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Le problème des tribunes en Ligue 1 : « Le dialogue en France est cité en exemple en Europe »

Par Clément Gavard et Adrien Hémard
20 minutes
Le problème des tribunes en Ligue 1 : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le dialogue en France est cité en exemple en Europe<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Le championnat de France connaît un début de saison enthousiasmant sur le terrain, mais subit ces dernières semaines des incidents récurrents et préoccupants en tribunes. Le jet d'une bouteille d'eau sur Dimitri Payet lors de Lyon-Marseille a été la goutte de Cristaline qui a fait déborder le vase pour tout le monde, voire un électrochoc pour les décideurs du foot hexagonal. La période est désormais consacrée aux réunions et à la réflexion. Dans ce contexte, So Foot a donné la parole à cinq acteurs, des membres de l'Association nationale des supporters au directeur général de la LFP, pour essayer de mieux comprendre la situation actuelle et envisager de sortir de cette crise par le haut.

Le casting : Me Pierre Barthélémy : Avocat de l’Association nationale des supporters Sacha Houlié : Député LREM de la Vienne, coauteur d’un rapport d’information sur les interdictions de stade et le supportérisme Sylvain Kastendeuch : Coprésident de l’UNFPArnaud Rouger : Directeur général de la LFPKilian Valentin : Porte-parole de l’Association nationale des supporters (ANS)

Depuis le début de saison, les incidents liés aux tribunes sont nombreux en Ligue 1. Qu’est-ce que ça vous inspire ? Sacha Houlié : Il y a beaucoup de frustration parce que ça sert d’argument pour remettre en cause ce qui a été construit, notamment par l’INS (Instance nationale du supportérisme), pour surmonter les difficultés autour du match. On a une répétition d’événements depuis le début de saison. Ce qui est rassurant, c’est l’absence de surenchère du côté des pouvoirs publics, qui avaient tendance à communiquer rapidement en exagérant les années précédentes. On n’entend pas Roxana Maracineanu ou Gérald Darmanin parler d’interdiction à vie. Pierre Barthélémy : Ça m’inspire beaucoup de lassitude. On a le sentiment que malgré l’augmentation des sanctions collectives comme les huis clos et les retraits de points, il reste des gens prêts à adopter des comportements stupides au détriment d’une immense majorité. Kilian Valentin : On se rend compte qu’il y a plein de choses à retravailler. Quand on a mis en place un protocole de retour dans les stades à 100%, tout le monde s’attendait à de l’excitation, mais pas à des débordements individuels. Il faut rappeler que ce ne sont pas des événements liés à des groupes de supporters, comme on a pu le connaître par le passé. Arnaud Rouger : D’abord, une réalité que l’on a un peu tendance à vite oublier : le retour du public dans les stades était très attendu. Les supporters avaient un besoin et des attentes énormes. Après 18 mois sans stade, ils voulaient retourner en tribunes et vibrer pour leur club. De leur côté, la LFP et les clubs ont considérablement œuvré pour que ce retour s’effectue dans les meilleures conditions. Et cela a très bien fonctionné. Mi-août, toutes les contraintes liées au contexte sanitaire avaient été parfaitement assimilées par les clubs et le public. Malheureusement, un ensemble de facteurs ont conduit à une série d’événements totalement inacceptables et particulièrement préjudiciables pour tout le travail effectué.Sylvain Kastendeuch : La répétition est très inquiétante. On dit souvent que le foot est le reflet de la société. Je suis actuellement en pleine tournée des clubs, on en parle avec les joueurs. Il faut éviter de généraliser, mais ça redevient un gros problème.


