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Le Parc des Princes : trop chère la ville ?
L’annonce de l’augmentation du prix des abonnements au Parc des Princes a suscité quelques réactions indignées et beaucoup de lieux communs sur un stade pacifié ou le nouveau standing du PSG. Le club parisien ne fait peut-être que s’aligner sur les tarifs pratiqués dans la ville la plus onéreuse de France. Une façon de clôturer enfin « l’anomalie » paradoxalement gavroche, banlieusarde et communautaire de son public originel. Bref au jeu de l’offre et de la demande, la ville lumière brille trop fort et quitte à sélectionner son public, autant que cela rapporte. Ce n’est pas la mort du football populaire, c’est désormais, comme dans l’immobilier, la fuite des classes moyennes qui s'annonce.
Quand la nouvelle est tombée, et devant une certaine levée de boucliers, la direction a bien sûr tenté de se justifier. Ou plutôt a mis les points sur les i en invitant à regarder la situation dans le reste de l’UEFA : « On dénombre quarante-deux clubs européens dont les prix des abonnements en virages sont supérieurs aux nôtres. Un club comme le Real Madrid est derrière nous (55e), mais avec un stade deux fois plus grand. » Le directeur général adjoint du club parisien, Frédéric Longuépée, a presque donné l’impression de gérer un parc HLM. Plus prosaïquement, l’argument massue s’avère finalement limpide. Le PSG évolue désormais dans le haut du panier en Champions League, il propose des stars et un show à l’avenant. Il est donc normal de sortir le chéquier ou la gold pour pouvoir profiter du bonheur (pour peu que vous évitiez un « choc » contre Guingamp) d’une rencontre zlatanée. Après tout, Nantes a bien « revisité » ses abos après la remontée en L1…Donc, en 2014-2015, l’abonnement intégral en virage (L1, Ligue des champions, Coupes) passera de 360 à 430 euros, soit 16,50 euros par match. Rappelons cependant qu’il ne s’agit que de la confirmation d’une courbe ascendante puis qu’après 2012-2013, il fallait débourser en virage bleu 315 €, déjà un bond brutal de 20% sur la facture par rapport à la première saison avec QSI.
Toujours moins cher qu’en Premier League
Mais inutile de se fourvoyer ou de se tromper de débat. La comparaison avec les championnats étrangers s’avère périlleuse et certainement inopérante. Chaque pays est un cas d’école. L’Angleterre conserve de ce point de vue son statut d’île avec ses chiffres hors de proportion (1 000 € à Arsenal) qui n’empêchent en rien une fréquentation moyenne extraordinaire. En Allemagne, à l’inverse, on continue de pratiquer – pour combien de temps – des prix plutôt raisonnables qui fondent en partie le fameux « modèle » allemand. La taille des enceintes ou encore les rapports avec les supporters ont déterminé à chaque fois des politiques tarifaires singulières. Les clubs de Premier League ou de Bundesliga s’appuient surtout sur des publics fidèles et dépensiers. De fait, à cette aune, seul le PSG peut se payer, sans risque, un tel luxe. Le taux de remplissage en France a reculé de 3 %, tournant autour de 70%. Seul le Parc monte à 90%, s’approchant du « plein » de Shalke O4 ou du Bayern. La flambée des abonnements s’explique déjà par ce premier constat.
La menace – fantôme diront les sceptiques, qui veut tuer la poule aux œufs d’or ? – du fair-play financier pèse aussi évidemment. Autrement dit, le besoin impératif d’augmenter les « ressources propres » , même si la billetterie ne garantira jamais de rentrer dans les clous (et il faudra de sacrés bons comptables pour trouver la formule magique pour y parvenir). Elle ne représente ainsi encore que 15% dans le chiffre d’affaire du club ( 60 millions d’euros, dont 45 millions d’abonnements), bien qu’en progression constante. Les discussions sur les droits télés ouverts par la LFP ou encore le parcours européen du PSG (avec les ventes afférentes de maillots et autres produits marketing, y compris à l’étranger) sont autrement plus cruciaux pour le moment.
