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Le Mondial tous les deux ans, n’y pensez plus Arsène Wenger
Pour que les trêves internationales ne plongent plus le monde entier dans une assommante léthargie footballistique, Arsène Wenger a la solution : organiser la Coupe du monde tous les deux ans. Sauf qu'à l'image d'Andrea Agnelli et de sa Superligue, le directeur du développement du football mondial de la FIFA ne fait que proposer de fausses solutions à un vrai problème.
Il paraît qu’Arsène Wenger est homme de peu de mots. C’est en tout cas ce que laissaient figurer ses interventions, quand le bonhomme officiait encore comme consultant sur TF1. Les sempiternels « qu’en pensez-vous Arsène » de Christian Jeanpierre étaient alors souvent suivis d’un silence religieux, puis d’une réponse exemplaire de concision. Dans L’Équipe de ce 3 septembre, celui qui est devenu directeur du développement du football mondial de la FIFA en 2019 ne s’est pourtant pas contenté de lâcher un simple « Oui. » Il a plutôt exposé dans les grandes largeurs sa vision d’un football de demain. Un football où la Coupe du monde pourrait se disputer tous les deux ans.
Des qualifs à la place des qualifs
Reconnaissons à l’ancien gourou d’Arsenal de faire un constat semble-t-il plutôt juste du football international, du moins quand celui-ci est empêtré dans ses phases qualificatives. « Aujourd’hui, pour l’Euro, il y a 24 qualifiés pour 55 pays, soit près de 50 %, et, alors que les matchs amicaux sont de moins en moins importants aux yeux du public, les matchs qualificatifs eux-mêmes suscitent moins d’engouement qu’il y a quinze ou vingt ans. » Difficile de prétendre le contraire. Ce que semble omettre Wenger, c’est que que l’UEFA et la FIFA ont successivement milité pour un Euro à 24 en 2021 et une Coupe du monde à 48 en 2026. En d’autres termes, les institutions ont-elles même participé à une dévalorisation des phases qualificatives : il est de facto de plus en plus simple, et donc plus ennuyeux, de se qualifier pour un grand tournoi. La difficulté, après tout, engendre de l’intérêt. Pour remédier à ce mal, Wenger imagine donc un calendrier entrecoupé de deux longues trêves internationales, en octobre et au printemps, pour laisser les joueurs à disposition des clubs toute la saison, avant une compétition majeure chaque été (Euro ou Coupe du monde).
The simple life
Une réforme qu’il imagine applicable après le Mondial 2028 et qu’il aimerait idéalement faire voter avant décembre prochain. « Ce serait une période complètement dédiée à la qualification et aux équipes nationales, et cela créerait une tension qui n’existe pas vraiment aujourd’hui. Je crois que c’est une idée intéressante. » Conceptuellement, tout n’est sans doute pas à jeter dans ce format de qualification plus resserré, événementiel et donc valorisant pour les sélections. Mais pourquoi vouloir absolument coupler l’initiative avec l’organisation d’une Coupe du monde tous les deux ans ? Wenger se contente vaguement d’expliquer que « l’idée est vraiment l’amélioration de la qualité du jeu et des compétitions… Ce que veulent les gens, aujourd’hui, ce sont des compétitions à fort enjeu, simples à comprendre. » Un propos évidemment désamorcé par le scandale qu’avait provoqué l’initiative de la Superligue. Une compétition pourtant hyper qualitative, « à fort enjeu et simple à comprendre » pour paraphraser le Strasbourgeois. Problème : comme Andrea Agnelli, Arsène Wenger semble s’être fait une certaine idée du public. Une audience qui a pourtant déjà montré que son rapport au sport-roi n’était peut-être pas aussi primaire que le pensent certains pontes du ballon rond.
De la nécessité de l’ennui
La chose, pourtant, est d’une simplicité élémentaire. Ce qui est rare est précieux. Banaliser l’extraordinaire, comme l’organisation d’une Coupe du monde, c’est le dévaloriser. La biologie humaine est ainsi faite : à trop s’injecter des doses de dopamine, on finit par devenir insensible. Les opposants à la Superligue l’ont bien compris : en football comme ailleurs, il ne faut jamais sous-estimer le charme de la trivialité. La nécessité de l’ennui. C’est parce qu’on baille à 84e minute d’un France-Bosnie qu’on sera d’autant plus enclin à s’enflammer devant un Italie-Allemagne en finale de Mondial. Le sensationnel se nourrit toujours de la banalité, qu’on peut lui opposer dans une comparaison jouissive. Arsène Wenger est trop malin pour ne pas le savoir. Tout cela, finalement, ne ressemble qu’à une histoire d’argent ou de jeux de pouvoir. La FIFA, dont les budgets sont généralement établis sur quatre ans, engendre 80 à 90% de ses revenus grâce à la seule organisation des Coupes du monde. Plus d’épreuves, c’est évidemment plus de recettes pour la fédération internationale. Arsène Wenger, lui, avance qu’il a toujours été plus heureux de se lever quand il savait qu’il verrait un beau match le soir. Mais un grand match, c’est d’abord l’aboutissement d’un long voyage, le plaisir enfin assouvi d’un désir aiguisé par l’attente. Une attente dont la résolution n’est jamais aussi jouissive que quand elle dure quatre ans.
Par Adrien Candau