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Le Messi d’or de Boca Juniors
Il a dix-huit ans, une gueule d’innocent, et un nom très lourd à porter. Alexis Messidoro est la dernière pépite de l’académie de Boca Juniors. Portrait.
C’est une tradition du football argentin. Chaque jeune promu dans le groupe professionnel est bizuté. Pas de chanson ou de danse sur une table au pays de Maradona, mais une coiffure ridicule que le joueur doit arborer pendant une journée. Alexis Messidoro, milieu de terrain de 18 ans de Boca Juniors, a découvert le monde professionnel lors de la dernière pré-saison. Il a logiquement eu le droit au coup de tondeuse. Rodolfo Arruabarrena, qui a quitté le club depuis, lui offre une titularisation lors d’un match amical contre Emelec. Le gamin, crâne rasé après le rite d’initiation, passe presque inaperçu. Mais sur une passe de Carlos Tévez, le numéro 28 marque son premier but avec les professionnels. Il fête son but dans les bras de Nahuel Molina, autre gamin de l’académie, et autre crâne lisse de l’équipe. Les présentations sont faites. Alexis Nahuel Messidoro, né en 1997, vient d’entrer dans le monde des grands. Celui où il partage son quotidien avec l’Apache ou Fernando Gago, celui qu’il rêvait tant de découvrir depuis une détection qui n’a duré que cinq petites minutes.
Repéré à 15 ans, en cinq minutes
20 mars 2010. Comme souvent, Boca Juniors organise des détections dans la province de Buenos Aires. Diego Mazzilli, scout des Xeneizes, dirige l’opération. Plus de deux cents jeunes des années 1997, 98 et 99 sont conviés sur les terrains du club América de José C. Paz. Trois matchs de 25 minutes sont organisés, selon l’âge des joueurs. Jorge Raffo, qui dirige les catégories de jeunes de Boca, raconte : « Il y a tellement de joueurs dans ces détections que c’est parfois difficile de les cerner, tu peux passer à côté de grands talents. Alexis est entré, et la magie a opéré. Au bout de cinq minutes, Diego Mazzilli, qui organisait les détections, a dit au gamin d’arrêter de jouer. » La suite, Alexis Messidoro la raconte dans une interview pour Mundo Xeneize Radio : « J’étais vraiment énervé. Non seulement parce que je pensais que j’avais mal joué et que c’était fini pour moi, mais aussi parce que j’avais joué seulement cinq minutes. » Mais les intentions de Mazzilli sont totalement différentes. Jorge dit « Coqui » Raffo raconte cet épisode : « En fait, Diego n’a eu besoin que de cinq petites minutes pour se rendre compte des qualités du gamin. Il le met à l’écart et lui demande son nom. Quand il lui a répondu « Messidoro », Diego pensait que c’était une blague. Finalement, il lui a dit de revenir quelques jours plus tard à Buenos Aires, pour intégrer l’académie de Boca. » À l’époque, Messidoro brille sous le maillot d’Almagro, club dont l’équipe première évolue en Nacional B (deuxième division argentine, ndlr). « Les négociations ont été faciles, le club n’a pas demandé d’argent. Ils ont juste un pourcentage en cas de revente du joueur » , souligne Raffo. Sa formation sous le maillot jaune et bleu peut débuter. Chez les jeunes, il forme un duo létal avec Guido Vadalá, jeune buteur qui a rejoint la Juventus dans le cadre du transfert de Carlos Tévez.
Le futur de Boca
Dernièrement, Boca a pris la fâcheuse habitude de perdre ses pépites. Leo Suárez et Nahuel Cisneros ont rejoint Villarreal sans avoir porté officiellement le maillot du club. Le club a aussi offert la priorité sur les droits de trois joueurs prometteurs à la Juve (Bentancur, Cristaldo et Cubas). Le club a donc pris les précautions pour que le gamin au nom proche de celui de la Pulga foule un jour la pelouse de la Bombonera. Six ans après cette courte détection, il fait donc ses débuts contre Emelec. Avec la réussite que l’on connaît. Ce soir-là, il embrasse le tatouage de l’écusson du Club Social y Deportivo Lourdes, où il jouait quand il était gosse, et lève les mains au ciel. Après la rencontre, il raconte que ce but est dédié à son jeune frère décédé. « Au sein du club, on n’a jamais voulu revenir avec lui sur cet épisode. On considère que s’il a besoin d’en parler, de revenir sur cette situation traumatique qu’il a vécue, il le fera. Mais on n’en a jamais parlé avec lui » , avance Jorge Raffo.
Mais quel joueur est vraiment Messidoro ? Celui qui gère les catégories de jeunes de Boca peint son portrait : « C’est un meneur de jeu, avec une énorme vision de jeu. Mais il peut jouer devant aussi. Il est vraiment meilleur au cœur du jeu, en un contre un, à l’entrée et dans la surface. Comme beaucoup de jeunes joueurs argentins, il aime toucher le ballon, le faire vivre. » Le gamin, lui, n’hésite pas à se comparer au maître en la matière, toujours sur Mundo Xeneize Radio : « J’aime faire jouer l’équipe, et il me manque de la vitesse pour ce poste. Je dois énormément travailler mes changements de rythme. Il y a un seul Riquelme, mais si je dois me décrire, je lui ressemble. Pour être aussi bon que lui, je dois travailler ma frappe aussi. » À peine majeur, Guillermo Barros Schelotto, l’entraîneur de Boca, l’aligne pour son premier match officiel, le 16 avril dernier. « Pour ses débuts avec les professionnels, contre Aldosivi (victoire 4-1 de Boca Juniors, ndlr), il a marqué sur un ballon qui traînait dans la surface. Parfois, il a la lucidité d’un attaquant » , ajoute Jorge Raffo. Le formateur souligne la belle période traversée par la pépite de l’académie : « Ces quatorze derniers mois, Boca a fait débuter seize joueurs de moins de vingt ans avec les pros, comme Cubas, Cristaldo, Bentancur et Messidoro. On travaille énormément la formation et je ne pense pas que ce soit trop tôt pour qu’il intègre le groupe professionnel. Il a eu une très bonne formation, et c’est le moment idéal pour qu’il s’impose petit à petit avec les A. » Avant de nuancer : « La seule inquiétude qu’on peut avoir, c’est de réussir sur le long terme. Forcément, il est sur un petit nuage. Et il doit travailler pour grandir, physiquement et mentalement. »
Jorge Raffo conclut par une anecdote sur le joueur le plus prometteur de Boca : « Comme son nom est long, on l’appelait Messi quand il jouait avec les jeunes. Parfois, les adversaires pensaient qu’il était de la famille de Leo Messi. C’est simple, je pense qu’il a un nom qui peut le servir, comme lui porter préjudice. À lui de voir. »
Par Ruben Curiel, à Buenos Aires
Propos de Jorge Raffo recueillis par RC.