Le PSG et son monopole de 10 millions de clients potentiels
Il s’impose d’abord de resituer le cas du PSG dans son environnement spécifique, quelque part de le relocaliser, aussi bien historiquement que géographiquement. C’est d’ailleurs un point également mis en avant par la direction du club. Le coût d’un match au parc reste l’une des sorties « culturelles » les plus abordables de la capitale. Pour aller au Zénith voir Metronomy, il vous faudra par exemple casser la tirelire à hauteur de 43 euros. Le panorama général est à l’avenant. À Paname, même le café vaut 30 à 40 centimes d’euros plus cher qu’ailleurs et le salaire moyen monte à 3 072 € par mois contre 2 130 euros nets national. À cela s’ajoute le centralisme jacobin, la vie culturelle, économique et politique continue de se concentrer sur les bords de la Seine. Le PSG bénéficie donc d’une position exceptionnelle, un quasi monopole auprès de 10 millions de clients potentiels dotés « en moyenne » d’un pouvoir d’achat sans commune mesure avec ce qui existe dans le reste du pays (la comparaison avec l’Italie ou l’Espagne permet de mesurer sa « chance » ). Avec cette mise en perspective économique, on comprend mieux la grogne des supporters visiteurs devant les offres proposées pour les parcages…
En outre, dans la perspective sur le long terme du foot pro français, les Qataris arrivent en fin de course. Ils bénéficient d’une situation installée. En gros, on a fait le sale boulot pour eux depuis près de 40 ans. Le PSG peut dès lors muer, apparaître comme le club de la capitale telle qu’elle se présente en 2014 aux visiteurs des Champs ou aux clients de chez Colette (suffit de lire l’interview de Pharell Williams dans Voici pour comprendre). Cela même alors que le succès de l’équipe et la transformation du public suite au plan Leproux ont ouvert les vannes en grand pour l’afflux d’une nouvelle clientèle, sans mémoire du club ni culture tribune, mais qui regardera comme un très bon marché le passage par la porte d’Auteuil…
Le PSG s’aligne sur le prix au mètre carré
Il ne faut pas tomber dans la nostalgie amnésique. Depuis toujours, les dirigeants successifs du PSG ont rêvé de consolider le club parisien en un lieu de rendez-vous jet set et branché, et de faire du match un passage obligé de la vie nocturne parisienne, au même titre que les afters de la fashion week. Seul problème, c’est que la réalité du foot parisien ne le leur autorisait pas. Le foot demeure une activité économique un peu plus compliqué à gérer qu’une entreprise du BTP, avec quelques considérations encore vaguement sociales et culturelles. Pour remplir le stade, faute d’un capital de départ, ils durent, de « carte jeune supporter » en tarif préférentiel, négocier avec des « fans » divisés, éclatés, antagonistes parfois, mais passionnés qui avaient fait du parc leur antre et assurer, contre vents et marées, surtout durant les années noires 2000, la viabilité et la popularité des couleurs bleu et rouge. Bref, le PSG rêvait des Rolling Stones dans un stade, alors que son public s’apparentait davantage à celui de la Souris Déglinguée, à une soirée northern soul plutôt qu’une « Fuck me I’m Famous » de David Guetta à Ibiza.
Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Le livre d’or du club a été écrit, le fond de commerce stabilisé, le public « épuré » par le plan Leproux. Les Qataris peuvent repartir sur de nouvelles bases. Le seul club français capable de rêver raisonnablement de remporter la C1, s’aligne sur le prix du mètre carré (qui approche les 9 000 euros) dans la capitale, où acheter voire louer ressemble à un privilège ou à un sacrifice, selon d’où l’on part dans l’échelle sociale. Avec des quotas de logements sociaux garantis par les places achetées et offertes par la mairie de Paris… Désolé, dans le foot, l’amour à un prix !
Par Nicolas Kssis-Martov