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Le Real et son impossible doublé
En concédant le nul face à Valence, les Merengues ont sûrement dit adieu au doublé Liga - Ligue des champions. Ce qui n'est pas forcément la pire des nouvelles : dans son histoire, le Real Madrid n'a connu que deux fins de saison avec ces titres en poche.
Onze minutes étouffantes. Dans une cocotte-minute baptisée Santiago Bernabéu, les hommes de Carlo Ancelotti, suite à un amour d’enroulé d’Isco synonyme d’égalisation, poussent et prennent en otage la surface des Chés. Un dernier rush insuffisant, qui condamne presque définitivement le Real Madrid dans sa quête d’un sacre en championnat. « Cette année encore, le doublé Ligue des champions-Liga semble impossible, diagnostique Alfonso Pérez, Madridista de 1990 à 1995. Avec deux journées à jouer et quatre points d’avance, personne n’imagine Barcelone laisser passer l’occasion. Et pour la C1, il faut déjà battre la Juventus et s’attendre à affronter le Barça en finale. En Europe et en Espagne, le favori est clairement blaugrana. » Face à cette vérité actuelle, les Merengues peuvent donc toujours s’en tirer avec une nouvelle Ligue des champions, pour ce qui serait une revalidation inédite sur le Vieux Continent depuis le grand Milan. Un baume au cœur que confirme une tendance du mastodonte de Chamartin : le Real n’a réussi un tel doublé qu’à deux reprises dans son histoire plus que centenaire.
« Les gens sont obsédés avec la Ligue des champions »
Ces deux précédents remontent à plus d’un demi-siècle. Les rares vidéos qui en témoignent sont en noir et blanc, et les quelques survivants de ces épopées se font rare. Vainqueur de la première édition de la Coupe d’Europe, le Real Madrid s’apprête alors à offrir à ses vitrines les quatre suivantes. Celle de 1957, la seconde donc, est remportée aux dépens de la Fiorentina au Santiago-Bernabéu. De grandes oreilles qui se couplent dans le même mois à une Liga glanée devant le FC Séville et le FC Barcelone. La saison suivante, bis repetita. Alfredo Di Stéfano, Ferenc Puskás et consorts ne laissent aucune miette à leurs concurrents. L’autre finaliste européen est toujours italien, mais répond cette fois au nom de Milan AC. En championnat, c’est l’Atlético de Madrid qui remplace les Andalous à la place du dauphin. Mais le roi, sur ses terres domestiques ou continentales, reste le même. Après ces deux doublés, le Real Madrid attend toujours le troisième. Car, depuis ce mois de juin 1958, jamais les Merengues n’ont réussi à transposer leur domination européenne sur le sol espagnol. Et inversement.
La première explication se veut culturelle. « Le public madrilène préfère très clairement la Ligue des champions à la Liga, entame Francisco Pavon, canterano du Real. Tu peux faire un sondage dans la rue, tout le monde te dira la même chose. La Liga est très importante, mais elle n’a rien à voir avec la Ligue des champions. » Avec son ambiance des grands soirs, sa saveur unique, la coupe aux grandes oreilles reste la propriété du Santiago-Bernabéu. Avec déjà dix trophées installés dans son musée, le fanion blanc aime à se décrire comme « le plus grand club de l’histoire » . Sans titre européen depuis 2002 et la finale de Glasgow, tous les esprits madridistas étaient ainsi accaparés par la Décima avant le fameux derbi madrileño de Lisbonne. « Parfois, les gens sont un peu obsédés par la Ligue des champions et cela peut affecter le rendement de l’équipe » , affirmait même Cristiano Ronaldo en septembre 2013. « Quand le Real Madrid enfile son maillot pour l’Europe, le stade est différent, témoigne l’ancien central merengue. L’ambiance est plus pesante, plus sévère. Pour autant, les gens vont plus te soutenir que lors d’un match de championnat. »
Le Real, « un club global qui préfère l’Europe »
Autre facteur explicatif, l’argument économique. « Pour un club comme le Real, qu’est-ce qui lui offre plus de prestige et de visibilité mondiale ? s’interroge Alfonso Pérez, lui aussi formé au club. Il compte déjà plus d’une trentaine de titres nationaux, seule la Ligue des champions peut lui offrir ce qu’il recherche. Et le Real se veut un club global, supporté dans le monde entier. Pour tous ses supporters, la conquête européenne est la plus importante. Et financièrement la plus viable pour le club. » Ce « choix » entre Europe et Espagne n’en est parfois pas un. Ce dont se souvient l’ancien coéquipier de Zinédine Zidane : « Lorsque nous avons joué la finale de Glasgow, nous étions très loin de gagner la Liga. Lors des dernières journées, nous n’avions plus aucune chance de remporter le championnat. » Cette préférence pour la C1, dans l’histoire récente des Merengues, pourrait toucher à son terme selon le señor Pérez : « Avec la domination de Barcelone ces dernières années, puis le titre de l’Atlético de Madrid la saison passée, le Real ne peut se contenter de finir toujours second. C’est une offense pour le Bernabéu. » Un Bernabéu qui, pour la réception de la Juventus, espère une énième remontada européenne.
Par Robin Delorme, à Madrid