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Le roi De Gea
Trop cher, trop chétif, trop voleur de donuts, David de Gea a longtemps été la cible de moqueries. Sauf qu'à présent, il ne fait plus rire personne. À tel point que Valdés n'est qu'un numéro 2 et que le Real fait tout pour le récupérer. Retour sur une métamorphose.
Cette semaine, Manchester United a réalisé ce qui aurait pu être un gros coup : recruter gratuitement Víctor Valdés, six Liga et trois Ligues des champions. Sauf que l’Espagnol s’entraîne avec les Red Devils depuis octobre pour se remettre d’une sérieuse blessure au genou contractée en mars. Et surtout, les bois sont déjà occupés par un compatriote, plus jeune, plus fort : David de Gea. VV a bien senti qu’il y avait des requins dans l’eau. Dès son arrivée, il s’est exprimé sur le cas DDG : « Je pense qu’en ce moment, c’est le meilleur gardien du monde. Chacune de ses performances montre que c’est un gardien de très haut niveau. Je suis là pour aider tout le monde. Dans ma carrière, j’ai toujours joué pour mes coéquipiers, pour aider le coach, pour aider tout le monde. Je suis un membre de cette équipe. Je ne suis pas un problème, je suis juste un membre de cette équipe. » Du reste, Louis van Gaal l’avait prévenu : « Personne n’aime être numéro deux, et il doit avoir l’ambition de battre De Gea – mais cela sera très dur pour lui. David de Gea a beaucoup progressé durant les six derniers mois que j’ai passés ici. Je suis très content de son évolution. » De Gea est devenu injouable, au point d’attiser l’intérêt du Real Madrid, soi-disant prêt à mettre Gareth Bale dans la balance et lui offrir un pont d’or pour remplacer Casillas. Une hypothèse crédible alors qu’il ne reste que 18 mois de contrat à David, mais Van Gaal se montre confiant : « Je pense qu’il n’y a pas de problème pour qu’il prolonge. Quand vous êtes titulaire, alors vous êtes probablement le meilleur, et alors l’entraîneur est très heureux qu’un tel joueur reste. »
100 ans de solitude
Pourtant, tout n’a pas toujours été aussi facile pour De Gea. Fin décembre, Sir Alex Ferguson l’a d’ailleurs rappelé dans les colonnes du Daily Mail : « C’est le joueur le plus plaisant à voir évoluer au sein de l’équipe. Lorsque nous l’avions acheté, c’était encore un gamin fragile, mais il avait du potentiel. Il a beaucoup de talent et il le démontre aujourd’hui. Je suis vraiment heureux pour lui. » Il n’y a pas si longtemps, ce « gamin fragile » avait besoin d’être couvé. C’était un jeune gars d’à peine vingt ans avec une barbe pelucheuse et trouée d’adolescent et un maillot trop grand pour lui. Il avait l’air tellement penaud qu’on se demandait s’il mesurait vraiment le 1,90 mètre promis. Il était jeune, nerveux, et cela se voyait atrocement. Tout le monde en profitait : les joueurs adverses, et surtout les médias, qui n’hésitaient pas à le cataloguer dans la catégorie flop.
Après tout, n’avait-il pas coûté vingt millions, le record britannique pour un gardien de but ? Qu’importe qu’il ait quitté, pétri d’ambition, le soleil de Madrid et la tranquillité de l’Atlético pour le froid, le vent et la gloire de Manchester United. Aucune période d’adaptation ne lui sera accordée, aucune faute pardonnée. Son potentiel était évident, pas sa réussite. Ferguson dut alors le défendre contre vents et marées. Si l’Écossais a raté Pogba, il n’a jamais perdu la foi en son Ibère. Et aujourd’hui, c’est Van Gaal qui en récolte les fruits.
Ivresse de la métamorphose
De Gea a changé. Il a arrêté les viennoiseries, s’est mis à travailler son corps. En prenant du muscle, De Gea a pris de l’ampleur, de la stature, comme Cristiano Ronaldo avant lui. L’adolescent est devenu un homme, unanimement reconnu et encensé, envié. S’il n’a pas la présence tentaculaire de Manuel Neuer, s’il ne sera jamais le monstre de testostérone qu’était Schmeichel, s’il ne prendra jamais tous les ballons aériens, il n’en demeure pas moins magnifique. Il faut se rappeler son match contre Liverpool, alors qu’il enchaînait les parades les unes après les autres avec une nonchalance presque insolente. Pendant 90 minutes, les cages de Manchester United étaient gardées par un portier de dessin-animé, une sorte de Thomas Price, un « super grand gardien » . Malgré toute sa vivacité, Raheem Sterling n’a jamais réussi à tromper la vigilance de De Gea. L’Anglais s’est tellement de fois vu dire non qu’on s’est revu en train de draguer des filles au collège. Si United s’est finalement imposé 3-0, c’est en grande partie grâce à lui et sa destruction de la confiance adverse. Reste à savoir si le King continuera à régner sur ses possessions britanniques, ou s’il ira se draper de blanc pour devenir San. Terrible dilemme.
Par Charles Alf Lafon