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Le paradoxe istréen
Malgré de nets progrès depuis la remontée de National en 2009 et un projet de club prometteur compte tenu d'un budget limité, le FC Istres peine à fédérer. Symbole de cette problématique : le stade Parsemain, un écrin dont le taux de remplissage frise le ridicule.
Istres, ses 42 000 habitants logés tout près de l’étang de Berre, sa porte d’Arles, ses pinèdes en pagaille aux alentours, sa base aérienne et son club de football, le FC Istres Ouest Provence. Une goutte d’eau dans le grand bain du football français, qui ne pèse qu’une saison en L1 en 2004-2005 et dont le plus beau trophée se résume au titre de National empoché en 2009. Pourtant, malgré des moyens microscopiques – avec 5 millions d’euros, Istres a le 19e budget de L2, loin des 30 millions de l’AS Monaco – le club présidé par Francis Collado trône actuellement parmi les équipes qui flirtent avec les cadors du championnat que sont la principauté, le FC Nantes et le SM Caen. Quatrièmes après quatorze journées, les hommes de José Pasqualetti confirment en effet leurs progrès depuis leur retour dans l’antichambre il y a trois ans et demi.
Il suffit pour s’en rendre compte d’étudier de près la courbe de performance. Alors que le centre Audibert sera bientôt labellisé structure de formation reconnue par la FFF après la récente visite du DTN François Blaquart, le club fait état d’une belle progression. Dix-septièmes en 2010, onzièmes en 2011, dixièmes en 2012, le groupe pro où figurent entre autres le vétéran Nassim Akrour, l’ancien Lensois Éric Chelle ou quelques promesses comme Nicolas De Préville, Florian Tardieu, Kevin Bru ou le portier Denis Petrić a réussi un début de saison qui peut lui permettre d’aller voir plus haut que ses précédentes marques. D’autant qu’avec son coach corse, c’est un vrai projet de jeu qui est mis en place pour tâcher de rivaliser avec les meilleurs. « Faut pas oublier que nous sommes Istres, avec nos moyens, nos jeunes qui apprennent, nos joueurs qui arrivent de CFA ou de National. On n’a pas la prétention de singer Barcelone, mais on a l’ambition de bien jouer au football » détaille l’ancien joueur de l’OL ou Montpellier.
Parsemain et son taux de remplissage de 11%
Sauf qu’il y a un hic derrière cette divine idylle. Un hic nommé Parsemain, du nom du stade où résident les Aviateurs. Pourquoi un problème ? Il représente à lui seul le peu d’engouement que suscite le club malgré son embellie. Livré en 2005 pour remplacer l’obsolète Bernard-Bardin, l’écrin de 17 000 places, où s’engouffre le mistral comme un courant d’air dans une cage d’escalier, n’est ni plus ni moins qu’une coquille vide. Il suffit de se rendre sur le site de la LFP et de mater le classement des affluences de L2 pour s’en rendre compte. Comme pour la maille, Istres occupe la 19e place en termes de moyenne de spectateurs présents aux matchs. À peine plus de 2000 quand la Beaujoire en reçoit grosso-modo 17 000 depuis le mois d’aout. Un score qui fait même ironiser Mickaël Beltra, l’un des responsables des Magenta Ultras, seul groupe de supporters résident qui compte 150 cartés : « Quand il y a du monde au stade, c’est parce que les gens viennent plus voir l’affiche que le FC Istres en lui-même. On l’a vu quand on était en L1 et lorsqu’on est redescendu l’année d’après. »
L’intéressé dit vrai. Lorsque Nino Saveljic, Florian Maurice ou Rafik Saïfi débarquent en première div’ il y a huit piges, ils évoluent à domicile devant presque 7000 spectateurs… en alternance au stade des Costières de Nîmes et dans leur ancienne enceinte. Avant de retomber dans des scores faméliques de quelques milliers, voire centaines, de personnes une fois le retour des matchs les vendredis soirs. « La descente en National en 2007 nous a fait beaucoup de mal de ce point de vue » atteste d’ailleurs Mickaël Beltra, pour qui le meilleur souvenir à Parsemain reste un derby contre Nîmes en 2010 avec fumis et ambiance de gala. Reste à savoir pourquoi un tel désert sporti ? Pour certains, comme José Pasqualetti, tout le problème réside dans la difficulté d’exister à quelques bornes de l’OM et Montpellier ou dans un stade situé non pas à Istres, mais à Fos-sur-Mer, juste à côté des raffineries et activités portuaires. « Les gens qui bossent ici n’habitent pas tous dans le coin et repartent. Du coup, c’est un peu plus dur de fédérer. Et puis, entre nous, si vous avez le choix entre Marseille-Paris en L1 et Istres-Arles-Avignon en L2, vous allez où vous ? » interroge-t-il « avé l’accent » .
Une direction qui fait non, non, non, non…
Un constat que balaie pourtant d’un revers de main Mickaël Beltra l’ultra : « La question de la distance entre Istres et Fos-sur-Mer, ça ne tient pas car des lignes gratuites de transports en commun ont été mises en place. Quant à la question de l’OM, il faudrait qu’on joue en même temps pour qu’il y ait concurrence. Mais ce n’est pas le cas que je sache. » Lui a une autre explication à donner et elle vise clairement les hautes sphères du club, dont la politique ne serait pas le volontarisme, mais l’économie : « La nouvelle direction ne fait pas grand-chose pour qu’il y ait du mieux en tribunes. Il n’y aucune communication, on ne sait même pas où acheter un maillot du club, mis à part dans un vieux bungalow à l’entrée du stade les soirs de match, ils ne lâchent pas un rond pour parler des campagnes d’abonnement. Franchement, à 35 € l’abo, vous croyez que c’est le prix qui freine les gens ? »
Vous l’aurez compris, les Magenta Ultras se sentent donc frustrés de ne pas avoir de moyens et le font parfois comprendre lorsque le spectacle n’est pas non plus rendez-vous. Ce fut le cas contre Le Mans (1-0), où quelques sifflets ont fusé, ce qui a eu le don d’agacer José Pasqualetti : « Ils sont bien gentils, mais j’aimerais de leur part qu’ils nous soutiennent et ne fassent pas comme ceux qui sont au chaud dans les salons à manger et boire, à nous critiquer, puis à nous dire bien joué à la fin du match. J’aimerais que ces 150 supporters apportent plus de soutien et sifflent ceux qui sifflent. Malheureusement, ce qu’on appelait le douzième homme n’existe presque plus aujourd’hui. » Comme si le fossé n’était pas qu’entre les supporters et la direction, mais aussi avec le groupe pro. De quoi décourager quelque peu Mickaël Beltra, qui n’hésite pas à parler d’une possible fin du seul groupe de supporters istréen si la politique de l’autruche se poursuit : « Si personne ne bouge le petit doigt, on verra l’an prochain mais c’est clair qu’on pourrait mettre l’asso en sommeil. » Et voir un stade triste au possible devenir un assemblage de tribunes un peu plus vides.
Par Arnaud Clement