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Le retour du Raïs

Par Alexandre Doskov
6 minutes
Le retour du Raïs

Star de la dernière Coupe du monde aujourd'hui tombé dans l'oubli, Raïs M'Bolhi est toujours le gardien titulaire de l'équipe d'Algérie, malgré les odyssées qu'il vit avec ses nombreux clubs. Et après être passé à deux doigts de dire adieu au maillot vert, M'Bolhi a ressurgi de sa boîte au meilleur moment et participera sur le terrain aux qualifications pour la CAN 2017.

Le drapeau est un objet qui a toujours poussé les hommes à faire des folies. Beaucoup ont mené des guerres pour faire flotter le leur le plus loin possible. Des millions de soldats sont morts en le défendant. Des drapeaux ont symbolisé la liberté, d’autres ont été associés aux pires heures de l’histoire. Certains aventuriers sont même allés planter celui de leur pays sur la Lune. Dans les stades, le drapeau a souvent transcendé les athlètes, prêts à endurer toutes les souffrances du monde pour l’honorer. Le cas de Raïs M’Bolhi paraît simple. Seule son équipe nationale semble capable de le motiver, et de le pousser à sortir ses plus grosses performances. Complètement instable lorsqu’il s’agit de gérer sa carrière en club – 10 équipes et 8 championnats en une décennie, à 29 ans -, inconstant, voire médiocre sur le terrain, M’Bolhi sort de sa torpeur à chaque échéance internationale pour garder les cages algériennes avec brio, éblouissant même le monde, comme lors des Coupes du monde 2010 et 2014. Et malgré son après-Mondial 2014 apocalyptique, c’est bien à M’Bolhi que Christian Gourcuff fait confiance pour les qualifications à la CAN 2017. Mais Raïs a eu chaud. En perdition après son expérience en MLS, dépassé lors de ses premiers mois à Antalyaspor, le gardien algérien n’était même plus appelé en sélection il y a un an. Avant de retrouver du temps de jeu au meilleur moment, et d’enfiler à nouveau l’uniforme national.

Une première Coupe du monde réussie en entrée

Avant ses prouesses de la dernière Coupe du monde, Raïs M’Bolhi s’était déjà montré à son avantage quatre ans plus tôt, lors de l’édition précédente. Il n’était encore qu’un bébé Fennec, qui avait fêté sa première sélection depuis un mois seulement, et qui s’était envolé en Afrique du Sud en pensant cirer le banc et regarder jouer Faouzi Chaouchi. Mais c’était sans compter sur une faute de main ridicule de ce dernier dès le premier match face à la Slovénie. Bye bye la victoire, et bonjour Raïs M’Bolhi, propulsé gardien titulaire pour la suite de la compétition par coach Rabah Saadane. M’Bolhi ne disputera que les deux derniers matchs de poule, et l’Algérie ne verra pas les matchs à élimination directe. Mais ses matchs de taulier face aux USA et surtout face à l’Angleterre lui permettent d’être nommé meilleur gardien de la phase de poules dans l’équipe type concoctée par la FIFA. L’histoire d’amour entre M’Bolhi – pourtant né à Paris et qui a disputé quelques rencontres avec les Bleus en U17 – et la sélection algérienne est lancée sur les chapeaux de roue. Arrivé un an plus tard à la tête de l’équipe d’Algérie, Vahid Halilhodžić lui maintient sa confiance, avec des fortunes diverses. Pas qualifiés pour la CAN 2012 et dégagés au premier tour en 2013, les Fennecs relèvent la tête en survolant les qualifs pour la Coupe du monde, toujours avec M’Bolhi dans les cages, qui ne laisse que très peu de temps de jeu à ses concurrents, malgré son parcours chaotique dans les multiples clubs qu’il enchaîne pendant la période.

