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Le Mou des grands rendez-vous
Ce n’est pas un scoop : quand elles affrontent des gros bras, les équipes de José Mourinho abordent la partie de manière avant tout défensive, en laissant les initiatives et le ballon à l’adversaire. Le Portugais, hyper calculateur, n’impose cependant pas cette stratégie par provocation ou fainéantise, mais simplement parce qu’il la considère comme le meilleur moyen de gagner.
On a beau s’y préparer, être conscient du spectacle qui va s’afficher devant nos yeux, se dire et se répéter qu’il ne faut rien en attendre, la frustration s’invite toujours au bout de la pupille. Au fil des minutes, la déception s’ajoute à l’ennui et chacun quitte l’écran sur une désolation supplémentaire. Cela a été le cas lors du huitième de finale aller de Ligue des champions à Séville (0-0), comme cela avait été le cas à Liverpool (0-0) le 14 octobre 2017. Après le match nul en Espagne, qui laisse néanmoins de grandes probabilités de qualification en quarts de finale de C1, Ian Wright se désolait d’observer un tel Manchester United, qui aurait l’obligation de « faire beaucoup mieux » selon l’ancien attaquant reconverti consultant, et qui imagine que chaque fan des Red Devils est sorti « dégoûté » de la partie proposée.
Il faut dire que ce n’est pas la première fois que José Mourinho, puisque c’est de lui dont il s’agit, désole les supporters de l’équipe qu’il coache en raison de sa frilosité offensive. Mais pourquoi attend-on aujourd’hui beaucoup du Portugais ? Parce qu’on ne retient que ses exploits passés ? Sûrement. Parce que ses adversaires, à une époque antérieure, ne lisait pas encore ses intentions ? Peut-être. Parce qu’il proposait autre chose ? Pas vraiment. Car en réalité, le Special One a toujours préparé ses duels de titans de la même façon : en les abordant d’un point de vue strictement tactique et largement défensif. Il n’y a rien de bien nouveau là-dedans, et s’en étonner actuellement équivaut à simuler les symptômes d’Alzheimer.
Les sept péchés capitaux
Beaucoup ont déjà dit que Mourinho travaillait ses gros rendez-vous pour ne pas les perdre. D’autres proposent une autre vision de la réalité, où la tactique de JM viserait à être chiante uniquement pour atteindre la gagne. Dans son ouvrage intitulé The Special One : The Dark Side of José Mourinho, le journaliste Diego Torres décrit en effet un plan détaillé, même mathématique, de l’approche de l’entraîneur, qui préfère avant tout faire déjouer l’adversaire plutôt que réclamer des initiatives à ses hommes. Sept étapes structurent ainsi la réflexion de base du Mou. Lequel considère d’abord que « le match est remporté par l’équipe qui commet le moins d’erreurs » . Puis que « le football favorise celui qui provoque le plus d’erreurs dans la moitié adverse » . La suite logique ? « À l’extérieur, au lieu d’essayer d’être supérieur à l’adversaire, mieux vaut encourager ses erreurs. »
Toujours selon le pragmatisme apparent du technicien, « celui qui a le ballon a le plus de chance de faire une erreur » et, à l’inverse, « celui qui renonce à la possession réduit la possibilité de faire une erreur » . Sans oublier que « celui qui a le ballon a peur » , et donc que « celui qui ne l’a pas est ainsi plus fort » . Autrement dit, l’ancien coach de Porto ou Chelsea penche clairement pour une approche fondée sur l’erreur de l’autre plutôt que sur la décision d’imposer son jeu. Raison pour laquelle les teamsde José laissent allègrement la possession à l’ennemi quand un gros calibre se présente, tout en attendant une faute de sa part. Tout l’inverse de Pep Guardiola, qui estime comme Johan Cruyff que posséder la balle réduit drastiquement la probabilité de défaite. Un Cruyff également capable de déclarer que « le football est un jeu comportant des erreurs » et que « c’est celui qui en fait le moins qui gagne » .
Tactique (presque) validée par Klopp
Toujours est-il que la méthode Mourinho, si elle prend du plomb dans l’aile saison après saison d’après certains, n’a jamais vraiment échoué sur la durée, et n’a pas encore dit son dernier mot. Au moins si l’on considère que le football est davantage une histoire de résultats que de divertissements. Très rares sont en effet les raclées reçues par l’ex de l’Inter. Mieux : le Mou gagne souvent de la sorte. C’est ce qui s’est dernièrement passé contre Chelsea (2-1), contre Tottenham fin octobre, ou même à Arsenal début décembre avec la grande aide de David de Gea (1-3). Le plan a en revanche été secoué à Chelsea début novembre (1-0), contre Manchester City en décembre (1-2) et à Tottenham fin janvier (2-0).
Dès lors, qu’en penser ? Que la tactique du Lusitanien, connu de tous, est en train de vivre ses derniers instants de gloire ? Pas sûr, puisque des confrères comme Jürgen Klopp (qu’il affronte ce samedi) s’en méfient toujours en lui donnant publiquement raison. « Les gens disent qu’ils jouent un type de football spécifique et que nous jouons un type particulier de football. Tout le monde en fait des tonnes à ce sujet, mais il s’agit tout simplement de gagner, a ainsi envoyé le boss de Liverpool en conférence de presse. Il y a différentes façons de gagner des matchs de football. Cette équipe de Manchester United a une façon spécifique de jouer au football, voilà tout. Si nous devons défendre là-bas, alors nous devons défendre, avec tout ce que nous avons.(…)Si quelqu’un dit que nous allons garer le bus, alors nous garerons le bus. » Parce que l’important reste les trois points, pas vrai ?
Par Florian Cadu, avec Maxime Brigand