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Le sacrifice par Giroud
Beaucoup l’ont trouvé mauvais. Sauf que malgré les apparences, l’attaquant a fait ce qu’on attendait de lui. À savoir défendre et se battre. Comme d’habitude. Sauf que son équipe n’avait pas le ballon, cette fois.
« Quelle chèvre ! » « Il est nul ! » « Décroche la caravane, l’ami ! » Lorsqu’Olivier Giroud part tout seul au but lors de cette 42e minute, tous les Français le voient ouvrir le score. Avec quelques mètres d’avance, l’attaquant va pouvoir faire la différence. C’est oublier un peu vite que Giroud n’est ni Antoine Griezmann ni Kevin Gameiro. Son truc, ce n’est ni la vitesse ni l’accélération. Alors, quand Benedikt Höwedes se jette et contre la frappe du Gunner, ce dernier n’est pas vraiment surpris. Les fans tricolores, en revanche, se cognent la tête contre l’épaule de leur voisin. Mais comment a-t-il pu gâcher une telle occasion ?
C’est pourtant simple : il n’est pas fait pour ça. Un avant-centre doit marquer, certes. Mais Giroud ne marque pas dans cette position, après une conduite de balle de plusieurs mètres. Il suffit d’observer ces trois pions depuis le début de la compétition pour s’en convaincre. Le premier, contre la Roumanie, est lié à un combat aérien gagné et une sortie ratée de Ciprian Tătăruşanu. Le deuxième intervient après une frappe spontanée qui passe entre les jambes du portier islandais Hannes Halldórsson. Le troisième est encore dû a une sortie foirée et un coup de crâne bien envoyé au fond des filets. Bref, Giroud n’est pas l’attaquant qui va fixer une défense et envoyer une praline de 30 mètres ou dribbler cinq joueurs pour se présenter devant les cages.
Un pivot qui brille quand on domine
Mais Olivier Giroud a bien d’autres qualités. Et l’avantage, c’est que ces qualités se manifestent aussi bien contre l’Islande que contre l’Allemagne. La seule différence, c’est qu’on les remarque moins quand c’est un gros qui se présente. Mais comme la Mannschaft a conservé le cuir près de 70% du temps, on a cru, naïvement, que le Gunner ne servait à rien. Grossière erreur. D’abord, Giroud a représenté le premier défenseur de l’équipe de France. Toujours bien positionné, le joueur d’Arsenal a emmerdé plus d’une fois Jérôme Boateng et empêché, sans qu’on ne l’évoque, des transversales qui auraient dû exister. De plus, et ce n’est pas nouveau, Giroud est allé se battre à chaque duel aérien. Dès les premières minutes, les défenseurs centraux français se sont permis de jouer long sur leur pointe. Ça n’a pas toujours porté ses fruits ? Peut-être. Mais ces séquences ont fatigué l’adversaire.
« On les a usés jusqu’au bout, a réagi le principal intéressé après la qualification. Les Allemands, on les a respectés. La meilleure façon de les respecter, c’était de leur rentrer dedans. On les a eus à l’usure. » En prononçant ses paroles, le remplaçant de Karim Benzema a forcément parlé pour lui. Car il faut savoir être réaliste : si Giroud n’a pas beaucoup touché la quille, c’est avant tout parce que ses potes ne l’avaient pas. Du coup, l’ancien de Montpellier n’a eu d’autres choix que de se sacrifier sur l’autel du collectif, faisant passer son plaisir individuel après l’efficacité collective. Ses remises n’ont pas toujours trouvé preneur ? Normal : Giroud s’est efforcé de jouer vite, en une-deux, au lieu de conserver la balle et de tenter un tir qui n’avait aucune chance de terminer au fond. Avec seulement quatre duels gagnés sur onze et 52 % de passes réussies, il aurait effectivement pu faire mieux. Mais Giroud est à l’image de son coach : ses gestes transpirent la gagne et l’opportunisme. Et qu’importe si ses stats s’en trouvent affaiblies. En cela, il est le parfait complément de Griezmann puisqu’il rejette la lumière pour la placer sur ses coéquipiers.
« Je l’ai déjà dit plusieurs fois. Giroud est très bon dans ce qu’il fait. C’est un très bon joueur, mais il a besoin de jouer avec quelqu’un, déclarait d’ailleurs Thierry Henry sur Sky Sports avant la rencontre. Dos au but, il est très bon. On a pu le voir contre l’Éire avec Griezmann, qui est un gars qu’il peut alimenter. C’est une belle association. Ils se partagent le travail sur les buts. Je n’ai jamais douté de ce qu’il pouvait faire, mais je pense qu’il est meilleur avec quelqu’un à côté de lui. » Quand bien même ses efforts restent dans l’ombre, il reste indispensable. Même quand il ne touche pas la balle. Un sacrifié pour la bonne cause.
Par Florian Cadu