Comment peut-on expliquer cette recrudescence des violences dans les stades de foot ? PB : Les sociologues disent qu’on peut concevoir que les dix-huit mois sans aller au stade et la tension latente dans la société liée aux mesures restrictives dans le cadre de la lutte contre l’épidémie peuvent avoir créé un terreau pour cela, mais ça échappe à mes compétences personnelles. SH : Il n’y a pas trop d’explications. On pourrait dire que c’est la société qui va mal, etc. Mais on ne peut pas le vérifier avec des éléments précis. KV : Au sein du groupe, on ne sent pas forcément plus de tensions. Tout le monde était content de revenir au stade, même si on était soucieux de nos libertés individuelles avec le pass sanitaire au départ. Certains ont trouvé le protocole rassurant, d’autres groupes sont toujours dans l’attente. Avant chaque rencontre, il y a un travail en amont avec le club. En tribunes, les capos font passer des messages. Dès qu’on voit un briquet s’envoler, on demande d’arrêter tout de suite. Le groupe de supporters ne peut pas avoir des yeux partout. AR : D’un point de vue opérationnel, et ce n’est pas propre au football, le monde de l’événementiel doit faire face à une pénurie de stadiers pour cause de reconversion professionnelle des agents de sécurité. Il a fallu se réhabituer à l’accueil du public en grand nombre dans ce contexte social et économique particulièrement tendu de l’après-Covid. En effet, depuis le début de saison, on assiste à des jets d’objet sur les acteurs du jeu, des intrusions, voire des envahissements de terrain, des propos injurieux et discriminants, des craquages sauvages de fumigènes qui occasionnent de plus en plus de blessés. Certains supporters souhaitaient manifestement en découdre avec leurs homologues ou les forces de l’ordre. Le résultat de tout cela, ce sont des incidents graves contre lesquels nous devons lutter tous ensemble (clubs, instances et pouvoirs publics) et le plus rapidement possible.

Parler de laxisme, c’est de la mauvaise foi. En revanche, on a considéré que la seule sanction qui devait exister était contre le club et les supporters avec le huis clos et le retrait de points. Cet acharnement sanctionne tout le monde, sauf les coupables.

Les sanctions prises lors des premiers incidents ont-elles eu une incidence sur les débordements récents ? Une question revient par exemple souvent depuis Lyon-Marseille : fallait-il plus de sévérité après Nice-OM ?SH : Il y a une incompréhension autour des sanctions prononcées. Puis, ça dépend de quoi on parle. Il y a différents degrés de responsabilité. Celui de l’ordre public, avec les réunions préparatoires entre la préfecture, la DNLH (division nationale de lutte contre le hooliganisme), les clubs, la LFP et les référents supporters. Le deuxième degré, c’est la justice, qui a notamment été sévère à Nice. À Lyon, elle a prononcé une interdiction de stade de cinq ans pour l’individu concerné, c’est la sanction maximum. On ne peut pas dire qu’il y ait du laxisme de ce côté-là. Il reste la commission de discipline, dont on attend aujourd’hui une jurisprudence claire sur la question : qu’est-ce qui arrive en cas d’atteinte à l’intégrité physique d’un joueur ou même d’un supporter ? AR : Avant toute chose, il est important de rappeler que la commission de discipline est indépendante et s’appuie sur un règlement disciplinaire défini par le Code du sport et le règlement disciplinaire de la FFF. Ensuite, il faut aussi souligner qu’elle ne peut pas prendre de sanctions individuelles contre les fauteurs de trouble non licenciés. Une fois énoncé tout ce cadre juridique, factuellement, les sanctions prononcées depuis le début de la saison n’ont jamais été aussi sévères.KV : La commission de discipline a été suffisamment sévère au niveau de ses sanctions. Ensuite, à la Ligue, c’est plus la façon de communiquer qui pose problème, notamment au match à Lyon. La justice a en effet répondu très rapidement à Lyon : l’individu a été interpellé, est passé en comparution immédiate et a été sanctionné. Sauf que sous la pression, la commission de discipline décide de taper du poing sur la table en répondant à la place de la justice, avant la comparution immédiate. Le lundi matin, Lyon a déjà une sanction de huis clos avant même que le mec ne passe au tribunal l’après-midi. C’est ça le souci : on a une commission qui prend des sanctions de plus en plus disproportionnées et qui ne fonctionnent pas du tout. SK : Pour les joueurs et les staffs, le huis clos est difficile à digérer, ça pénalise tout un club. L’aspect sportif aussi d’ailleurs, à l’image des Niçois qui ont perdu un point de pénalité. Ils le vivent mal. Mais en même temps, crier au scandale est mal vu parce que certains observateurs trouvent que les sanctions ne sont pas assez fortes. On peut ressentir une injustice quand c’est le sportif qui est touché, concerné, alors qu’il n’y est pour rien. Cela dit, il y a quand même une mobilisation générale avec les trois ministères, on sent une vraie volonté. Restons en attente de ce qui va sortir, restons optimistes sur les mesures prises. PB : Quoi qu’il arrive, on n’aurait pas échappé à la suite. On n’est pas du tout sur des sanctions laxistes, au contraire on avait rarement vu des sanctions aussi fortes : trois matchs à huis clos, un match à rejouer délocalisé alors que Nice menait 1 à 0 à quinze minutes de la fin, plus un retrait de point ferme et avec sursis… Parler de laxisme, c’est de la mauvaise foi. En revanche, on n’a pas pris les bonnes mesures. Il aurait fallu laisser à la justice la mission de sanctionner individuellement les fauteurs de troubles. On s’est focalisé sur l’auteur du coup de pied à Dimitri Payet, mais ils ne sont pas allés plus loin. C’est là qu’on a failli. On a considéré que la seule sanction qui devait exister était contre le club et les supporters avec le huis clos et le retrait de point. Cet acharnement sanctionne tout le monde sauf les coupables. Si Nice manque la Ligue des champions pour un point à la fin de l’année, c’est un écart de plusieurs millions d’euros dans le budget. Ça peut toucher des emplois.

