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Le River « galactique » de Kempes et Di Stéfano
En 1981, River Plate voit Diego Maradona lui échapper. Sa réplique sera tapageuse : placer le champion du monde, Mario Kempes, à la pointe de son attaque, puis mettre Alfredo Di Stéfano sur son banc...
Quand Florentino Pérez opta pour la politique des Galactiques, la mémoire d’Alfredo Di Stéfano dut le renvoyer une vingtaine d’années en arrière, quand il s’était vu confier la direction d’une équipe de River Plate aussi riche en stars qu’en conflits d’ego. C’est alors à marche forcée que les Millonarios avaient assemblé l’une des meilleures équipes de leur histoire. Tout du moins, sur le papier. Il s’agissait alors de se remettre du drame d’avoir été à deux doigts de signer Diego Maradona, avant de le voir filer à Boca, chez le grand ennemi. Après ce camouflet, River se devait de répliquer. Une logique aussi binaire qu’antagonique. Alors, le club à la diagonale rouge s’était décidé à faire les fonds de tiroir pour arracher un prêt de Mario Kempes, le héros du Mondial 1978 et double Pichichi avec le FC Valence. Début 1981, un accord est trouvé : un prêt pour 4,5 millions de dollars, une fortune à l’époque. Les buts d’El Matador ne suffiront toutefois pas à contrarier le Boca euphorique de Maradona. Les Xeneizes seront sacrés champions du premier tournoi de l’année (première division), et humilieront les Gallinas lors du premier Clásico (3-0).
Conflits d’ego
Boca avait déjà Maradona, il ne pouvait pas, non plus, ramasser tous les titres. Alors la direction millonaria se décide à frapper un nouveau grand coup à l’inter-saison. Exit Angel Labruna, l’entraîneur et figure historique, qui, en tant que joueur et coach, avait remporté 17 des 19 titres du club, et bienvenido, Alfredo Di Stéfano, autre légende locale. Formé au club, la Saeta Rubia, disposait d’une légitimité historique, même s’il avait déjà œuvré sur le banc de l’ennemi, en 1969, avec qui il avait été sacré champion. À 55 ans, Di Stéfano avait pour mission de faire de River un champion en tentant d’imposer son autorité sur une équipe composée notamment de six champions du monde : le capitaine, Daniel Passarella, le légendaire gardien, Ubaldo Fillol, le milieu offensif, Norberto Alonso, dit « le Pelé blanc » , le latéral et futur TFC, Alberto Tarantini, la fraîche recrue, Américo Gallego, et bien évidemment, El Matador, Mario Kempes. Les Millonarios pouvaient aussi compter sur le surdoué Ramón Díaz, le grand complice de Maradona lors du Mondial U20 de 1979. Mais quel que soit le CV de ses hommes, le credo de Di Stéfano n’était pas négociable : « Aucun joueur n’est aussi bon que tous ensemble. »
Avec le quintuple champion d’Europe à sa tête, les résultats seront au rendez-vous pour River, même si la qualité de jeu laisse à désirer. Les Millonarios soignent d’abord leur orgueil en remportant le Clásico à la Bombonera (2-3). Maradona et Kempes inscrivent chacun un but. Le match de la phase retour accouchera d’un nul (1-1). Dans un tournoi « Nacional » qui se concluait par une phase finale opposant les huit meilleurs, River assure l’essentiel en se qualifiant pour les quarts de finale. Mais l’ambiance au sein de l’équipe est minée par les conflits d’ego. Beto Alonso, milieu offensif adoré des fans de River, ne cesse ainsi de s’asticoter avec Di Stéfano, et adresse à peine la parole à Passarella. Malgré un vestiaire divisé, les bonnes nouvelles viennent toutefois du camp d’en face. En quarts de finale, le Boca de Maradona est éliminé par le Vélez Sársfield d’Osvaldo Piazza et Carlos Bianchi, qui venaient de revenir de France, respectivement de Saint-Étienne et de Strasbourg.
Vague de départs
En finale, River Plate se voit opposé à Ferro Carril Oeste, une structure modeste, mais qui avait mené la vie dure à Boca lors du tournoi précédent. Lors de la première phase du tournoi Nacional, River s’était d’ailleurs incliné par deux fois face à Ferro Carril. En finale, l’équipe de caciques de River fait cette fois valoir son autorité. Après une courte victoire au match aller (0-1), le 16 décembre, c’est Mario Kempes qui assure le sacre des Millonarios, le 20 décembre, en y allant de son but au retour (1-0). Alfredo Di Stéfano devient alors le premier entraîneur à remporter un championnat avec River et Boca. Malgré le titre, l’ambiance reste toutefois déplorable au sein du vestiaire. Beto Alonso ne digère pas de ne pas avoir été titularisé en finale, et un grand exode se prépare. Ramón Díaz (Naples) et Daniel Passarella (Fiorentina) partent en Europe, comme Mario Kempes. Dans une équipe de caciques, le consensuel Matador avait toujours tiré dans le sens du collectif, mais les finances exsangues d’un River qui avait dépensé sans compter pour assouvir ses envies revanchardes, précipitèrent son retour au FC Valence. Di Stéfano ne survivra pas, non plus, à cette saignée. Après un championnat médiocre, la Saeta retourne en Espagne, pour s’asseoir sur le banc du Real Madrid. Une autre équipe « millionnaire » , où l’on aime juxtaposer les grands noms et où la politique sportive peut-être orientée par les réussites du grand ennemi…
Par Marcelo Assaf, avec Thomas Goubin