cause démocratique. Après avoir pris en main la Fédération espagnole, il retrouve sa ville natale et son amour de toujours en 1948. Élu par ses socios – le FC Séville ne répondant pourtant pas à ces statuts – le señor Sánchez Pizjuán réussit à attirer Helenio Herrera, qui dira de lui : « De tous les présidents que j’ai connus, le meilleur est sans aucun doute Ramos Sánchez Pizjuán » .
À son décès, en 1956, le Sevillismo lui rend un vibrant hommage. Son successeur, Ramón de Carranza Gómez de Pablo, pour sa part militant franquiste, met de côté leur antagonisme politique pour lui délivrer un message qui, in fine, prend la forme de l’enceinte du FC Séville : « Cher Ramon, aujourd’hui, nous te laissons rejoindre tes amis, parmi lesquels je m’honore. Le jour suivant, lorsque ton corps reposera avec la terre, nous mettrons tout en œuvre pour que ton rêve que le FC Séville ait son grand stade soit réalité » . Le 2 décembre de la même année, la première pierre est posée dans le quartier de Nervion. Ouvert en 1958, le Sánchez-Pizjuán attend pourtant 1974 pour que sa construction prenne fin. Son premier lifting correspond à l’organisation du Mondial 82 : de ses 77 000 strapontins originels n’en reste alors plus que 66 000. Un total qui passe même à 45 000 en 1998, suite aux travaux obligés par les nouvelles normes de l’UEFA. Grzegorz Krychowiak, toujours : « En Espagne, ce n’est pas forcément dans les plus grands stades qu’il y a la plus grosse ambiance. Ce n’est pas du tout une garantie. Il y a des stades calmes, d’autres où les supporters sont chauds. À Séville, on fait partie de la seconde catégorie » .
Krychowiak : « Le stade n’a pas changé d’un pouce »
« Il se trouve en plein centre ville de Séville, poursuit l’international polonais. Il y a énormément de gens qui viennent à pied au stade. Cela tisse un vrai lien entre le sport et la vie sociale de la ville. » Un lien social que la municipalité a tenté de faire vaciller. Divisée en deux, entre liquettes blanquirrojas et blanquiverdes, la capitale andalouse s’offre en 1999 son stade olympique et espère que Betis et FC Séville se le partagent. Raté, et dans les grandes largeurs. Aucun des deux camps ne souhaite migrer vers cette enceinte sans histoire ni chaleur. « J’ai lu un article un jour sur les rénovations du stade, rajoute le milieu de terrain des Palanganas. Pas mal de supporters n’étaient pas d’accord et ils se sont mobilisés. Finalement, le stade n’a pas changé d’un pouce. » Résultat, les Sevillistas peuvent toujours se prosterner, Cruzcampo en main, face à la mosaïque qui orne l’entrée du stade. Surtout, « de la première jusqu’à la dernière minute, les supporters n’arrêtent jamais de chanter, de nous encourager, d’être derrière nous » . Comme face à Villarreal : « On perd 1-0 à la 82e minute et ils étaient toujours derrière nous. On arrive à égaliser, puis à prendre l’avantage dans le temps additionnel. Ils ont réussi à faire pencher la balance » .
Par Robin Delorme