Vincent Labrune a dit que la LFP était démunie de sanctions. Est-ce vraiment le cas ?AR : Je précise : Vincent Labrune a dit que la LFP était démunie de sanctions… individuelles. C’est bien pour cela qu’il s’agit d’un travail collectif, avec les pouvoirs publics et la justice. La LFP n’a qu’un pouvoir disciplinaire envers ses seuls membres, d’où les sanctions contre les clubs qui sont ses membres.SH : La LFP peut agir en amont et en aval. En aval, c’est avec la commission de discipline lorsqu’il y a eu un incident. Il faut une jurisprudence qui décide s’il y a match perdu ou pas par le club qui accueille. L’amont, c’est sur la prévention. Là, pour le coup, on a créé un dispositif avec la Ligue, le SLO, le club pour organiser le stade. Par exemple je veux qu’on m’explique pourquoi il n’y avait pas de filets de protection à Lyon ou à Nice ? Alors qu’on a vu à Marseille que ça a été utile pendant le Classique, même si tout ne s’est pas bien passé.

L’aspect préparatoire a été négligé à Lyon.

Le soir de Lyon-Marseille, nous avons également assisté à un triste spectacle avec les institutions qui se renvoient la balle. Comment améliorer la relation tripartite club-Ligue-État autour d’un match ? Qu’est-ce qui fait défaut ? PB : Chacun a joué sur les mots. Juridiquement, c’est à l’arbitre de prendre la décision. Mais en pratique, l’arbitre, son travail, c’est d’arbitrer un match. Si jamais un préfet de 60 ans, énarque, en l’occurrence le troisième préfet de France puisque dans le Rhône, vient voir l’arbitre pour lui dire que c’est à lui de prendre la décision tout en lui glissant qu’il a 60 000 personnes à évacuer et que ça va être l’émeute dans les transports en commun à cette heure-ci…. Quand l’arbitre est face à cela, ce n’est pas son travail. C’est pour ça qu’ils se sont renvoyé la balle. Il y a une hypocrisie parce qu’on fait peser sur l’arbitre une décision qui dépasse le cadre sportif. Il faut clarifier tout ça.SH : L’aspect préparatoire a été négligé à Lyon. Et ensuite sur le sort du match, à partir du moment où l’incident est commis, on doit avoir une jurisprudence suffisamment établie de la part de la commission de discipline qui permet de dire que le match ne doit pas reprendre. Ensuite, la seule chose qui s’impose au préfet, c’est de vider le stade en assurant l’ordre public, ce qu’on sait faire aujourd’hui. On établit la décision, on ne la discute pas et on s’organise pour que l’arrêt du match se passe le mieux possible. KV : Ce n’est pas surprenant, ça rejoint les interdictions de déplacements prononcées par les préfectures avant la loi Nunez. Celles-ci trouvaient des arguments étranges et des contentieux remontant aux années 1930 pour empêcher des supporters de se déplacer. Les préfets n’assumaient tout simplement pas qu’ils ne voulaient pas de supporters dans leur ville. Du côté de la Ligue, le communiqué est peut-être arrivé tard, mais il y a un protocole existant avec l’arbitre qui prend la décision. On en revient à la préfecture qui n’assume pas, qui cherche des responsables plutôt que de balayer devant sa porte.AR : En fait, les choses sont claires et doivent surtout être réaffirmées. Pour résumer, chacun doit prendre la responsabilité qui est la sienne, et ce, dans un laps de temps court. L’arbitre, qui est le garant de ce qui se passe sur le terrain, doit décider en lien avec la LFP et les autorités publiques si le match peut reprendre ou pas d’un point de vue sportif. Ensuite, les autorités publiques locales sont les seules à décider ce qui doit se passer d’un point de vue de l’ordre public. Si à leurs yeux, la reprise ou non du match aura des répercussions sur l’ordre du public et la sécurité publique, elles doivent alors prendre la main sur les décisions et la suite du déroulé ou non de la rencontre en raison des troubles à l’ordre public que cela pourrait occasionner. Nous sommes donc dans un processus séquencé où la position de l’arbitre prend une première position et ensuite, les pouvoirs publics doivent lui indiquer si cela leur convient ou pas, et donc s’ils souhaitent reprendre la main sur la suite de la rencontre pour des raisons d’ordre public.

