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Le mirage omnisports ?

Par Nicolas Kssis-Martov
Le mirage omnisports ?

Les ambitions dorées du PSG Handball, relancé en grandes pompes (à essence), semblent ouvrir une nouvelle ère pour cette discipline qui ne suscitait, pour l'instant, d'intérêt – médiatique s'entend - qu'au niveau de l'équipe de France. Ce volet du projet qatari rappelle également que les clubs de foot sont parfois enserrés ou porteurs d'associations ou de structures omnisports. Et si l’histoire a fini par lui accorder le premier rôle, le ballon rond n’y tint longtemps que la fonction de fils indigne. Après des décennies de règne sans partage et de cavalier seul, le foot va-t-il donc devoir renouer avec l'esprit de famille olympique ? Avec beIN Sport en conseiller parental ?

L’histoire du football en France est celle d’une longue et lente course en solitaire… et en tête. La démonstration parfaite que, dans le pays de Jules Rimet et Raymond Poulidor, on ne regarde que les vainqueurs bien qu’on aime que les perdants. Il fut de fait difficile pour ce sport de se dégager une place et un nom dans la patrie de Coubertin, pas franchement amoureux de ce jeu sans les mains et qui ne jurait que par l’esprit olympique et son univers multisports. Le football néanmoins devint le sport roi. Beaucoup ne le lui pardonnèrent jamais. En retour, il passa son temps à se construire un petit monde bien lui, au chaud, à l’abri de l’aristocratie régionaliste du rugby ou des profs d’EPS du hand. Et dans l’Hexagone, où persiste l’idée que la beauté du sport, se condense dans son altruisme amateur, on lui laissera ainsi dédaigneusement vivre dans le péché son statut professionnel. Seul le cyclisme, encensé par quelques écrivains, eût droit à l’indulgence accordée aux forçats de la route, pendant que la boxe exhalait le soufre des bas-fonds et des malfrats ; ce genre de mythologie sombre qui rend digne d’éloges. Rien, malheureusement, d’aussi glorieux autour du rectangle vert.

Les premiers clubs à se former à Paris (le Racing Club de France en 1882, le Stade Français en 1883, etc. ) sont d’inspiration anglophile, résolument bourgeois, élitistes par conviction et multisports en toute saison. Le foot ne constitue pas vraiment leur valeur refuge et les jeunes sportmen des beaux quartiers, souvent étudiants ou lycéens, lui préfèrent la course à pied et rapidement le rugby, abandonnant « l’association » (puisqu’à l’époque, l’ovale se désigne encore aussi football) aux passions vulgaires de la plèbe. « Le football faisait un peu figure de cendrillon » , raconte en 1905 Raoul Fabens dans les sports pour tous, « […]les associations scolaires, c’est-à-dire la bourgeoisie, y répugnent durant dix années, le rugby seul paraît noble, captivant. » Toutefois « […]l’Association a fini par vaincre l’indifférence française. » Et même quand, plus tard, leurs sections foot occuperont les premiers rôles parmi le championnat national d’une discipline devenue la plus populaire du pays, elles resteront à jamais le cadet des soucis du président et de son conseil d’administration , voire parfois le cas de conscience de ces belles institutions de la cooptation sociale – le Stade français ne digéra jamais vraiment le passage au professionnalisme malgré une place en première jusqu’en 1967, et, aujourd’hui, il évolue en 4e divison de district après un quasi arrêt de mort.

Le foot au-dessus du lot commun

Rappelons au passage que l’Olympique de Marseille fut aussi un club omnisports (demeure encore la section athlétisme) et qu’il céda bien avant le PSG à la tentation du hand moral, par la grâce d’un collaboration « financière » et consanguine (entre les deux frères Tapie ) avec Vitrolles. Quoi qu’il en soit, le foot s’est élevé au-dessus du lot commun des autres disciplines qui ne cessèrent pourtant de le contempler comme un va-nu-pieds vaguement arriviste dont le succès et la popularité s’avérait pour le moins immérités, ou tout du moins surévalués, ce qui laissa planer un profond ressentiment dans les couloirs du CNOSF, où les élus des autres fédés comprenaient très bien à quel point les footeux se moquaient totalement en retour de ce qui se passait en dehors de leur univers (et d’où la rage vengeresse et paternaliste qui se déverse dès que le foot trébuche).

