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Le Napoli selon Ancelotti
Comment transformer en six mois une équipe façonnée ces trois dernières saisons par les intransigeants commandements tactiques de Maurizio Sarri ? Réponse : en donnant les clés de la boutique à Carlo Ancelotti. Ou comment renouveler habilement la façade de la maison napolitaine, tout en préservant ses fondations.
Maurizio Sarri est un type qui avait des lubies bien à lui. Les paquets de clopes. Son 4-3-3 indéfectible. Ses joggings un peu dégueulasses. Ses conférences de presse, où il se plaisait à affirmer que son Napoli et lui étaient « de beaux casse-couilles. » Finalement, l’ancien banquier est parti casser des noix du côté de Chelsea, et c’est donc Carlo Ancelotti qui a hérité de son bébé. Un vrai défi, alors que, de 2015 à 2018, le Napoli était devenu le reflet concret des idées footballistiques de son entraîneur. Pas fou, Ancelotti a donc choisi de ne pas renverser la table à son arrivée en Campanie. Mais plutôt de changer subtilement la déco, histoire de dépoussiérer quelques vieilles habitudes.
L’héritage de Sarri, la touche d’Ancelotti
L’ancien du Milan a d’abord changé le plan de table. Exit la ligne de trois attaquants si chère à Sarri, place à un audacieux 4-4-2 à plat. La raison du changement ? Pour Don Carlo, ce système semble plus adapté au profil des joueurs à sa disposition. Notamment à celui de Lorenzo Insigne : « Je suis convaincu qu’il sera plus efficace dans cette position. » Difficile de lui donner tort, à l’heure de tirer un premier bilan : l’Italien, aligné dans un rôle de neuf et demi, remet au goût du jour le poste de fantasista si cher à la Serie A des années 1990 et explose ses plafonds statistiques (13 matchs de championnat et de C1, neuf buts).
Autre changement majeur : la rotation au poste de numéro neuf, où Ancelotti fait jouer la concurrence entre Dries Mertens – intouchable en pointe sous Sarri – et Arkadiusz Milik. Ce qui rend de facto les Azzurri moins lisibles tactiquement, les Partenopei pouvant alterner entre la vitesse et les combinaisons dans les petits espaces garanties par le profil du Belge et le jeu en pivot, la présence dans la surface et la qualité de finition du Polonais. « Milik ? Je ne dis pas qu’il ressemble à Shevchenko, mais ce que j’apprécie chez lui, c’est qu’il partage avec Andriy cette présence impressionnante dans la surface de réparation, assénait Ancelotti à la mi-août. Je pense qu’Arek marquera beaucoup de buts cette saison. »
Bilan : les deux pointes napolitaines se partagent la part du gâteau, avec chacune six titularisations en championnat. Et si l’ADN du « Sarrismo » reste partie intégrante du jeu napolitain, Ancelotti a su intégrer quelques mises à jour au logiciel azzurro. Son objectif avoué en début de saison ? Accélérer la vitesse du jeu produit par ses poulains, en diminuant l’importance allouée à la possession de balle : « Le premier aspect sur lequel je voulais travailler ici à Naples, c’est de ne pas défaire tout ce que l’équipe a fait de bon ces dernières saisons… Mais nous allons essayer de développer quelques nuances dans le jeu, notamment en tentant de jouer plus vertical, plus direct. Je ne sais pas combien de temps ça prendra, espérons que ce soit rapide. » Pari gagné : six mois plus tard, Naples ne tient la gonfle que 53% du temps en Serie A, contre plus de 60% lors de la dernière saison de Sarri au pied du Vésuve.
Tournez ménage
De quoi faire du Napoli une équipe plus compétitive ? Pas sûr. En 2017-2018, le Naples de Sarri comptait six points de plus en championnat que celui de Carletto au même stade de la saison. Mais n’avait pas réussi à se dépêtrer d’un groupe de C1 abordable, en terminant loin derrière le Shakhtar Donetsk, qui avait fini second d’une poule dominée par Manchester City. Ancelotti, lui, a pour l’instant bien mieux mené sa barque en Europe, alors que ses protégés ont flingué Liverpool au San Paolo avant de dominer nettement le PSG au Parc des princes. La clé du succès ? Peut-être le turnover intense mis en place par Don Carlo, qui constitue un vrai bouleversement au sein du club partenopeo. Sarri privilégiait en effet un onze type quasi immuable, une stratégie que certains observateurs locaux accusaient de lessiver les organismes, alors que les Azzurri avaient souvent eu du mal à jongler entre la Serie A et les coupes européennes. Ancelotti, lui, a souvent souligné l’homogénéité de son collectif et a déjà utilisé 21 joueurs depuis le début de la saison. « Je pratique le turnover parce qu’il y a beaucoup de joueurs qui méritent de débuter, au regard de leur implication à l’entraînement et de leur contribution en match » , soulignait-il récemment.
Seconds rôles attitrés sous Sarri, Amadou Diawara, Nikola Maksimović ou encore Marko Rog affichent ainsi déjà respectivement quatre, trois et quatre titularisations en Serie A. Idem pour les nouveaux venus, Fabian Ruiz, Simone Verdi et Kévin Malcuit, qui ont débuté sur le pré en championnat à plusieurs reprises cette saison. Même le poste de gardien, où Orestis Karnezis et David Ospina se partagent le temps de jeu dans les bois, n’échappe pas au phénomène. Un parti pris audacieux, qui achève de convaincre de la révolution de velours qu’Ancelotti est en train de mener au Napoli. Reste encore au Mister à prouver que, comme Maurizio Sarri en son temps, lui aussi peut faire à sa façon du Napoli une équipe de « casse-couilles » . Peut-être en achevant de briser celles d’un PSG qui n’aura définitivement plus le droit à l’erreur ce mardi, au San Paolo.
Par Adrien Candau
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