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Le salon de Kanté
Sacrifié par Didier Deschamps et installé sur le banc des remplaçants au milieu de l’Euro 2016, N'Golo Kanté est aujourd’hui la cheville incontournable de l'équilibre des Bleus. Face à la Colombie vendredi, le milieu de Chelsea a longtemps très bien porté le 4-4-2, et son erreur sur le deuxième but adverse ne doit rien effacer. Reste à lui trouver la paire idéale.
Réflexe étrange, mais paradoxalement assez logique : tous les supporters français – ou presque – ont préféré oublier la fin de la soixantième minute de la rencontre opposant la France à la Colombie, vendredi soir (2-3). Étrange, parce que l’erreur d’un homme (à savoir une perte de balle dans l’axe, juste devant la surface tricolore) a directement rendu possible l’égalisation des Sud-Américains par l’intermédiaire de Radamel Falcao. Logique, parce que cet homme s’appelle N’Golo Kanté, et que personne n’a envie de cracher un demi-mot négatif à l’encontre du milieu de terrain, qui est donc humain. Ou alors, c’est tout simplement parce que le garçon avait déjà lui-même effacé sa faute grâce à une immense première période et une prestation globale au-dessus de la moyenne. Même les images ont, pour certaines d’entre elles, décidé de supprimer la séquence. Car c’est un fait : s’il ne fait pas encore jouir tout le monde en raison d’une sobriété qui le rend si efficace, Kanté fait aujourd’hui l’unanimité en équipe de France. Par ses performances hors norme sur le terrain, bien entendu, tout comme par son caractère timide et hyper respectueux.
3 juillet 2016. En plein milieu de l’Euro, Didier Deschamps décide de modifier son schéma tactique, passant d’un 4-3-3 à un 4-2-3-1 modulable en 4-4-2 pour libérer Antoine Griezmann. Le sacrifié s’appelle Kanté, couronné champion de Premier League avec Leicester quelques semaines plus tôt et titularisé lors de trois des quatre matchs précédents en compagnie de Blaise Matuidi et Paul Pogba. L’entrejeu devant éjecter l’un des trois bonhommes, c’est donc le roi d’Angleterre qui laisse sa place. L’ancien de Caen n’a pas déçu pendant le début de la compétition, mais son rendement en pure sentinelle est moindre qu’avec les Foxes. Là-bas, il évolue dans un… 4-4-2, formant une doublette complémentaire avec Danny Drinkwater. Reste que son sélectionneur estime Matuidi et Pogba comme indiscutables. Chose qui n’est plus le cas actuellement pour le second.
Qui pour profiter de ses progrès ?
Pile électrique produisant maintenant l’énergie de Chelsea, Kanté et ses trois poumons ont en effet réussi à renverser la situation. Fonctionnant toujours en duo devant la défense de son club (dans un 3-4-3), l’ex de Boulogne est même devenu le milieu incontournable de Deschamps, l’entraîneur ayant compris que son lapin Duracell est un bijou rare. Et que son abattage au sein d’un milieu à deux n’a quasiment pas d’équivalent sur la planète. Mieux : depuis l’Euro 2016 et son transfert à Chelsea – une équipe obligée de jouer davantage vers l’avant et de tenir davantage le ballon que Leicester, qui tournait à 40% de possession l’année du titre –, le Parisien de 26 ans a encore progressé et étoffé son jeu. Désormais, l’infatigable relayeur ne se contente plus de couper les actions adverses et de se démultiplier dans son camp pour que ses clones récupèrent la sphère. Au contraire : il se balade aux abords de la surface ennemie, se risque à des passes osées, défend de plus en plus en avançant, se permet quelques percées surprenantes, envoie du jeu long, se plaît à distribuer, s’étonne à motoriser l’ensemble bleu… Le tout sans zapper sa tâche principale : sécuriser la liberté des artistes.
Attention : Kanté n’est pas non plus devenu un numéro dix. Loin de là. Et bien qu’il ressemble plus à un robot qu’à un footballeur, ses nombreuses missions peuvent le fatiguer, comme le montre sa deuxième période face à la Colombie. Se pose donc la question de son binôme. Qui de Matuidi, Pogba, Adrien Rabiot ou Corentin Tolisso doit s’installer dans ce fauteuil rendu confortable par la simple présence du milieu des Blues ? Vendredi soir, le chanceux était turinois et se nommait Matuidi. Une valeur sûre aux yeux de DD. Laquelle a cependant souffert, malgré les kilomètres avalés, de la comparaison avec N’Golo, avec qui elle partage le profil de marathonien et n’offre peut-être pas assez de certitude technique. À Chelsea, l’international aux vingt et une petites sélections brille encore plus quand un collègue aux pieds soyeux l’accompagne (Nemanja Matić hier, Cesc Fàbregas maintenant), l’inverse étant aussi vrai. En bon observateur, Deschamps l’a forcément constaté lui aussi. Début de réponse en Russie.
Par Florian Cadu