- Il faut que cela cesse
- Épisode 16
Le mec qui fait bravo tout le temps
Ce sont des gestes ou des attitudes qui énervent. Qui sont insupportables. Qui rendent dingue tout supporter au stade ou devant sa télé. Et franchement, comme dirait Edouard Balladur, « je vous demande de vous arrêter ». Focus aujourd'hui sur ces joueurs qui applaudissent sans arrêt les passes totalement manquées de leurs coéquipiers.
D’où cela vient ?
De l’éducation. Dès notre plus jeune âge, nos parents nous apprennent à dire « bonjour » , « s’il te plaît » et « merci » lorsque quelqu’un nous donne quelque chose. Bien éduqués, les footballeurs ont bien retenu la leçon de politesse et remercient alors leurs coéquipiers qui tentent de leur passer le ballon. Que la transmission soit réussie ou non. En cas de passe décisive, on comprend aisément que l’attaquant applaudisse son coéquipier pour son offrande, mais lorsque le ballon arrive à vingt mètres de lui, pourquoi féliciter son coéquipier aux pieds carrés ? Si l’intention de vouloir l’encourager est bonne, ce geste d’applaudissement ou ce pouce levé en l’air est insupportable pour les yeux.
Pourquoi c’est insupportable
Être attaquant n’est pas chose facile. Durant 90 minutes, le numéro 9 est collé par deux gaillards aux coudes écartés. Alors, lorsqu’il arrive enfin à sortir de ce marquage à la culotte pour toucher son troisième ballon de la rencontre, et que son pote lui envoie un parpaing en profondeur qui termine en six-mètres, il y a de quoi enrager. Mais non, on lui demande de ne pas engueuler son partenaire, mais de l’applaudir pour son intention de passe. Alors l’attaquant s’exécute pour ne pas froisser ce fameux « esprit d’équipe » et applaudit son coéquipier. Mais, les images ne trompent pas, le geste de l’attaquant veut dire merci, mais son visage dit : « Tu es un nullos, applique-toi bordel. » Et c’est cette hypocrisie qui fait que ce bravo systématique est insupportable. Le football n’est pas un monde de bisounours, alors prenez un peu exemple sur CR7 qui n’hésite pas à embrouiller son collègue pour sa passe ratée. Bon, au Real Madrid, les caviars de Kroos et de Modrić n’arrivent que très rarement loin de ses pieds, en même temps.
Qui l’incarne le mieux aujourd’hui ?
Aussi étonnant que cela puisse paraître, le maître du bravo avec les mains dans le football actuel reste Zlatan Ibrahimović. Sous ses airs de terreur des Balkans, l’ancien buteur du Paris Saint-Germain est en fait un être tout doux et très bien élevé. À chaque fois que l’un de ses partenaires tente de lui faire une passe, qu’elle soit réussie ou non, Zlatan lève ses longs bras vers le ciel avant de frapper entre elles ses deux mains de bûcheron. L’actuel chômeur aime tellement qu’on lui passe le ballon qu’il félicite son pote pour la transmission qu’elle arrive dans ses pieds ou en touche. Bon, c’est un merci fait à contre-cœur et suivi d’un regard noir sombre, mais cela reste un merci quand même. En revanche, si son coéquipier a le malheur de ne pas lui faire la passe, il reçoit quelques noms d’oiseaux en bosnien, suédois ou anglais. Dr Jekyll et Mr Hyde pour lui.
Comment faire pour que ça s’arrête ?
Attacher les bras des footballeurs dans leur dos, à l’exception des gardiens ? Cela permettrait d’arrêter ce débat insupportable sur le fait de savoir si la main dans la surface est volontaire ou involontaire, mais cette amputation reste un brin anarchiste et handicapante pour les joueurs de foot. Soyons plus raisonnables et interdisons tout simplement aux footballeurs les gestes avec les mains. Une nouvelle règle qui n’aurait que des points positifs. Cela empêcherait les défenseurs de demander le hors-jeu à chaque passe dans leur dos et aussi à Antoine Griezmann de faire sa célébration Drake avec ses pouces. De plus, cette solution permettra ainsi de laisser les applaudissements au milieu du spectacle et le pouce levé aux piétons qui font du stop.
Pourquoi cela peut précipiter la fin du monde
Applaudir un coéquipier lorsque celui-ci rate totalement sa passe revient, en réalité, à féliciter son erreur. Alors, partant de ce constat-là, il aurait fallu que les supporters français complimentent David Trezeguet pour son tir au but sur la barre transversale en finale de Coupe du monde 2006. Mais aussi que Brian Joubert soit célébré pour sa double chute lors des Jeux olympiques de Vancouver en 2010. Ou encore applaudir l’ancienne Miss France Rachel Legrain-Trapani pour avoir ruiné tout le scénario (fausse identité, maquillage, relooking) de Secret Story en donnant au bout de dix secondes son vrai prénom au lieu de celui de « Rosa » prévu par la production. Si toutes les erreurs venaient donc à être applaudies, tout le monde ferait n’importe quoi sans réfléchir et il faudrait en plus féliciter Donald Trump pour avoir confondu le bouton de la bombe nucléaire avec celui de son distributeur de Coca-Cola.
La parole est à la défense
Yannis Salibur (Guingamp) « Ça m’arrive souvent d’applaudir mon coéquipier ou de lui dire bravo avec le pouce. C’est pour l’encourager et lui dire qu’il a eu la bonne intention avec cette passe, même si elle est ratée. C’est naturel chez moi, j’ai besoin d’encourager mes partenaires et sentir cette osmose dans l’équipe. Quand je rate une passe, ça me fait plaisir que mon coéquipier m’applaudisse, mais je peux m’en passer, je n’ai pas besoin d’encouragement. Finalement, le foot c’est comme dans la vie. Si quelqu’un t’offre un cadeau et que tu ne l’aimes pas, tu vas tout de même être content, car l’intention était de te faire plaisir. Sur le terrain, c’est donc la même chose. »
Franck Dja Djédjé (Kaisar Kyzylorda) « Quand tu joues à l’étranger comme c’est le cas pour moi, c’est difficile de se faire comprendre sur un terrain, donc on parle avec des mouvements. Du coup, si mon milieu me fait une passe en profondeur, mais qu’elle n’arrive pas comme je l’aurais voulu, alors je l’applaudis pour lui dire bravo d’avoir tenté et le motiver à me la refaire la prochaine fois. Si je lève le bras en l’air, il va voir que je boude et que je suis fâché, alors cela va mettre une mauvaise ambiance. »
Coefficient d’irritabilité
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Par Steven Oliveira