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Le Nigeria, la boucle de la lose argentine
En 2008, la génération Messi remportait son titre olympique en finale contre le Nigeria. Une décennie plus tard, elle incarne les espoirs déçus d'un peuple qui, en cas d'élimination, accompagnerait avec fracas les trentenaires vers la retraite. Et comme un symbole, l'Albiceleste joue sa survie en Russie contre le Nigeria.
Nid d’oiseau de Pékin, 23 août 2008. Sous une chaleur étouffante, un jeune et chevelu numéro 15 continue de rouler sur les JO. Pour contrer le pied gauche du virevoltant Messi, le Nigeria met en place un dispositif spécial. À la 58e pourtant, le meilleur joueur du tournoi lance parfaitement Ángel Di María. D’un beau lob, le joueur de Benfica inscrit le seul but de la finale et offre une deuxième breloque en or à l’Albiceleste en deux olympiades. Après avoir explosé le Brésil en demi-finale, les hommes du champion du monde 1986 Sergio Batista exultent.
Aux côtés de Riquelme, venu encadrer la jeune star, Kun Agüero, Di María, Mascherano, Banega et Fazio, actuellement en Russie, sont déjà là. Lavezzi, Gago, Zabaleta ou Romero auraient aussi pu être du voyage. Pour la Pulga et ses potes, c’est déjà le deuxième titre international après la victoire obtenue trois ans plus tôt aux championnats du monde U20, toujours contre le Nigeria. La presse et les hinchas argentins en sont convaincus, une génération dorée prête à régner sur le football mondial est née. Les espoirs placés en elle sont énormes. Dix ans plus tard, à l’heure de rencontrer à nouveau les Super Eagles dans une « finale » pour ne pas gicler de la Coupe du monde, l’amertume l’est tout autant.
« Une dette envers nous-mêmes »
L’armoire à trophées de l’Albiceleste ne s’est plus remplie depuis 1993. Malgré trois finales consécutives – les Copa América 2015, 2016 et le dernier Mondial –, l’Olympiade reste le seul titre de l’exceptionnelle « génération des perdants » . Une frustration renforcée à Buenos Aires par les dizaines de coupes et distinctions soulevées par les désormais trentenaires de l’autre côté de l’Atlantique, depuis dix ans. Si Mascherano est bien devenu le joueur le plus capé et Leo Messi le meilleur buteur de l’Argentine, l’histoire s’attarde déjà sur leurs rendez-vous manqués avec la gloire. Depuis 2008, ils n’ont jamais réussi à jouer avec la même confiance sous l’écrasant maillot ciel et blanc. Le quintuple Ballon d’or himself l’a reconnu avant le Mondial : « Nous avons une dette envers nous-mêmes. » Sa volonté ? La solder pendant la campagne russe. Après deux matchs, Leo est encore loin du résultat.
Huit entraîneurs et une pression
À Bronnitsky, les aventures d’une Albiceleste au bord de l’explosion font ressortir l’ensemble des symptômes qui pourrissent la vie de Messi and co depuis dix ans. Le football argentin est malade et le manque de sérieux d’une Fédération en crise permanente l’incarne. La « malédiction de l’une des meilleures générations du football argentin est de n’avoir jamais eu d’institutions à sa hauteur » , pointait déjà Veronika Brunati il y a deux ans. Pour la journaliste argentine, les dirigeants de l’Afa font passer leurs intérêts avant ceux de sa Selección. Difficile de lui donner tort au vu des discours de l’actuel président Claudio Tapia. Depuis 2008, la Fédération a rincé sept sélectionneurs – Pékerman, Basile, Maradona, Batista, Sabella, Martino – compétents, mais aux styles très différents. Sans projet de jeu défini, ils n’ont pas réussi à faire gagner une équipe qui regorge de talents. Le sauveur tant attendu, Jorge Sampaoli, double vainqueur de la Copa América avec le Chili, s’enfonce lui aussi dans ce marasme. En Argentine plus qu’ailleurs, la pression sur les footballeurs est énorme. Les attentes d’un peuple passionné, impatient et intransigeant créent un climat pesant, voire paralysant autour de l’Albiceleste. Ce n’est pas l’ex-retraité Lionel Messi qui le contredira.
C’est dans ce contexte peu réjouissant que se dresse l’adversaire préféré de l’Argentine : le Nigeria. Battus quatre fois lors des précédents Mondiaux, les Super Eagles incarnent l’ultime chance de poursuivre le rêve planétaire pour la génération olympique. Une couleur de l’espoir qui a toujours réussi à Messi. En 2014, c’est contre eux qu’il avait inscrit un doublé et réalisé son meilleur match. Ce mardi, toujours avec Di María, il luttera pour ne pas vivre son dernier sous le maillot ciel et blanc.
Par Ken Fernandez