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Le paradoxe Chiriches
Capitaine de l'équipe de Roumanie pendant cet Euro 2016, Vlad Chiriches est pourtant remplaçant depuis son arrivée en Angleterre en 2013. De ses débuts en Roumanie à son arrivée au Napoli, en passant par sa relation compliquée avec Villas-Boas à Tottenham, portrait d'un homme qui doit porter le lourd héritage du brassard de la Tricolorii.
En 1994, lorsque la Roumanie illumine le Mondial américain, les observateurs n’ont d’yeux que pour son secteur offensif, composé de l’immense Gheorghe Hagi, de Florin Răducioiu ou encore d’Ilie Dumitrescu, bourreau de l’Argentine. 22 ans plus tard, la donne a changé. Aujourd’hui, ce n’est plus par son attaque que la Roumanie brille, mais bien par son secteur défensif. Un bloc dirigé d’une main de maître par Vlad Chiricheș. À 26 ans, le nouveau capitaine de la Tricolorii est l’homme fort du groupe d’Anghel Iordănescu, qui affirmait d’ailleurs avant le début de l’Euro que Chiricheș avait « un rôle fondamental à jouer dans cette équipe » . Et pour cause, il est l’un des seuls, dans cette sélection, à évoluer dans un top club européen, le Napoli. Même si on ne peut pas franchement parler d’un titulaire indiscutable au sein de la formation partenopei, loin de là.
Une moyenne de 12 matchs par an
De fait, depuis son arrivée à Naples à l’été 2015, Chiricheș n’a pas convaincu.
Ni les supporters ni son coach, Maurizio Sarri, qui ne lui a offert que 17 apparitions toutes compétitions confondues, dont pratiquement la moitié en Ligue Europa. Il faut dire que le défenseur était loin d’être un premier choix pour l’entraîneur tout juste arrivé d’Empoli. « Je l’ai vu jouer une mi-temps, il a l’air d’avoir des qualités physiques, mais je n’ai pas encore une impression claire. Je ne le connais pas tant que ça, mais si le Napoli l’a choisi… » avouera-t-il en conférence de presse. Une impression de déjà-vu pour le joueur qui, déjà lors de son passage à Tottenham entre 2013 et 2015, avait passé plus de temps sur le banc que les prés (27 apparitions en Premier League en deux saisons).
Mais alors, comment se fait-il qu’un joueur qui tourne à une moyenne de 12 matchs disputés en championnat par an soit le capitaine et le taulier de sa sélection nationale ? Peut-être parce que la Roumanie n’a actuellement rien de mieux à proposer à ce poste, mais aussi parce qu’au pays, Chiricheș a toujours été considéré comme un crack. Avant-centre à ses débuts, il est repositionné en défense centrale par son entraîneur chez les jeunes du LPS Bacau, Claudiu Moldovan. « J’ai tout de suite vu que techniquement, il était à l’aise, en revanche, devant le but… C’était une autre histoire, se remémore l’homonyme de Viorel. Un jour, nous jouions un tournoi de jeunes et on n’avait pas de défenseur, Vlad est venu dépanner et il n’a plus jamais quitté la défense. Il a une vision de jeu exceptionnelle, qui lui permet d’exceller à ce poste. »
Révélé en Roumanie
À 18 ans, il est ainsi repéré par Benfica. Il s’envole pour le Portugal, avec, déjà, la volonté de s’imposer en Europe.
Mais cela ne se passe pas vraiment comme prévu. « Vlad était l’un des meilleurs défenseurs du club à l’époque, mais il n’a pas réussi à s’imposer avec les jeunes, se rappelle David Simão, son coéquipier à Lisbonne. Je ne saurais pas expliquer pourquoi, il avait pourtant les qualités. Peut-être que c’était trop tôt pour lui. » Un an plus tard, il retourne donc en Roumanie, et fait ses débuts en première division roumaine en 2009, avec l’Internațional Curtea. Il n’a que 20 ans, et tous les observateurs du championnat roumain louent ses qualités. Il part au Pandurii Targu Jiu à l’été 2010, et obtient sa première cape en équipe de Roumanie le 10 août 2011, face à Saint-Marin. Il ne quittera plus jamais la Tricolorii et signe six mois plus tard au Steaua Bucarest. C’est là qu’il va véritablement exploser aux yeux de tous, notamment lors de cette campagne de Ligue Europa où il inscrit trois pions, dont un à Stamford Bridge face à Chelsea, en huitièmes de finale retour.
De Londres à Londres : il s’engage avec Tottenham pour 10 millions d’euros. Mais l’histoire débute sur de mauvaises bases, puisque dès l’arrivée du joueur, son agent affirme qu’il s’agit là d’un « beau tremplin pour rejoindre un grand club anglais » . Réponse de son coach, André Villas-Boas, dans le Mirror : « On se considère comme un grand club, nous ne sommes un tremplin pour personne. J’ai discuté avec le joueur et son agent, ses propos sont disproportionnés. » Disproportionnés… Comme la différence folle entre son rendement en club et en sélection. Remplaçant en club, pilier à 44 sélections avec la Roumanie. Et un rôle de capitaine qui aura pour but de mener ses troupes en huitièmes de finale de l’Euro, ce dimanche soir. Sous le regard attentif de toute la génération 94, sans nul doute.
Par Gad Messika, avec Éric Maggiori