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Le PSG est-il au bord de la Qatar-strophe ?
Devenu un paria dans presque tout le Moyen-Orient, l'émirat du Qatar est dans de beaux draps. Mais au-delà des tensions diplomatiques, des sanctions financières et de la partie de géopolitique qui se joue, cette situation risque-t-elle d'avoir un impact sur l'engagement des Qataris au PSG ?
Assis au restaurant avec son supérieur Armand Lesignac, l’agent OSS 117 écoute attentivement les consignes de ce dernier : « Profitez-en pour me calmer tout ce petit monde, hein ? Américains, Soviétiques, Anglais… Confortez les positions de la France, instaurez la paix en Égypte. » Attentif, OSS acquiesce : « Bien sûr. » Avant de laisser Armand, conclure : « Enfin, sécurisez le Proche-Orient » Fier comme un pape, l’espion incarné par Jean Dujardin répond avec un sourire plein de certitudes : « Pas de problème ! » Quelques décennies après les aventures d’Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS117, un peu plus à l’est sur la carte, ce n’est pas le Proche, mais plutôt le Moyen-Orient qui aurait besoin d’un coupe de pouce. Rien ne va plus entre l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Yémen, tous ligués contre le Qatar, devenu en un rien de temps l’incarnation du mal. Les accusations sont simples : le Qatar soutiendrait de façon trop active des groupes terroristes et menacerait l’équilibre de la région. Les griefs contre l’émirat sont nombreux, entre les personnalités notoirement connues pour des faits de terrorisme accueillies, le soutien sans faille aux Frères musulmans partout dans le monde arabe, et les fonds versés à certains organismes aux intentions douteuses. Ambassades fermées, lignes aériennes coupées, sanctions économiques, depuis hier, les coups de massue ont plu sur le Qatar, qui s’est vite retrouvé dans la panade. Entre la bourse de Doha qui a fermée à -7,58% et les habitants qui ont dévalisé les magasins pour acheter des denrées alimentaires en cas de pénurie, le pays est secoué. Et entre toutes les questions que pose cette situation inédite, l’une intéresse au plus haut point dans la capitale de l’Hexagone : qu’en est-il des conséquences pour le PSG ?
Le PSG comme fer de lance
En 2011, par l’intermédiaire du fonds d’investissement souverain Qatar Sports Investment, le Qatar achetait 70% des parts du Paris Saint-Germain. Deux ans plus tard, en décembre 2013, les Qataris mettent la dernière salve et achètent les 30% de parts restantes. Une illustration de la fameuse « diplomatie par le sport » dont les analystes ont beaucoup parlé, et qui accompagne une série de gros investissements du Qatar dans tous les domaines – industrie, hôtellerie, luxe – censés faire du Qatar un acteur de premier plan sur la scène internationale. Et selon Jean-Baptiste Guégan, enseignant de géopolitique du sport et auteur du livre Géopolitique du sport qui sortira cet été, les complications diplomatiques du Qatar pourraient justement faire les affaires du PSG : « Si le gouvernement qatari reste en place, potentiellement, le PSG sera justement mis en valeur parce qu’il faudra redorer l’image du Qatar à l’étranger et donc la diplomatie sportive sera d’autant plus accentuée. Et donc le PSG va en profiter. Si le gouvernement est renversé, et ce n’est pas impossible, là ce sera différent. C’est-à-dire qu’il est fort possible qu’il y ait un réajustement des priorités et à ce moment-là, toute la stratégie sportive de visibilité du Qatar sera remise en question. Donc ça dépend de ce qui va se passer. Mais le PSG n’est pas menacé, au contraire. Il peut vraiment être à nouveau le fer de lance. » Tamim ben Hamad Al-Thani, ancien directeur de QSI devenu émir du Qatar en 2013 après l’abdication de son père, avait été l’un des principaux artisans de l’achat du PSG et devrait donc poursuivre dans cette voie s’il reste au pouvoir. Et pourtant, bien avant le mise au ban diplomatique de l’émirat, nombreuses étaient les voix en France à s’insurger contre l’arrivée des Qataris au PSG.
Engagement à long terme
Les questions que posait le rachat étaient multiples, entre ceux qui voyaient les conséquences sportives et craignaient une concurrence faussée en championnat, ceux qui se concentraient sur des questions politiques et qui souhaitaient limiter la marge de manœuvre de QSI, et ceux qui hurlaient au scandale en constatant les avantages fiscaux réservés aux Qataris en France. Quant aux problèmes éthiques liés au copinage entre le Qatar et les terroristes, les plus explicites pour le dénoncer ont été les supporters bastiais, qui ont déployé cette banderole en janvier 2015, juste après les attentats contre Charlie Hebdo : « Le Qatar finance le PSG… et le terrorisme. »
La direction du PSG, elle, a voulu éteindre l’incendie hier en jurant qu’il s’agissait « d’une crise diplomatique et politique, comme il s’en est déjà produit par le passé, et qui n’a rien à voir avec l’engagement à long terme des Qatariens. » Reste la question de l’argent. En cas de sanctions financières trop violentes, le Qatar pourra-t-il encore investir autant dans le PSG ? Jean-Baptiste Guégan est confiant : « Le pouvoir financier repose sur une équation simple : il dépend des cours du gaz. Donc tant que le cours du gaz, qui est indexé sur celui du pétrole, est intéressant, ils auront l’argent. La deuxième chose, c’est la rentabilité de l’investissement. Le PSG engendre des bénéfices, ils ont fait plus de dix millions d’euros de bénéfices sur la saison, et ils estiment pouvoir faire monter la valeur du club à 1,5 milliard. On est vraiment sur une des plus grandes réussites du sport contemporain. » Même le sponsor Fly Emirates, qui appartient aux Émirats arabes unis et dont les avions ne rallient pourtant plus Doha, devrait rester et continuer à payer 25 millions d’euros par saison pour apparaître sur le torse des joueurs. Après tout, si le projet qatari a survécu au 6-1, il survivra bien à une crise diplomatique majeure.
Par Alexandre Doskov
Propos de Jean-Baptiste Guégan recueillis par AD