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Le Rayo et le maillot de la discorde
Ovni de Liga, le Rayo Vallecano est loin d'être un club comme les autres. Il l'a encore prouvé en dévoilant son deuxième jeu de maillot, où les couleurs de l'arc-en-ciel du mouvement LGBT sont la vedette. Une instrumentalisation démagogique pour de nombreux supporters rayistas.
À Madrid, le début du mois de juillet résonne comme une ode au respect. Et à la fête. Chaque année, les prémices de l’été renvoient la capitale espagnole à une fiesta arc-en-ciel. « L’orgullo gay » , communément appelé gay pride, inonde les rues madrilènes pendant cinq jours. Pour la première fois de son histoire, la mairie, récemment remportée par Manuela Carmena et sa coalition d’indignés, s’est même parée du drapeau LGBT. À quelques kilomètres plus au sud, dans le quartier populaire de Vallecas, une autre institution a décidé de miser sur les couleurs arc-en-ciel : le Rayo Vallecano. En présentant ses nouveaux jeux de maillot de la saison 2015-16, le président rayista, Martin Presa, a fait jaser. Tandis que la première tunique renvoie toujours au cousin lointain de River Plate, le maillot extérieur arbore les couleurs du rainbow flag et le troisième un mélange de gris et de rose en l’honneur des victimes du cancer. Un joli coup de com’, un pari marketing et un geste remarqué autant que remarquable qui divise le quartier de Vallecas. Retour sur une polémique qui oppose démagogie et valeurs du barrio.
« Chaque couleur représente une cause »
« Nous prenons un chemin et nous souhaitons qu’il soit le bon. Nous sommes un club proche des gens et ce chemin suit le caractère et l’ADN des Rayistas : ils se soulèvent pour les autres et se battent pour un monde plus juste. » Fort d’un discours à la gloire des supporters du Nuevo Estadio de Vallecas, Martin Presa s’emporte dans un discours touchant. Et intéressé. Car en présentant les nouveaux jeux de maillot de son Rayo Vallecano – qu’il a racheté en 2011 pour une bouchée de pain – il s’est offert un coup de com’ XXL. Le maillot extérieur, noir coupé par une bande arc-en-ciel, « va lutter contre l’homophobie » : « Chaque couleur représente une cause. Et à chaque maillot vendu, sept euros seront donnés à l’une des sept organisations représentants une cause. » Pêle-mêle, on retrouve la lutte contre le sida, la protection de l’environnement, la guerre contre la violence sexiste ou encore la prévention des abus sur les mineurs. Des causes justes qui, pour la première fois dans l’histoire du ballon rond, se taillent la part du lion sur un maillot. Idem, le troisième maillot, gris et rose, se veut en faveur de la recherche contre le cancer.
À dire vrai, ces valeurs et leur défense sont omniprésentes à Vallecas. Pour le vérifier, un tour du stade du Rayo suffit. Les fresques qui habillent l’enceinte rayista renvoient bien souvent au combat contre le racisme des aficionados locaux. Au premier rang de ces supporters, les Bukaneros. Groupe ultra bien connu en Espagne, il se veut anti-fa et, surtout, a un rôle social très important dans le quartier. Sitôt la présentation des nouveaux maillots de leur Rayo, ils n’ont pas tardé à réagir : « Nous ne pouvons pas tolérer qu’à cause d’une démagogie de la solidarité, ils détruisent notre histoire au nom du Rayismo. » Aujourd’hui encore, après une dizaine de jours, la colère n’est pas retombée. Ce qu’il reproche à Martin Presa, c’est une certaine faculté à se muer en girouette. Actionnaire majoritaire du Rayo depuis 2011, cet entrepreneur s’est mis les supporters de Vallecas à dos sitôt son arrivée. Pour ces derniers, de nombreuses décisions ne passent pas. Au premier rang, on retrouve l’écusson du club : « Nous continuons de nous demander où se trouve notre écusson historique. » Nommé ADRV – Agrupacion Deportiva Rayo Vallecano – le club avait été rebaptisé RVM – Rayo Vallecano de Madrid – par l’ancienne direction. L’actuelle n’a rien changé.
« Ce maillot ne respecte pas l’histoire du club »
« Nous ne permettrons pas qu’il banalise des thèmes aussi importants que la lutte contre l’homophobie ou le cancer, pointe du doigt l’un des porte-paroles du groupe ultra. Ce qui nous indigne, c’est qu’il le fasse au nom du Rayismo, alors qu’il ne l’a même pas interrogé pour avoir son avis. Par exemple, nous avons proposé de mettre des drapeaux arc-en-ciel dans le stade, de mettre ces couleurs dans le col du maillot. Car ce maillot ne respecte pas l’histoire du club. » Cette seconde tunique réveille également de vieilles rancœurs entre direction et supporters. Ainsi, à l’annonce du décès de Wilfred Agbonavbare, mythique portier rayista des nineties, les Bukaneros avaient proposé de renommer leur tribune en son honneur. Une proposition qui attend encore une réponse officielle de la part du club. Ce mécontentement est partagé par dix autres peñas du Rayo, qui ont signé un communiqué commun contre l’instrumentalisation de leurs valeurs et la démagogie d’une présidence qu’il juge opportuniste. Reste à savoir quel maillot les coéquipiers de Roberto Trashorras aborderont lors de leur premier match à l’extérieur…
Par Robin Delorme