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- Portugal-France (2-2)
Le Portugal est venu ici pour souffrir, ok ?
Pendant 13 minutes, le Portugal était mené face à la France avant de s'en sortir avec un match nul (2-2), ce mercredi à Budapest. Pire, pendant 13 minutes, les Portugais étaient éliminés de cet Euro 2020. Finalement, la bande à Cristiano Ronaldo aura souffert, comme toujours, mais se sera qualifié. Comme souvent aussi.
Un écran sur le match. Un autre, plus petit, avec le résultat d’Allemagne-Hongrie. Puis un troisième avec le classement de ce groupe F qui a changé sans cesse durant 90 minutes. Cela s’appelle une soirée triple écran, tout simplement. Ajoutez à cela une Super Bock, des tremoços, des gouttes de sueur, un maillot rouge sur le dos, quelques insultes à Monsieur Antonio Mateu Lahoz, et vous aurez un aperçu de la manière dont les supporters portugais ont vécu cette rencontre face à la France (2-2). Un match au cours duquel le Portugal a d’abord mené, avant d’être derrière au tableau d’affichage quelques secondes après le retour des vestiaires. À ce moment-là, le Portugal est éliminé de l’Euro 2020 en raison de la victoire des Hongrois à Munich. Un retour au bercail qui a duré 13 longues minutes, avant que Jules Koundé ne se prenne pour LeBron James et permette à Cristiano Ronaldo de rejoindre l’Iranien Ali Daei au classement all-time des buteurs en sélection.
La souffrance dans la peau
Pour beaucoup de supporters, ces 13 minutes – comme les 14 qui ont suivi jusqu’à l’égalisation de Leon Goretzka avec l’Allemagne – auraient été un enfer à vivre. Idem pour les joueurs qui, pour beaucoup, n’auraient pas su comment réagir sur la pelouse. Pas pour les Portugais. Tout simplement, car ils sont habitués à ce genre de situation. En 2016, les potes de Pepe – une nouvelle fois impérial face aux Bleus – avaient déjà été éliminés pendant 33 minutes… contre la Hongrie. Une rencontre lors de laquelle le Portugal avait été mené trois fois au score. Deux ans plus tard en Russie, c’est face à l’Iran lors du dernier match du groupe que les hommes de Fernando Santos ont joué à se faire peur sur une frappe de Mehdi Taremi dans les dernières secondes qui rasait le poteau de Rui Patrício. Si celle-ci terminait au fond, le Portugal était éliminé du Mondial 2018.
Finalement, ce parcours à l’Euro 2016 résume parfaitement l’amour pour la souffrance du Portugal. Que ce soit la phase de groupes donc, mais aussi le huitième qui se termine en prolongation contre la Croatie, le quart qui finit aux tirs au but face à la Pologne et cette finale contre la France où les Portugais font le dos rond jusqu’à ce but salvateur d’Éder. Cinq ans plus tard, les Portugais ne changent donc pas une tactique qui a fait ses preuves et l’ont montré face à la France, mais aussi contre la Hongrie où ils ont dû attendre la 84e minute pour ouvrir le score.
Saudade, saudade
Quelques semaines après le Mondial 2018, après un nul en Italie qualificatif pour le final four de la Ligue des nations, Fernando Santos avait évoqué cet amour pour la souffrance : « On a eu d’énormes difficultés, il faut l’admettre. Mais après, on a eu plus d’opportunités et on a moins laissé l’adversaire s’exprimer. Souffrir aide aussi à grandir. » Le Portugal doit donc être très très grand à l’heure actuelle. En même temps, comment un pays qui décrète trois jours de deuil national après la mort de la reine du fado – une musique qui n’est que l’apologie de la tristesse – Amália Rodrigues pourrait ne pas aimer souffrir ? Sans parler de ce terme que tous les Portugais ont déjà prononcé 1000 fois : la saudade. Un mot difficilement traduisible, mais que le Larousse définit comme le « sentiment de délicieuse nostalgie, désir d’ailleurs ». Et finalement, si le Portugal gagnait sans souffrir, il aurait la saudade de cette époque où il devait souffrir pour se qualifier. Sauf que ce n’est pas demain la veille que ça arrivera.
Par Steven Oliveira