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- Bayern-PSG (1-0)
« La gestion des gardiens sous QSI, c’est grotesque »
Lancé par Luis Enrique dans le grand bain de la Ligue des champions sur la pelouse du Bayern, Matvey Safonov n’a pas vraiment marqué des points en offrant le but de la victoire au Bayern. Arrivé cet été dans la capitale, le Russe cristallise pourtant les échecs répétés à ce poste, ainsi que l’exposition au-dessus de la moyenne des portiers parisiens.
Bayern-PSG, 66e minute de jeu. Sur son côté droit, Joshua Kimmich est pressé comme une orange par Vitinha et se voit obligé de remiser en retrait au niveau du rond central. Pas le move le plus conseillé de l’histoire du foot, mais quand on est le Bayern, on peut se le permettre. Évidemment, la passe du pied gauche du blondinet allemand est parfaite : Bradley Barcola est trop court pour intercepter, Kim Min-jae fait automatiquement quelques pas en arrière pour accueillir le cuir comme il se doit, quand tout à coup, une masse verte surgit et intercepte le cuir. Comme tombée du ciel, elle casse parfaitement le pressing de Lee Kang-in, puis oriente magnifiquement le jeu côté gauche sur Kingsley Coman pour finir par une petite glissade enfantine. « Oh mais qu’est-ce qu’il fait là Neuer, mais qu’est-ce qu’il fait ! » s’exclame alors aux commentaires Sidney Govou, qui n’a plus qu’à contempler médusé la nouvelle prise d’initiative gagnante du légendaire gardien allemand. Neuer, quoi. À 38 ans, la muraille de Bavière a donné une nouvelle leçon de ce que doit être un portier de top niveau en 2024 : proactif, à l’aise des deux pieds, serein sur sa ligne et surtout, peut-être le point le plus important, la capacité de ne pas subir le jeu. Tout ce que n’a pas le PSG, finalement.
Donnarumma, Safonov et le bal des gardiens sous QSI
Au lendemain matin de cette nouvelle déconvenue européenne, une stat peu flatteuse pour le club parisien a émergé et fait mal : Manuel Neuer a réussi plus de dribbles pendant la rencontre (1) qu’Ousmane Dembélé, Bradley Barcola, Warren Zaïre-Emery et Fabian Ruiz réunis. Un cas de figure révélateur selon Jérôme Alonzo, portier du PSG de 2001 à 2008, du mal principal de cette équipe au-delà du cas de ses hommes gantés : le manque de talent. « Si c’est effectivement au niveau du gardien que tu vois le plus la différence entre Paris et les autres grands d’Europe, le PSG souffre surtout d’un manque de talent global, parce que le “franchise player” du PSG aujourd’hui, c’est Ousmane Dembélé ! Wow ! Ah bah là, oui d’accord, si tu finis 20e de la phase de poules de Ligue des champions, c’est déjà bien ! » S’il est naturel de s’éterniser à chaud sur le choix de Luis Enrique d’avoir titularisé Safonov à la place de Donnarumma, il faudra surtout à un moment donné recentrer le débat là où il doit se jouer : à quel moment fera-t-on le bilan du mercato parisien dans sa globalité ?
Haters gonna hate but Manu Neuer still runs this shit pic.twitter.com/aQIrSMTxiU
— Stop That Neuer (@Goatkeeper1_) November 26, 2024
Il fut un temps où le serpent de mer du remplaçant de Thiago Motta était omniprésent, aujourd’hui c’est la question du numéro 9 qui occupe les espaces et les esprits, mais, de façon assez surprenante, celle du gardien n’a jamais semblé vraiment prioritaire. Tant dans les choix que dans la gestion du poste, ce qui sort par les yeux d’Alonzo.
