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Le rêve sino-américain avorté de Toulouse
Officiellement relégué à la suite de l'annonce de la LFP de l’arrêt de la saison, Toulouse plonge dans l’inconnu. Début mars, le club était en passe d’être racheté par les anciens propriétaires sino-américains de l’OGC Nice. Depuis ? Silence radio. À tel point qu’Olivier Sadran semble parti pour poursuivre son règne violet, au moment où il est redevenu un homme d’influence dans les coulisses du foot français. Pas le moment idoine pour brader son bébé.
Le TFC, c’est cet objet chiné le dimanche aux puces du coin. Usé, blafard, poussiéreux… Bref, pas vraiment clinquant. Une fois pris en main, son passé parfois glorieux refait surface et l’espoir de lui offrir une seconde vie avec du bricolage revient. Allez, convaincu. Mais contre toute attente, son propriétaire grossièrement attablé sur une chaise de camping lance : « Laissez, j’ai réfléchi. Finalement, je ne vends plus. »
Si la métaphore nous rappelle les bons souvenirs des matins dominicaux entassés, elle dresse surtout un portrait de ce que représente le TFC pour Olivier Sadran. Un business qui lui cause plus d’ennuis que de bonheurs, mais auquel il est profondément attaché. Pourtant, la passion s’est largement étiolée depuis le rachat du club en 2001. En plus de l’argent qu’il lui coûte, en tant qu’actionnaire principal. Le PDG de l’entreprise de restauration Newrest délègue d’ailleurs les affaires courantes à Jean-François Soucasse, directeur général, pour s’éloigner petit à petit du club.
Chien Lee Galaxy
L’équitation — que sa fille pratique à haut niveau — et la voile auraient, désormais, ses préférences. Si bien qu’il a répété à plusieurs reprises, ces derniers mois, son envie de céder la main. « Je serais ravi de trouver quelqu’un pour reprendre le club », avait-il avoué lors de la conférence de presse de crise après l’éviction d’Antoine Kombouaré, en janvier. Un club, en décrépitude sportivement et situé dans une grande ville, dont le président ne veut plus : l’aubaine était trop belle pour Chien Lee (NewCity Capital, activités de tourisme et d’hôtellerie) et Paul Conway (Pacific Media Group, activités médiatiques), les investisseurs associés.
Après avoir vendu l’OGC Nice à Ineos en août 2019, les deux hommes cherchaient un nouveau projet en France. Ils sont déjà propriétaires du FC Thoune (D1 suisse), de Barnsley (D2 anglaise) et ont récemment fait l’acquisition d’Ostende (D1 belge). RMC Sport l’affirmait, au début du mois de mars : Toulouse allait leur être vendu. Sans que personne (joueurs, employés), en interne, ne soit mis au courant de ces tractations. L’Équipe, dans la foulée, avançait un accord contre un montant d’environ vingt millions d’euros en plus de futures négociations commerciales entre le consortium repreneur et la société d’Olivier Sadran. Le club aurait intégré leur petite galaxie de clubs à retaper.
Sadran partisan du « Sold in France »
La cession du TFC déjà bien entamée, l’organigramme en venait même à se dessiner : Gauthier Ganaye (trente ans) président et Gilles Grimandi directeur sportif, selon le site LesViolets.Com. Attiré par la qualité du centre de formation et la valorisation des jeunes joueurs, leur objectif était de restructurer Toulouse, d’investir (modérément), de faire du trading, puis de remonter le club dans l’élite… avant de le revendre à profit. Bref, réitérer la réussite économique niçoise : Ineos a racheté le club contre cent millions d’euros, alors que les sino-américains avaient déboursés trois fois moins d’argent en 2016. Comme toujours lorsqu’une information sort dans la presse, le Tèf avait démenti la vente.
Publiquement, le président Sadran a toujours affirmé qu’il privilégierait une solution française. Comme lors d’un entretien accordé à La Dépêche du Midi, en mars : « Ce qui m’intéresserait, je l’ai déjà dit, si un jour ça arrivait, c’est une solution pérenne économiquement, plutôt française, voire régionale. » Une volonté confirmée par L’Équipe, ces derniers jours. Bref, le patron du TFC n’a jamais été emballé par la proposition sino-américaine. Mais celle-ci était suffisamment sérieuse pour, au moins, l’envisager. Mais patatras, le château de cartes serait tombé, et une vente ne serait plus d’actualité. Un suiveur local du club l’affirme : « Pour le moment, la vente ne se fera pas. Sadran devrait rester à son poste. » Pas tout à fait enterré il y a quelques jours, l’accord pourrait complètement s’évaporer. Vente retardée, ou abandonnée ? Difficile à dire, pour l’heure, même si la relégation pourrait rebattre les cartes.
Un statu quo renforcé par le coronavirus
Édouard Philippe l’a effectivement annoncé ce mardi à l’Assemblée nationale, la LFP l’a entériné hier dans les bureaux : la Ligue 1 version 2019-2020 ne reprendra pas, et le Téfécé – dernier du championnat – file à l’étage inférieur. Au-delà du domaine sportif, Olivier Sadran aurait malgré tout quelque peu retrouvé la flamme ces dernières semaines. Au moment où le sport fait face, comme dans tous les pays, à la crise du coronavirus, le président du TFC a pu mesurer son influence dans le football français. Grâce, notamment, à ses qualités reconnues de négociateur.
Au même titre que Nasser Al-Khelaïfi, Jean-Pierre Rivère et Jacques-Henri Eyraud, Olivier Sadran a été mandaté par Canal Plus et la LFP afin de mener les négociations concernant le paiement des droits télévisés par les diffuseurs. Toulouse se retrouve — par son biais — au cœur des tractations et de l’avenir des clubs de l’Hexagone, aux côtés de mastodontes. À lui, s’il reste en poste, de renouer un lien avec des supporters violets de plus en plus défiants à son égard. Du côté de l’île du Ramier, beaucoup étaient séduits quant à l’idée d’une nouvelle ère. Néanmoins, celle-ci risque d’être frappée du sceau d’OS. Retour à la case départ, en Ligue 2.
Par Arthur Stroebele