La semaine dernière, une réunion a enfin eu lieu au ministère de l’Intérieur entre la LFP, la FFF ou encore la justice du sport. Qu’est-ce que ça peut changer ? SH : Beaucoup de choses, comme le fait d’avoir des préconisations de la DNLH suivies lors des réunions préparatoires. Il peut aussi y avoir un rappel à l’ordre de l’État sur le fait que la LFP doit assurer la sécurité. Cela peut permettre de clarifier les compétences et les responsabilités de chacun pour ne pas reproduire le spectacle d’OL-OM, même si la priorité est d’éviter tout nouveau jet de projectiles. Avant la réunion, j’ai appelé Gérald Darmanin et Roxana Maracineanu pour leur faire part de ma ligne : traiter en amont les matchs, sanctionner individuellement, et on traite l’aval sur la position de la commission de discipline qui doit être très claire sur ses positions. Ils ont bien reçu cela, la ministre m’a dit qu’elle était sur la même ligne. Elle s’est beaucoup inspirée de notre rapport avec Marie-George Buffet. SK : De notre côté, notre première posture lors de cette réunion était de livrer l’inquiétude des joueurs, même si tout le monde en était conscient autour de la table. On leur a dit que l’arsenal répressif ne nous appartenait pas, mais qu’on pouvait faire de la sensibilisation, de la prévention. Les joueurs sont prêts à s’investir dans des actions pour tenter de sensibiliser ces individus. Le délai est maintenant suffisant pour ne pas se contenter d’une réunion pour bien prendre le temps de mettre les choses dans la corbeille. On est dans une bonne démarche.AR : La LFP avait demandé cette réunion depuis le mois d’août au regard des premiers incidents. Depuis, des échanges ont lieu, mais uniquement au niveau des services et non pas à celui des dirigeants politiques. Il est essentiel que l’ensemble des autorités publiques soient désormais autour de la table, car la politique préventive et répressive de lutte contre la violence dans les stades ne peut être menée efficacement qu’avec l’ensemble des parties prenantes (ministère de l’Intérieur, ministère de la Justice, ministère des Sports, clubs et instances sportives). Cette réunion a été constructive. Le travail se poursuit et devrait aboutir à des propositions concrètes avant la fin de l’année. PB : Cette fois, il n’y a pas eu d’hystérie médiatique, politique. Au contraire, Gérald Darmanin a bien été préparé et a dit de ne pas céder à l’émotion, rappelant aussi qu’on avait un arsenal juridique suffisant. Il a annoncé quatre axes de travail qui sont grosso modo ce que les universitaires, juristes et représentants de supporters disent depuis le début de saison. Il y a eu une écoute. Par exemple, la perte de compétences et de formation dédiée aux stadiers. Ça va dans le bon sens. Et il y aura une réunion de l’INS cette semaine, avant la remise des conclusions des ministres le 8 décembre, qui va permettre de nourrir utilement le débat. C’est plutôt positif là où il y a quelques années, on serait parti dans tous les sens, avec de la démagogie. Là, on a eu une prise de recul et du travail.