Voyage voyage

Car des galères avec ses clubs, M’Bolhi n’a connu que ça. Après avoir terminé sa formation à l’OM sans y avoir joué une seule seconde, on le fait décoller pour l’Écosse où il ne joue pas et n’est même pas payé. « C’est mes potes qui m’envoyaient de l’argent » , témoigne-t-il en 2015 dans Clique, l’émission de Mouloud Achour. Il enchaîne sur un parcours labellisé « Guide du routard » , avec en vrac des piges en Grèce, au Japon, en Bulgarie, en Russie, ou encore au Gazélec, à chaque fois sans jamais jouer deux saisons d’affilée dans la même équipe. M’Bolhi a pourtant connu d’autres opportunités que les championnats de seconde zone, et a même été testé par Manchester United en 2010 quand les Red devils cherchaient un remplaçant au quadra Van der Sar. À l’approche de la Coupe du monde au Brésil, M’Bolhi galère toujours avec le CSKA Sofia, et sent sur sa nuque le souffle chaud de son concurrent en sélection Mohammed Zemmamouche. Mais coach Vahid n’est pas du genre volatil, et M’Bolhi est à nouveau numero uno dans sa hiérarchie au Mondial. Un choix judicieux. Raïs sauve les siens dès les poules en empêchant l’Algérie de couler face à la Russie, avant de sortir un match dantesque à dix arrêts contre les Allemands en huitième. On lui prête alors un avenir en or. L’Angleterre, ou l’Italie, où les clubs de Milan lui feraient les yeux doux. Mais comme d’autres gardiens vedettes de la Coupe du monde, entre autres Ochoa parti sans explication à Málaga, ou Navas parti squatter le banc du Real et qui ne doit son salut cette année qu’à la minute de retard de De Gea, M’Bolhi fait n’importe quoi et signe au Philadelphia Union, équipe de milieu de tableau de MLS dont on se demande bien ce qu’elle a à lui offrir.

Timing parfait pour un retour

Peu importent les yeux écarquillés des observateurs, M’Bolhi jure être ravi dans la ville de Rocky, mais son rêve américain tourne vite au craquage. Il joue quatre matchs en trois mois, régale avec une boulette contre Chicago, et sa saison se termine en octobre sans avoir vu les playoffs. À la reprise, en mars 2015, il joue les cinq premiers matchs et encaisse 9 buts. Ses coachs n’en peuvent plus, et l’envoient passer un mois en famille en France. C’est à ce moment que Christian Gourcuff, nouveau sélectionneur algérien, annonce ne pas le retenir pour les premiers matchs de qualification à la CAN : « La non-convocation de Mbolhi est logique. Un gardien a besoin de jouer et de rester compétitif. Je pense que M’Bolhi retrouvera les Verts dès qu’il aura un bon volume de compétition. Il ne s’agit nullement d’une mise à l’écart. » Mais à son retour à Philly, son entraîneur Jim Curtin est clair : « Il ne va plus jouer aucun match avec nous. Il a un contrat, donc il pourra s’entraîner tout seul, mais séparé de l’équipe. Il n’y a pas eu d’incident particulier, c’est juste l’accumulation de ses performances sur le terrain et des échanges dans le vestiaire avec le reste du groupe. » Nouveau départ, pour la Turquie et Antalyaspor, où il ne joue qu’en coupe. À l’hiver, sa situation semble désespérée et on parle même d’un prêt en D2 turque. Son salut, M’Bolhi le doit à l’arrivée en janvier dernier d’un nouveau coach, José Morais, ancien bras droit de Mourinho. Cet autre globe-trotter – 12 clubs et 6 championnats en 15 ans – donne sa chance à M’Bolhi qui retrouve du temps de jeu, des couleurs et sa place en sélection. Avec succès pour l’instant, puisque Raïs a vécu une soirée tranquille lors du match aller face à l’Éthiopie (7-1) et devrait à nouveau être peinard ce soir. Et puis, même si on venait l’inquiéter, ce patriote de toujours est prêt. Car, malgré ses galères aux quatre coins du monde, son credo est resté le même, martelé aux caméras de Clique : « Je suis prêt à mourir sur le terrain pour l’Algérie. »

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