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Le nouvel aigle de la Lazio
La Lazio accueillera la Roma avec le couteau entre les dents, et un dernier rempart inédit. Car Marchetti est toujours sur une jambe et devrait laisser sa place à Strakosha, comme il le fait depuis quelques matchs. Et le gardien italien a de quoi se faire du souci, puisque le jeune Albanais ne cache pas ses envies de jouer les premiers rôles.
Arsène Wenger aime les gardiens polonais. Pour expliquer les achats successifs de Łukasz Fabiański, puis de Wojciech Szczęsny, il s’était un jour fendu de cette tirade pleine de préjugés : « Je ne sais pas pourquoi ils sont si bons en Pologne, mais, habituellement, ces pays d’Europe de l’Est font beaucoup de gym à un jeune âge pour développer la flexibilité et la conscience de leur corps. Peut-être que, quand ils se mettent dans les buts, ils en tirent profit. » Ces dernières années, à la Lazio aussi on aime aller faire son shopping pour les gardiens du côté de l’Est, mais un peu plus au sud, en Albanie. Après le mandat honnête d’Etrit Berisha, rapidement bloqué par la montée en puissance de Marchetti, envoyé en prêt à Bergame cet été, la Lazio a jeté son dévolu sur une jeune promesse également venue du pays d’Alexandre le Grand, Thomas Strakosha. Un grand gaillard de vingt et un ans et 1m93, né à Athènes en Grèce, mais de nationalité albanaise, et abonné aux sélections jeunes depuis les U17. Strakosha y débute en 2012, l’année où il pose ses valises à Rome, et où il garde les bois des minots de la Lazio qui remportent le Campionato Nazionale Primavera de 2013. Une nouvelle recrue issue de la filière albanaise lancée par Igli Tare, ancien international albanais et attaquant de la Lazio devenu directeur sportif du club en 2009, et qui avait fait venir Lorik Cana en 2011. Car un club qui a un aigle pour écusson ne pouvait que s’entendre avec le pays qui en a un sur son drapeau. Et pour sa première saison en tant que membre de l’équipe première des Biancocelesti, c’est bien Strakosha qui devrait être titulaire lors du derby romain.
Marchetti, la promesse sans lendemain
Il faut dire que Marchetti enchaîne les tuiles. Régulièrement blessé depuis le début de la saison, il a encore fini au tapis il y a une dizaine de jours et la Lazio a annoncé le menu : lésion musculaire et repos. Pour combien de temps ? Mystère. Dommage, Marchetti sortait de son match référence cette saison, et s’était payé une grosse performance lors du nul un partout gratté par les Romains à Naples. Contre le Genoa puis Palerme, Strakosha avait assuré l’intérim comme un chef avec deux victoires à la clé, et la hiérarchie des gardiens de la Lazio pourrait bien finir chamboulée. Une grande partie du public laziale commence à le demander, une attitude symptomatique du ras-le-bol en train de s’abattre sur Marchetti. Car si Strakosha n’est encore qu’un espoir, Marchetti est pire que ça : un ex-espoir qui n’a jamais confirmé. Le genre de profil parfait pour agacer des supporters, surtout quand ils sont aussi tumultueux que ceux de la Lazio. Doublure de Buffon en 2009, titulaire en Coupe du monde en 2010 en profitant d’un Gigi blessé, la fusée Marchetti avait décollé proprement, et son arrivée à la Lazio en 2011 aurait dû être la suite logique de sa progression. Ancien lauréat du trophée de meilleur gardien de Serie A – en 2009, avec Cagliari –, Marchetti est devenu un portier banal à Rome. Le genre de goal dont on dit qu’il ne peut rien faire sur les buts qu’il encaisse, et dont on compte les fois où il a sauvé son équipe sur les doigts d’une main. Il a malgré tout survécu à tous les autres gardiens passés par la Lazio depuis son arrivée, et était encore le troisième larron des cages italiennes lors du dernier Euro.
Strakosha, la promesse qui sort de l’ombre
Mais depuis l’explosion de l’hallucinant Donnarumma et la confirmation du talent de Mattia Perrin, Marchetti comme Sirigu, symboles de cette génération de gardiens italiens plus si jeunes qui n’ont jamais pleinement confirmé leur potentiel, ont fini sur le siège éjectable de la Squadra azzurra. Et à Rome, Marchetti n’a jamais semblé aussi proche de sauter du onze de départ, et pas seulement quand il est blessé. Dans son dos, Strakosha n’a que vingt et un ans, et donc tout le temps devant lui. Mais il n’a pas envie d’attendre, et commence à le faire savoir. Habitué de la maison romaine où il a terminé sa formation, l’Albanais a connu le classique prêt en Serie B pour apprendre la vie la saison dernière, et en est revenu avec les dents longues. Pourtant, son passage à Salernitana n’avait pas toujours ressemblé à un arc-en-ciel, et il n’avait pas hésité à partager ses doutes : « La Serie B est une ligue difficile, avec plus de physique et moins de qualité. Mais cette année m’a stimulé. » Fils d’un ancien gardien de but qui entraîne aujourd’hui les U20 de l’Olympiakos, Strakosha est aux dernières nouvelles en pleine négociation pour prolonger son contrat avec la Lazio, le tout en jouant cartes sur table : « Le club est très satisfait de mes performances, et je veux continuer à jouer ici. Et j’espère que mes matchs en Serie A m’aideront à gagner ma place avec l’équipe d’Albanie. » Club, sélection, Strakosha veut cocher toutes les cases, et voit au moins aussi grand pour sa team que pour lui-même. Interrogé sur les grosses performances de la Lazio, il n’avait pas hésité à lâcher : « Si nous pensons à être champions ? Rêver ne fait jamais de mal. » Sauf quand les rêves de Strakosha deviennent les cauchemars de Marchetti.
Par Alexandre Doskov