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« Le pire match ? Un 0-0 entre Flamurtari et Teuta Durrës »
En 2017-2018, le Real Madrid, l'équipe de France et Benevento entraient dans l'histoire. Matt Walker, lui, empilait 79 matchs dans les 55 nations affiliées à l'UEFA. De Géorgie au Monténégro, l'Anglais qui ne voulait pas rentrer à la maison refait sa saison.
11 mois, 79 matchs et 55 fédérations plus tard, où es-tu en ce moment ?Je suis en Indonésie, sur l’île de Pulau We, sur la côte nord de Sumatra. Je fais de la plongée et j’écris le livre de mon voyage. C’est un bon mélange ! Après, j’irai visiter Medan, la plus grande ville à Sumatra. Le PSMS Medan est actuellement coaché par un Anglais, Peter Butler, qui a joué à West Ham dans les années 1990. Il va me montrer le club, m’emmener au match… C’est excitant !
Aller voir des matchs là où tu te trouves, c’était déjà une habitude ou ça te vient de ton voyage ?
En Angleterre, je n’assiste qu’aux matchs de Fulham, et deux-trois fois par an à ceux de mon équipe locale, en 6e division, Dulwich Hamlet. Ils sont un peu connus, car ils ont une identité à part, c’est un peu le Sankt Pauli du South London. Du moins, c’est ce qu’on aime à penser ! (Rires.) À part ça, je trouve étrange d’aller voir d’autres équipes, je n’y trouve pas vraiment d’intérêt. Pour moi, un Arsenal-Chelsea n’est pas passionnant, parce que ce sont deux équipes dont je me fous un peu… Même si je préfère nettement Arsenal ! (Rires.)
Donc, pour toi, un Kom-Mladost est plus intéressant qu’un Arsenal-Chelsea ?Surtout parce que c’était le dernier match de mon voyage ! Sinon, il faut avouer que ce n’était pas un grand match. Mais quand le coup de sifflet final a retenti, j’avais terminé la mission que je rêvais d’accomplir depuis des années, j’étais assez ému. Il y avait un parapente dans le ciel, les montagnes en fond… Oui, c’était une belle journée au Monténégro, un bon souvenir, même si le match en lui-même n’était pas mémorable (défaite 0-1 de Kom le 28 avril 2018, N.D.L.R.).
Comment l’idée est venue ?L’idée est venue du livre de Charlie Connelly, Stamping Grounds, sur l’équipe nationale du Liechtenstein. Je me suis dit : « Si tu peux aller voir du foot au Liechtenstein, pourquoi ne pas aller en voir dans chaque pays ? »
Sauf au Liechtenstein cela dit, puisqu’il n’y a pas de championnat là-bas, j’ai dû aller voir le FC Vaduz en deuxième division suisse (victoire 2-0 de Vaduz sur le FC Schaffhausen le 18 mars 2018, N.D.L.R.). Et pour ajouter un challenge, pourquoi ne pas le faire en une saison ? Et pourquoi ne pas écrire un livre là-dessus ? J’ai réussi à faire la première partie, aller voir des matchs dans 55 pays, je travaille maintenant sur la seconde, écrire un livre, qui sera publié en juin 2019. À ce propos, j’aimerais le publier en France, si un éditeur est intéressé, qu’il me fasse signe ! (Rires.)
Tout ton voyage était planifié avant de partir ?Je n’avais qu’un programme de pays par mois. D’abord les ligues d’été, qui terminent en premier, dans les pays scandinaves, les anciens pays de l’Union soviétique ou en Irlande. Puis en septembre-octobre, qui sont les meilleurs mois pour visiter l’Europe, des pays où j’ai toujours voulu aller : Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, Turquie, Ukraine, Moldavie… Puis je suis allé dans les Balkans à la fin de l’automne, l’Europe du Nord à Noël, vers le sud pendant les mois d’hiver et j’ai fini avec l’Europe centrale au printemps, et les Balkans encore.
Comment voyageais-tu ? As-tu reçu des invitations imprévues, des bonnes surprises ?J’ai fait beaucoup de voyages en train, bus, ferry… J’ai pris 52 vols, ça peut paraître beaucoup, mais sur l’année ça ne fait qu’un par semaine. En revanche, c’était assez difficile de loger chez des fans, parce que je ne savais souvent pas où j’allais aller quelques jours avant les matchs. Donc je dormais dans des hôtels bon marché, des auberges de jeunesse… J’ai rencontré des supporters, certains de manière imprévue dans les bars, au stade, d’autres que j’avais contactés en amont. Au fur et à mesure du voyage, certains avaient entendu parler du voyage et me contactaient : « Hey, et si on se rencontrait ? J’ai un ticket, viens, on va au match ! » Ça c’est vraiment super, parce que tu as l’expérience locale.
Tu arrivais à t’intéresser vraiment à tous les matchs que tu allais voir ?
Justement, quand je rencontrais des fans qui me parlaient de leur club, que je pouvais bien comprendre son histoire, sa place dans la ville, alors je me passionnais beaucoup plus facilement. Quand tu réalises à quel point un match peut être important pour des gens que tu rencontres, tu commences à partager leurs sentiments. Et puis il y a aussi des villes que j’ai particulièrement aimées en les visitant. Enfin, je l’ai appris au fur et à mesure : se renseigner sur les joueurs, la façon de jouer, les états de forme et le contexte général rend les choses bien plus intenses.
