- Géorgie
- Supercoupe
- Saburtalo-Torpedo Kutaisi
Le match que vous n’avez pas regardé : Saburtalo-Torpedo Kutaisi
Un rookie contre un vétéran, une ville historique, l’ombre d’un dictateur, mille billets gratuits, un ancien espoir brésiliano-corse, un anniversaire réussi et un super match anglais relégué aux oubliettes. Tout ça, c’était lors de la Supercoupe de Géorgie entre le FC Saburtalo et le Torpedo Kutaisi.
Saburtalo 0-1 Topedo Kutaisi
But : Gigauri (70e) pour le Torpedo
Ce dimanche, les yeux des aficionados du ballon rond étaient tous braqués sur Manchester. Tous ? Presque. Dans la riante bourgade de Gori, ils sont quelques milliers à se masser vers le stade Tengiz Burjanadze, une petite enceinte de 8300 places qui, après avoir vu le Lillois Rafael Leão y marquer avec les U19 du Portugal contre la Suède pendant l’Euro 2017, a le privilège d’accueillir la Supercoupe de Géorgie qui tourne chaque année pour régaler un maximum de monde.
Comme le Trophée des champions. Sauf qu’ici, point de halte exotique. La destination du jour est avant tout connue pour être la ville natale d’un certain Joseph Staline, plus connu que l’équipe locale n’ayant pas grand-chose à revendiquer en dehors d’un championnat glané en 2015.
La statue et les cadeaux
À Gori, l’esprit de Staline est encore omniprésent. On y trouve un boulevard à son nom, sa maison natale (autour de laquelle un musée lui est consacré) ainsi qu’un supermarché à son effigie du côté de la gare routière. Autant dire que les locaux ont une opinion loin d’être tranchée à son sujet. Pour preuve, en 2010, le gouvernement s’est heurté à une certaine réticence de la population lorsqu’il a annoncé son intention de déboulonner une statue de bronze haute de six mètres représentant Joseph. Pour éviter tout blocage, les opérations ont finalement dû se faire de nuit… Ambiance.
Mais par cet après-midi ensoleillé, l’heure n’est pas aux revendications politiques. Les courageux qui ont bravé le froid piquant pour s’installer dans les gradins avaient une tout autre idée en tête : arriver le plus tôt possible pour se voir offrir l’un des mille billets gratuits pour la rencontre Géorgie-Suisse comptant pour les éliminatoires de l’Euro 2020 et prévu le 23 mars au stade Boris-Paichadze de Tbilissi. La capitale, dont est d’ailleurs originaire le FC Saburtalo. Créé en 1999 et professionnel depuis 2005, ce petit club de quartier a surpris tout le monde en remportant cette année le premier championnat de son histoire, trois ans après son accession à l’élite. Pas mal pour une équipe créée à l’origine pour former des jeunes et qui, en moins de vingt ans, s’est finalement transformée en habituée des premières places d’Erovnuli Liga. Rendez-vous l’été prochain pour les voir défier l’Europe, à l’occasion du deuxième tour préliminaire de Ligue des champions.
Et hop, le doublé !
En attendant, il faut se défaire du vainqueur de la Coupe de Géorgie pour lancer idéalement la saison avant la reprise du championnat dans une semaine tout pile. Vainqueur de la dernière Supercoupe, le Torpedo Kutaisi est l’antonyme de Saburtalo. Créé après-guerre, insignifiant en championnat d’URSS, il remporte quatre titres dans la Géorgie indépendante et compte aujourd’hui parmi les pointures de l’élite. Après un championnat en demi-teinte au terme duquel les hommes de Kakhaber Chkhetiani ont terminé à la troisième place (à dix points du Saburtalo, mais à égalité avec le grand rival du Dinamo Tbilissi), le Torpedo semble ragaillardi et maltraite son jeune adversaire d’entrée de jeu. En attaque, Vagner Gonçalves souffre. Né au Brésil (à Alegre) et formé au Sporting Club de Bastia, celui qui joue en Géorgie depuis 2016 ne parvient pas à se montrer dangereux face au solide bloc du Torpedo. Lequel parvient à relancer rapidement vers l’avant. Il y a de quoi être déçu par le score nul et vierge à la pause, tant Kutaisi avait les moyens de punir prématurément son adversaire.
Alors que le public ne relâche pas ses encouragements, le déclic arrive finalement à vingt minutes du terme. Sur coup franc, Merab Gigauri balance un pointu à 25 mètres. Le ballon rebondit sur un attaquant, qui s’en débarrasse d’une aile de pigeon. Mate Tsintsadze se jette littéralement au sol, et trompe Omar Migineishvili en poussant le cuir au fond des filets tel un mort de faim. Le Torpedo aurait même pu faire le break si la tête de Budu Zivzivadze n’avait pas été repoussée par un défenseur de Saburtalo, anémique ce jour-là. Au coup de sifflet final, Kakhaber Chkhetiani exulte : ses joueurs remportent leur deuxième Supercoupe d’affilée, et lui offrent un superbe cadeau pour le jour de ses 41 ans. Pendant que le public quitte l’enceinte, les vainqueurs soulèvent leur trophée sur l’air de When I ruled the worldde Coldplay. Nul doute que c’est le puissant hymne du Torpedo Kutaisi qui résonnera ensuite, jusqu’au bout de la nuit.
Saburtalo (4-2-3-1) : Migineishvili – Lakvekheliani, Margevelashvili, Chabradze, Kakubava – Tera (Altunashvili 70e), Gorgiashvili – Auxence Gui (Gvaradze , 58e), Gonçalves, Diasamidze (Goshteliani 76e) – Kokhreidze. Entraîneur : Giorgi Tchiabrishvili.
Torpedo Kutaisi (4-4-2) : Kvaskhvadze – Gegetchkori, Kobakhidze, Azatskyi, Stijepovic – Tsintsadze (Chachua 67e), Kimadze, Dolidze (Ts’qaridze 65e), Gigauri – Zivzivadze (Kapanadze 87e), Kavtaradze – Entraîneur : Kakhaber Chkhetiani.
Par Julien Duez
Crédit photo : GFF.ge