Ce ne serait sans doute pas inutile que les associations de supporters au niveau national condamnent systématiquement, et avec fermeté, ces incidents qui portent aussi atteinte à leurs intérêts et à leurs travaux.

Les représentants des supporters n’ont en revanche pas été conviés. Cela veut tout dire, non ?KV : Tout a été fait à l’envers. On repart dans une relation en vase clos, comme il y a dix ans, où les supporters et acteurs du monde du sport regardent ça de l’extérieur et subissent, alors qu’on se bat depuis tout ce temps pour trouver des solutions autour de la même table. C’est un retour en arrière, la place du supporter revient à ce qu’elle était il y a dix ans : on fait sans, on ne nous écoute pas. Et on matraque médiatiquement et politiquement sur les supporters, et ensuite on les écoutera peut-être quand la solution sera connue. Il y a un sentiment d’injustice qui revient. PB : Je suis très surpris qu’on n’ait pas convié les supporters, alors que les syndicats de joueurs étaient là. Si on invite les joueurs, il faut inviter les supporters. Les joueurs se plaignent à juste titre, mais s’ils sont là, il faut que les supporters aient la parole aussi, surtout que les associations de supporters connaissent bien mieux le sujet que les syndicats de joueurs. SH : C’est un mauvais signal envoyé, sachant qu’on attend aussi la convocation de l’INS, c’est là que ça se jouera avec eux. J’en profite pour dire que les supporters doivent venir à l’INS, ils sont nombreux, mais pas tous là. Ça a été créé en 2016, avec les premières réunions probantes en 2018, 2019. Finalement, on a commencé à en parler en 2020 sur la réouverture des stades. C’est une instance de qualité qui gagne à être connue. SK : La difficulté des associations de supporters, c’est de savoir si elles sont vraiment représentatives. Sinon, sur le principe, évidemment qu’on veut tout le monde à la table, le tour de table doit être le plus large possible. AR : Il s’agissait d’une réunion avec les pouvoirs publics et les victimes des incidents intervenus dans les stades. Je ne suis pas certain que les personnes dont on parle soient des supporters et je ne pense pas qu’elles soient représentées par qui que soit. D’ailleurs, ce ne serait sans doute pas inutile que les associations de supporters au niveau national condamnent systématiquement, et avec fermeté, ces incidents qui portent aussi atteinte à leurs intérêts et à leurs travaux.

Ceux qui disent que les supporters en France sont ingérables ne connaissent pas la réalité dans les autres pays. Il y a dix à quinze fois plus d’incidents en Angleterre et en Allemagne.