« Hier, je regardais Yann Sommer. Il fait partie des joueurs qui ont ramené l’Inter au premier plan, c’est un recrutement génial. Et le mec a 36 ans ! Toi, le mec de 36 ans, tu l’avais, tu l’as dégagé pour prendre Donnarumma. Mais viens pas pleurer derrière, déplore-t-il au téléphone. Tu avais Keylor Navas, référencé, 3 Ligues des champions au compteur, international, bon mec de vestiaire, bon gardien, pas d’histoire, jeu au pied correct. Le PSG est une entreprise qui génère des millions, voire des milliards d’euros, comment tu peux répéter inlassablement les mêmes erreurs et dire “Ouais, c’est cool, quoi.” La gestion des gardiens sous QSI, c’est grotesque. Pour la faire courte : Sirigu, t’aimes ou t’aimes pas, mais bon, ça allait pour lancer le projet. Tu lui mets Trapp dans les pattes, tu perds les deux. Trapp-Areola, pareil. On arrête ? Non ! Après Areola s’installe, clac tu lui mets Buffon ! Tu reperds les deux. Après Navas arrive, tu te dis que ça y est, ils ont compris, tu fais finale et demi-finale de Ligue des champions, t’es serein. Non, parce qu’au PSG, on est des génies du poste, tu prends Donnarumma ! Donc là, tu reperds les deux. Et puis après une saison où il est plutôt bon en championnat, tu vas chercher Safonov cet été ! On est le 27 novembre 2024, tu as reperdu tes deux gardiens pour la cinquième fois en 10 ans. »
Et si l’avenir était… Chevalier ?
Sur le seul but (gag) encaissé par le PSG à l’Allianz Arena, un autre cas de figure interpelle : celui de la fébrilité défensive parisienne qui persiste sur coups de pied arrêtés depuis plusieurs mois, mais aussi plus largement de la défense dans sa totalité. Au-delà de galérer à planter des pions, le PSG n’est plus une équipe aussi solide qu’avant et donne surtout le sentiment de concéder davantage de situations dangereuses à son adversaire lorsque le niveau s’élève. « Sur le but encaissé par Safonov, on parle de faute collective, oui. Mais quand tu sais que tes gardiens sont bidon dans les airs… tu n’es pas serein. C’est la poule et l’œuf : qui provoque quoi ? interroge Alonzo. Si les gardiens sont plus exposés au PSG depuis plusieurs saisons, c’est parce que ta défense est plus faible. Et je vais aller même plus loin : elle l’était beaucoup moins quand Presnel Kimpembe était sur le terrain. Sur coup de pied arrêté par exemple, ça a commencé depuis mars dernier et Barcelone au Parc. Depuis, tu as eu le souci face à Dortmund deux fois, et puis là tout le début de saison. Donc je ne sais pas comment le staff bosse, mais si nous, on le voit, eux aussi, c’est sûr. »
Si le bilan n’est pour le moment pas fameux, le PSG n’est pas non plus hors course à tous les étages. Il peut encore se qualifier pour la suite de la C1 en cas de bons résultats face à Salzbourg, un Manchester City convalescent et Stuttgart sans oublier qu’il trône en tête de la Ligue 1. Mais une question flotte encore dans l’air : qui gardera les buts parisiens désormais ? Jérôme Alonzo a fait son choix : pour lui, ça doit être Donnarumma.
« Safonov, pour moi, c’est un gardien ultra-moyen et je pense sincèrement que Donnarumma a un Safonov dans chaque jambe. Je pense même que Tenas est meilleur que lui, et pourtant il est troisième dans la hiérarchie. Donnarumma est un super gardien, il a tout pour être le numéro 1 mondial : l’envergure, le talent, les réflexes… Celui qui te dit qu’il est nul, il ne comprend rien, car tu n’es pas champion d’Europe et capitaine de l’Italie si tu es nul. En revanche, ce qui est vrai, c’est qu’il a régressé depuis son arrivée à Paris dans tous les domaines, sauf le jeu au pied d’où il partait de zéro. Et ça, c’est pas normal. De mon temps, c’était un impératif pour être gardien de dégager une assurance, de pouvoir rassurer son équipe sur une prise de balle à la 90e. Aujourd’hui, on veut un libéro qui serait presque un bon gardien, alors que pour moi, il te faut un excellent gardien qui ne soit pas mauvais au pied. Lucas Chevalier aujourd’hui est exceptionnel dans les airs, il est bon au pied, il représente l’avenir. Pourquoi ? Parce que l’avenir sera toujours dans le jeu aérien. » Le message est passé : il ne reste plus au PSG qu’à mettre le paquet l’été prochain sur Lucas Chevalier.
Par Andrea Chazy
Propos de JA recueillis par AC.