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Le PSG, pas seulement un club de foot
Les affaires et révélations se multiplient autour de PSG, ainsi que les investigations judiciaires. De fait, il semble représenter bien plus qu'un simple club de foot pro, y compris dans sa face cachée.
L’avènement des clubs États, surtout adossés à des monarchies du Golfe, a dès le départ inquiété le petit monde du ballon rond sur le Vieux Continent, parce que ces « nouveaux riches » bouleversaient les anciens équilibres, surtout économiques. Personne n’a oublié les larmes de crocodile du très hypocrite Florentino Pérez, qui ciblait le vilain PSG en 2021 dans des propos relayés par Marca : « Il y a une folie des clubs qui appartiennent à des États et qui ne transfèrent pas les joueurs. » Il oubliait un peu rapidement le statut privilégié dont a bénéficié son Real Madrid en Espagne de la part du pouvoir centralisateur castillan. Depuis, il s’est lancé dans la croisade de la Superligue et retrouve face à lui un certain Nasser al-Khelaïfi, président de l’ECA (l’association européenne des clubs) et dont le nom revient dans la presse ces derniers jours.
Les affaires qui se multiplient autour du PSG, les enquêtes en cours, les mises en examen de certains de ses anciens salariés… Tout cela renvoie à une autre problématique. Si le mercato et l’avenir de Kylian Mbappé occupent sûrement les esprits à la Factory et animent les discussions sur les plateaux télé, le club parisien semble posséder une influence, ou du moins des relais en France qui le sortent du traditionnel cadre du « copinage » avec les élus, comme on peut le constater à travers les révélations qui se succèdent dans la presse. En outre, ses méthodes, telles que le recrutement d’anciens policiers, la quasi-constitution d’un service de renseignement, son rapport aux médias (jusqu’à intervenir pour faire retirer du fil d’actus de L’Équipe et France Football une info gênante pour son président) ou encore son poids auprès du monde politique dépassent le vague concept de soft power.
Grandes manigances dans l’intérêt du PSG
D’une certaine façon, le PSG n’a pas seulement transformé le foot français avec ses stars et son budget deux ou trois fois supérieur à ses principaux ou potentiels concurrents. Il a également passé un cap dans son fonctionnement, plus proche des manies, petites ou grandes, des grandes multinationales de l’hydrocarbure (souvent elles aussi liées au pouvoir politique, comme Total) que des vieilles habitudes frauduleuses sous forme de caisses noires ou de magot enterré dans un jardin. Il discute et interpelle d’ailleurs directement le gouvernement de la République comme n’importe quelle entreprise stratégique. Dernière illustration : la mise au jour du rôle, en 2017, de Gérald Darmanin, alors ministre de l’Action et des Comptes publics (on imagine mal Emmanuel Macron ne pas avoir été informé), afin d’éviter à QSI de payer taxes ou impôts sur le transfert de Neymar (222 millions). On n’oubliera évidemment pas la fameuse « armée numérique », dont Mediapart a révélé ce lundi les derniers exploits, notamment contre Jérôme Cazadieu, l’ex-rédacteur en chef de L’Équipe.
Rien d’étonnant, donc, que le 5 juillet dernier, toujours selon Mediapart, Nasser al-Khelaïfi a dû subir, ainsi que son domicile, une perquisition à la descente de son jet le jour même de la présentation de Luis Enrique comme nouvel entraîneur du PSG. Cette intervention policière survenait à la suite de l’enquête sur la détention du lobbyiste Tayeb Benabderrahmane à Doha, lui-même mis en examen pour de multiples d’infractions (corruption, recel et complicité d’accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, etc.) en faveur du PSG. Même Rachida Dati, maire du 7e arrondissement et ancienne ministre de la Justice, a vu sa mairie fouillée par les policiers de l’Office central de lutte contre le crime organisé le 17 juin 2023. Tout ce beau monde reste naturellement présumé innocent.
Il faut savoir se faire une raison. Au-delà des suites judiciaires, des conséquences pour les personnes, voire pour le foot français, il s’impose d’appréhender le PSG non plus comme un banal voire prédominant pensionnaire de notre Ligue 1, mais à l’image d’une société dotée d’importants moyens, du soutien d’un État, et qui défend d’abord ses intérêts, parfois avec des ressources à la limite de la légalité.
Par Nicolas Kssis-Martov