On entend beaucoup dire que les supporters sont ingérables. Mais ne faudrait-il pas tourner le problème à l’envers en constatant qu’on ne sait pas gérer les supporters en France ? AR : Ni l’un ni l’autre. Le dialogue en France avec notamment la mise en place des référents supporters est cité en exemple tant au niveau de l’UEFA que par les associations européennes de supporters. L’arsenal répressif est complet en France et doit surtout encore être coordonné afin d’être mieux appliqué. Il ne faut pas se voiler la face. Notre situation n’est pas bonne, mais elle n’est pas unique. On voit malheureusement régulièrement des incidents avec des minorités de spectateurs dans de nombreux pays en Europe et dans le monde. PB : En France, il y a entre douze et quinze millions d’entrées au stade par saison en Ligue 1, et on a moins de 600 interpellations par saison, et environ 160 interdictions judiciaires de stade chaque année, donc quand on fait le ratio… C’est sûrement bien pire dans des manifestations ou des concerts, c’est juste qu’il y a un braquage médiatique sur le foot. On a des associations responsables très impliquées dans le dialogue, avec des référents supporters. Ceux qui disent que les supporters en France sont ingérables ne connaissent pas la réalité dans les autres pays. Il y a dix à quinze fois plus d’incidents en Angleterre et en Allemagne. Souvent des gens qui doivent gérer les supporters, mais qui ne le font pas, disent qu’ils sont ingérables et mettent la pression sur la Ligue et les clubs pour faire le ménage dans les stades, alors que c’est à la police et à la justice de faire ce travail. KV : Avant, la France regardait à l’étranger comment les voisins européens géraient leurs supporters. Depuis deux ans, ce sont les autres pays qui regardent comment on fonctionne en France avec le dialogue, des choses constructives. On est arrivé à un point où on a su trouver des solutions parce qu’on a discuté, construit des choses sur le long terme. Depuis le Covid, ce dialogue a été un peu oublié. C’est important de revenir à ça. SK : L’enjeu, c’est de ne pas reproduire ce qu’il s’est passé à Lyon, il faut que ces décisions soient prises très rapidement. Nous, on pense que dès qu’un joueur, arbitre ou tout autre membre du staff est touché, il faut arrêter le match. Après ce n’est pas si simple. Certains pourraient essayer d’utiliser ça pour influer sur un match qui ne se passerait pas bien. C’est complexe, mais on sent une vraie volonté des dirigeants, on devrait trouver des solutions.

Peut-on être optimistes pour la suite de la saison et la gestion des supporters ou faut-il craindre de se retrouver enfermés dans un cercle vicieux ?KV : On peut en ressortir plus forts parce qu’on a un travail de fond qui a été mené avec le rapport Buffet-Houlié, le virage a été loupé avec la loi sport qui est sortie. Elle n’a pas répondu à ce rapport. On a loupé le virage, mais on peut reprendre la route, notamment avec ce qu’il se passe depuis le début de saison. Si on reprend ce rapport, qu’on repose les choses qui ont fait leur preuve par le passé, qu’on remet tous les acteurs autour d’une table, on peut repartir plus fort.SH : On sait qu’on a une épée de Damoclès au-dessus de la tête, et que chaque incident peut remettre en cause notre travail. Mais pour ce rapport, on a consulté très largement et sensibilisé beaucoup de gens, donc il en reste toujours quelque chose. Si, temporairement, il peut y avoir des interrogations, au fond il y a un vrai mouvement qui s’est déclenché pour qu’on en garde l’essence. AR : Ces incidents donnent plutôt la parole à ceux qui considèrent que seule la répression est la solution, alors que nous sommes convaincus qu’il faut aussi mener une politique préventive par un dialogue permanent au niveau des clubs. La création de l’Instance nationale du supportérisme a institutionnalisé le dialogue et créé certaines avancées comme la mise en place de tribunes debout actives, l’instauration du référent supporter, les expérimentations encadrées de pyrotechnie. Toutefois, cela reste fragile car, d’une part, l’INS est un peu en sommeil depuis le premier confinement, et d’autre part, le dialogue doit avant tout être au niveau local. Quoi qu’il en soit, nous restons optimistes et fermement déterminés pour l’avenir et l’ensemble des parties prenantes le sont également, ce qui est encourageant. Le football tient une place majeure dans la société et c’est bien collectivement que nous devons en prendre soin. Il faut avoir en tête que le football professionnel français accueille près de 300 000 personnes chaque semaine dans les stades et rassemble plusieurs millions de téléspectateurs chaque week-end. Ces données doivent tous nous obliger à agir.PB : Je suis très optimiste parce que la réaction a été mesurée et constructive, personne n’a demandé des mesures radicales et une surenchère démagogique. Tout le monde a compris qu’on est dans le même bateau, et ça montre une certaine maturité du dialogue instauré depuis 2016. Enfin on se pose les bonnes questions sur pas mal de sujets. Pour la première fois, tous les acteurs ont compris que les sanctions collectives sont une impasse. On voit que les autres expérimentations continuent, notamment pour les fumigènes. Ce qui montre que le dialogue a très bien fonctionné, obtenu de belles avancées et convaincu de nombreux acteurs. On va continuer de dialoguer, de progresser. La dernière étape, c’est que tout le monde accepte qu’il y aura toujours des incidents, et que notre vocation est de les réduire au maximum.

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