- Copa Libertadores
- Finale
- Atl. Nacional-Independiente
Le Pony Futbol, la mine d’or colombienne
Le potrero, le Pony Futbol et le toque sont les trois préceptes du football en Colombie. Zoom sur une institution, à qui l'un des finalistes de ce soir en Copa Libertadores, l'Atlético Nacional de Medellín, et le football colombien en général doivent énormément.
De Medellín à Cali, de Bogotá à Cucuta, c’est le rêve de tous les gosses colombiens qui ont une passion débordante pour le ballon rond. Ce rêve porte un nom : le Pony Futbol. Le principe est assez simple, un tournoi de football pour les enfants de moins de treize ans organisé et télévisé chaque année au mois de janvier dans la ville de Medellín. Son nom est dû à la célèbre marque de soda Pony Malta, qui le parraine depuis sa création. Francisco Maturana, celui qui a remporté la première et unique Copa Libertadores de l’Atlético Nacional Medellín en 1989 en tant qu’entraîneur, en explique les prémices : « À la base, c’était surtout un lieu de rencontre lors des vacances scolaires pour les gamins passionnés de football à Medellin. Tous les quartiers de la ville se réunissaient pour ce tournoi qui a vu le jour en 1985 » . Par modestie peut-être, celui que l’on surnomme « Pacho » , oublie de préciser qu’il a aussi remporté en tant qu’entraîneur la première édition du Pony Futbol avec le quartier de La Floresta. Il poursuit : « Cette compétition, et d’ailleurs elle continue de le faire aujourd’hui, jouait un rôle social majeur. Les familles, les amis et leurs proches viennent avec des drapeaux encourager leurs protégés, mais tout cela dans un esprit sain et de convivialité entre tous les différents quartiers de chaque villes respectives. Elle inculque aussi des valeurs et de la solidarité que les jeunes peuvent véhiculer dans ces quartiers qui, pour certains, sont très difficiles. »
Un producteur de talents bruts
Pour autant dans ces quartiers populaires, pas question de remplacer les potreros. Ces terrains en terre, où l’herbe n’a jamais le temps de pousser, sont de véritables emblèmes. Maturana confirme : « Le potrero est irremplaçable. Après ce dernier, on peut considérer le Pony Futbol comme l’étape suivante de la formation d’un jeune footballeur colombien. Il fait ses premiers pas dans la rue, et ensuite, le Pony Futbol est là pour l’encadrer et jouer son rôle éducatif. » Il ajoute : « Cela est indispensable, car vous ne pouvez pas imaginer la quantité de gamins que reçoit le Pony Futbol chaque année. Il suffit d’ailleurs de s’apercevoir combien de grands joueurs sont passés par là pour s’en rendre compte. »
James Rodríguez, David Ospina ou encore Radamel Falcao entre autres. Tous ont foulé les pelouses du Pony Futbol avant d’exploser au grand jour. « Aujourd’hui, pour un joueur colombien, il est pratiquement indispensable de passer par le Pony Futbol et de l’avoir écrit noir sur blanc sur son CV. C’est pour cela que très tôt, depuis 1989 pour être précis, ce ne sont plus seulement des gosses de Medellín, mais des gosses de tout le pays qui débarquent chaque année. Le Pony Futbol a dû mettre en place des éliminatoires sur tout le territoire et cela seulement quatre ans après sa création » , abonde Pacho.
Une renommée internationale
Un développement éclair, une niche de talents, de quoi attirer des recruteurs du monde entier. Pour exemple, Brayan Gómez et Anlly Tabares, tous deux évoluant à l’Atlético Nacional de Medellín, qui se sont vu offrir un voyage à Porto après avoir été élus meilleurs joueurs de l’édition 2013. Ainsi, d’autres « pibes » ont commencé à débarquer depuis l’étranger, comme le raconte Maturana. « En 1991, le Pony Futbol a reçu pour la première fois de son histoire une équipe internationale. Elle venait de l’école San Francisco de Quito, en Équateur. C’était une exception, il a ensuite fallu attendre quelques années supplémentaires pour voir l’internationalisation du tournoi. » 2010, et l’arrivée d’une nouvelle équipe équatorienne accompagnée d’une autre en provenance des États-Unis. L’année suivante verra même pour la première fois de l’histoire du Pony Futbol triompher une équipe non-colombienne au profit d’une sélection brésilienne, suivi d’une formation… équatorienne en 2012.
Un scénario auquel ne veut même pas penser Francisco Maturana cette nuit pour son Atlético Nacional en vue de la finale retour de la Copa Libertadores. « Honnêtement, je ne sais pas si je vais me rendre au stade. J’ai une invitation, comme tous les protagonistes du titre de 1989, mais je me demande si c’est une bonne chose que l’on se mette en avant devant ces jeunes qui sont justement pratiquement tous issus du Pony Futbol. Nous sommes conscients que nous avons marqué l’histoire, remporté la première et unique Copa Libertadores du club, mais je ne pense pas qu’il faille leur mettre la pression plus qu’ils ne l’ont déjà. Laissons-les écrire leur propre histoire, car je suis persuadé qu’ils vont le faire dans un stade qui va être plein, accompagnés d’une ambiance exceptionnelle. Je me trompe peut-être, certains pensent différemment, mais pour ma part, j’ai cette vision des choses. » Une belle vision des choses, Maestro.
Par Bastien Poupat à Buenos Aires
Propos de Francisco Maturana recueillis par Bastien Poupat