Peux-tu nous faire un top 3 de tes meilleurs matchs ?(Il réfléchit.) Il y en a deux évidents, à chaque fois des 4-3. En Turquie, j’ai vu Trabzonspor mener 3-0 et perdre 3-4 contre Antalya avec un triplé de Vágner Love (le 22 septembre 2017, N.D.L.R.). C’était incroyable, l’atmosphère au stade Şenol Güneş était surréaliste, les mecs étaient fous. L’autre, c’était un match sur lequel j’avais assez peu d’attente : au Kosovo, en novembre, je n’avais pas vu le soleil depuis deux jours, j’étais dans une ville étrange, Gjilan, la ville de naissance de Xerdan Shaqiri. Mais finalement c’est un super match, engagé, technique, avec carton rouge, but à la dernière minute, et l’équipe m’invite à faire la fête dans les vestiaires après le match (victoire 4-3 du KF Drita sur le Liria Prizren le 18 novembre 2017, N.D.L.R.). Vraiment un super souvenir ! Après, il y a les classiques. Par exemple en Serbie, le FK Napredak Kruševac reçoit l’Étoile rouge de Belgrade, et Kruševac gagne d’un super but dans les arrêts de jeu (1-0 le 1er octobre 2017, N.D.L.R.). C’était un match spécial, tout le monde était heureux, un moment à part.
Au contraire, as-tu déjà dormi dans un stade ?
Je ne me suis jamais endormi, j’étais occupé à prendre des notes ! Mais en Albanie, j’ai vu de loin le pire match de ma vie, vraiment affreux, un 0-0 entre Flamurtari et Teuta Durrës (le 25 novembre 2017, N.D.L.R.). J’ai regardé les highlights à la télé plus tard, sur deux minutes, ils en ont passé une sur les équipes sortant du tunnel tellement il n’y avait rien dire. Mais bon, c’est le football ! Forcément, en 79 matchs, tu en vois des beaux et d’autres affreux !
Et en France ?France ? Yeah, well… ce n’était pas le meilleur match ! (Rires.) Montpellier-Guingamp, un classique du milieu de tableau. Montpellier jouait assez défensif, le ballon ne circulait pas très vite, et c’est seulement quand Guingamp a inscrit un penalty que Montpellier a commencé à mettre un peu de pression sur l’équipe visiteuse (1-1 le 17 février 2018, N.D.L.R.). Mais j’ai aimé passer le match avec un vrai supporter, Alex, qui m’a tout raconté sur le club, en particulier la rivalité avec Nîmes.
Sur quels critères faisais-tu le choix des matchs à voir ?
Ce match-là par exemple, je l’ai choisi parce que je devais être en Andorre le jour suivant et que Montpellier était sur la route. Marseille jouait Bordeaux le dimanche, mais ça ne collait pas avec les dates. Donc parfois, il y a des choix que tu fais sur des critères purement logistiques. Tu dois réaliser que tu vas voir beaucoup de matchs, des champions, des équipes reléguées, des équipes du milieu de tableau… Tu ne peux pas toujours aller voir les grands matchs. Et puis, c’est plus facile de rencontrer des gens dans les petits matchs, il y a moins de monde, moins de touristes du football. Une des plus grosses affiches que j’ai vues, c’était FC Séville contre Atlético de Madrid (2-5 le 25 février 2018, N.D.L.R.). J’ai aimé le match, mais à la fin, c’est moins de sensations que, par exemple, le déplacement de Séville à Málaga quelques jours plus tard (0-1 le 28 février 2018, N.D.L.R.).
As-tu pu identifier différentes façons de jouer au foot selon les régions ?Je crois que ça s’est dilué sur les dix dernières années. Les styles existent toujours, mais ils s’effacent. Oui, bien sûr, en Islande ou aux îles Féroé, c’est un football assez direct, en 4-4-2 et longs ballons, c’est comme regarder un match en Angleterre dans les années 1990. Mais même dans des pays comme la Norvège ou la Suède, ils essaient de jouer de derrière, au sol. Ça devient plus uniformisé, les équipes veulent jouer comme les vainqueurs, le gardien se prend pour Manuel Neuer… Ça ne marche pas toujours ! Peut-être que la plus grande particularité que j’ai vue est en Europe de l’Est, dans les pays de l’ex-URSS. Ça joue assez défensif, à cinq derrière, le but est plus une anomalie qu’un objectif. J’ai vu deux matchs en Russie, un seul but (FK Oufa 0-0 Spartak Moscou le 23 juillet 2017, et Arsenal Tula 1-0 SKA-Khabarovsk le 24, N.D.L.R.) ! Bon, ce n’est qu’un tout petit échantillon, mais de manière générale j’ai vu à l’Est un football plus défensif.
Et un pays en particulier t’a-t-il étonné par sa culture foot ?
Ce n’est pas évident… J’ai étais très surpris en Israël. Je suis allé voir l’Hapoël Beer-Sheva, triple champion en titre. C’est une ville dans le désert, un peu perdue au milieu de nulle part, mais la passion dans le stade était vraiment intense, une grosse ambiance. Je pensais qu’il y aurait quelques milliers de supporters au plus, mais en fait le stade était plein à craquer (1-1 face à l’Hapoël Haïfa le 14 janvier 2018, N.D.L.R.). Oui, en Israël, les cinq ou six meilleures équipes sont très suivies, avec toute une dimension politique derrière.
À ce propos, tu voulais également goûter des bières de tous les pays visités. Alors, où doit-on aller pour trouver la meilleure pinte ?(Rires.) Écoute, il y a beaucoup de bonnes bières dans beaucoup de pays, de plus en plus de micro-brasseries qui rendent le truc intéressant. J’ai trouvé d’excellentes bières artisanales en Russie, mais finalement le meilleur endroit fut à Riga, en Lettonie, avec des ingrédients originaux, de la cacahuète, de la lavande… Je vis à Londres, il y a des tonnes de brasseries qui produisent des IPA et des Pale Ales, là j’ai trouvé des choses différentes. Donc ouais, la Lettonie, sous-estimée !
Propos recueillis par Eric Carpentier
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