Le divorce se révèle donc définitif depuis belle lurette. Les défenseurs du ballon rond furent les premiers à casser le carcan de l’USFSA au début du siècle dernier, grande maison commune du sport français voulue par le baron sur le socle du fair-play et de l’amateurisme (et sans femmes), et à se libérer des lignes de fractures religieuses (de nombreux cathos quittèrent le confort des patrons de la FSGPF , comme Charles simon la Fédération cléricale pour partir fonder dès avant la Première Guerre mondiale une structure autonome, le CFI). En 1919 naissait la FFFA, ancêtre de la FFF. Il faudra ensuite patienter jusqu’en 1932 pour que les grands patrons de l’automobile arrivent enfin à imposer le professionnalisme face à la vielle garde nostalgique de l’éthique d’antan. La conséquence fut la multiplication de clubs axés exclusivement sur le foot, même si par la suite les grosses boutiques municipales (CSM, USM, etc..) des banlieues rouges ou non gardaient jalousement leur dimension omnisports (bien que la section foot se révèlent fréquemment un État dans l’État).

Redorer le blason ou remplir les caisses ?

Or, aujourd’hui, comme tout le monde le répète à l’envie, le foot tricolore traverse une petite crise de croissance après des décennies de lente, mais irrésistible hégémonie dans la petite lucarne (malgré les efforts de Stade 2) et dans le cœur de nos compatriotes. Son capital sympathie s’est un peu amenuisé depuis Knyssa, et le comportement de ses joueurs, qui surtout ne gagnent rien, lui colle une sale réputation. « En retour, explique Boris Helleu, professeur assistant à l’université de Caen, de nombreuses petites villes ont commencé à infléchir leur stratégie de marketing territorial par le sport. Elles se sont petit à petit positionnées sur des sports collectifs mineurs, comme Tarbes avec le basket féminin, ou même des événements exceptionnels plus faciles à gérer en régie directe comme le triathlon à Embrun. En gros, elles ne misent plus sur le foot, dont le ticket d’entrée est cher et très aléatoire. »

Seul hic, malgré sa vulgarité sociale, son peu d’aura et surtout d’utilité politique (comme en 1998), par un de ses mystères qui se dénomme la pesanteur culturelle, il reste malgré tout le plus regardé, donc le plus gros vecteur économique (ce qui ne signifie pas rentable), bref celui qui truste le gros de l’attention médiatique et des revenus affairants. Certes, ce petit passage à vide libère un peu d’espace et semble réveiller les ambitions des autres FF, qui peuvent s’enorgueillir de remonter un peu le moral des Français plutôt que de le plomber. Le choix du PSG semble presque leur donner raison de croire au père Noël. Car tous ces petits sports qui se sont pour certains lancés dans l’aventure du professionnalisme (plus ou moins semi ou honteux, largement subventionné par l’État, puisque les clubs de hand dépendent pour moitié et ceux de volley aux deux tiers des aides publiques) espèrent, en gros, juste suivre, sans se l’avouer, le chemin du foot, économique et populaire, priant pour que, par miracle, la France se transforme en USA bis, un pays où plusieurs sports pro peuvent cohabiter dans l’engouement et la richesse. C’est tout le paradoxe de cette manœuvre de la diversification. Les investisseurs veulent utiliser les méthodes éprouvées dans le foot pour garantir aux consommateurs la qualité du produit qu’ils vendent, quitte à jouer sur un nom qui tire sa gloire du ballon rond, tout en mobilisant l’identité « préservée » des « autres équipes » ou « sportifs » portant les couleurs de la marque. À ce jeu de dupes, on se demande qui trompe le plus son monde et le public.

Les belles médailles exemplaires

Seulement, chez nous, le foot, le vélo (complémentarité temporelle) et le rugby ( particularisme régionaliste si sympathique) ne laissent guère de place aux autres. Il est pour le moins prétentieux de prétendre bousculer de la sorte les strates profondes héritées de l’histoire sportive d’un pays. Dès les années vingt, les sports dominants étaient déjà bien installés, comme l’explique le personnage central du Journal d’un curé de campagne de Georges Bernanos : « Nos jeunes gens se passionnent pour le football, la boxe ou le Tour de France. Vais-je leur refuser le plaisir d’en discuter avec moi ? » Inverser une telle situation dominante prendra un peu plus de temps que de formuler de belles intentions sur France télévision. Les Français aiment peut-être inscrire en judo leurs gamins à l’école des sports de leur mairie et s’extasier devant les belles médailles si exemplaires de nos athlètes aux JO. Mais question télé et gradins, le ballon rond garde désespérément la cote. Pour remplir les stades et les pages sportives sur la durée d’une saison, il faudra sûrement encore travailler un peu le « corps social » , surtout si, comme à Paris, on commence par interdire aux ultras du foot de venir soutenir les handballeurs.

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Par Nicolas Kssis-Martov

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