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Le Qatar rouvre ses portes
En accueillant le match d’ouverture de la Coupe d’Asie, premier événement à s’y dérouler depuis que Lionel Messi a brandi le trophée de champion du monde, le stade Lusail a repris vie ce vendredi.
À l’instar du stade 974, unique arène de la Coupe du monde 2022 non retenue pour accueillir la Coupe d’Asie 2023, le stade Lusail n’a pas bougé depuis un an. Mais pour le coup, personne n’a vendu son démantèlement après le Mondial. Et ce vendredi, dans l’enceinte ultramoderne du nord de Doha, 82 490 personnes ont officiellement assisté à la victoire inaugurale du tenant du titre qatari face au Liban (3-0) en Coupe d’Asie des nations.
L’écrin avait été refermé il n’y a pas tout à fait treize mois sur un tir au but de Gonzalo Montiel venant clôturer la Coupe du monde et sur cette image de Lionel Messi, vêtu d’un bisht remis par l’Émir, soulever le trophée sous les yeux de Kylian Mbappé. L’avenir du gigantesque Lusail (près de 89 000 places) demeure toujours en suspens, mais il a au moins eu le mérite d’avoir été dépoussiéré un bon coup.
La Chine remplacée par le Qatar au pied levé
Initialement mis de côté pour ce nouvel opus de la Coupe d’Asie, le Lusail a finalement été intégré à la liste des antres retenus au dernier moment, chipant ainsi la vedette au stade Al-Bayt de la ville d’Al-Khor (encore plus au nord de Doha) pour accueillir en son sein le match d’ouverture et la finale de cette édition qatarienne du tournoi continental. Édition qui aurait dû être chinoise, si l’Empire du milieu ne s’était pas désengagé en 2022 en raison des restrictions liées au Covid. D’où l’attribution de l’épreuve au Qatar après un appel à candidatures sur le tard et une reprogrammation en 2024 de l’événement, qui s’appelle toujours officiellement « Coupe d’Asie de l’AFC 2023 ».
Supporters qataris et libanais ont donc répondu en nombre pour la cérémonie d’ouverture, premier événement post-Mondial, qui aura duré une demi-heure. Soit presque le temps qu’il a fallu ensuite pour démonter la scène, n’offrant aux équipes qu’un gros quart d’heure d’échauffement. Intitulé Le Chapitre perdu de Kalila et Dimna, le spectacle est inspiré d’une histoire du livre de fables d’origine indienne (traduit au IIe siècle de l’Hégire, prônant la justice sociale qu’importent les croyances et les ethnies). Ce show de son et lumière a innové, puisque chaque spectateur s’est vu remettre un petit boîtier lumineux à mettre autour du cou qui changeait de couleur automatiquement au gré des animations. De sorte que les tribunes du Lusail étaient parties prenantes de la cérémonie.
L’ancien Marseillais Lucas Mendes titulaire
Si le Maghreb (quatrième prière musulmane de la journée) a bien été respecté à 17h03 comme affiché instantanément sur les écrans géants, l’Isha (cinquième et dernier temps de recueillement, prévu à 18h33) a subi la programmation de cette cérémonie ambitieuse. Plutôt que d’interrompre le show, c’est l’annonce de la composition des locaux (qui comprenait notamment l’ancien défenseur de l’OM Lucas Mendes, évoluant en France de 2012 à 2014, et brésilien naturalisé qatari en fin d’année dernière) qui a finalement été suspendue.
Ce départ en grande pompe matérialisé par cette cérémonie n’a qu’accentué le contraste avec un match assez terne en matière d’ambiance. Mis à part une poignée de Qataris pas assez nombreux pour lui attribuer le qualificatif de kop en latérale, les tribunes sont restées très silencieuses. Si bien que les coups de sifflet d’Alireza Faghani, l’arbitre iranien du match, sont rapidement devenus beaucoup trop stridents malgré la présence de plus de 82 000 personnes ayant dépensé entre 30 et 100 riyals (soit 7,50 à 25 euros) pour assister à l’intégralité du spectacle.
Stade vide, Palestine et Khaled
Mais qu’importe le prix, les traditions locales n’ont visiblement pas changé en un an. Comme lors du Mondial, une petite moitié de l’assistance a jugé que le spectacle vu en première mi-temps lui suffisait. Le but d’Akram Afif, d’une frappe dans le petit filet sur une remise d’Almoez Ali au terme d’une première période pauvre techniquement, n’a manifestement pas été assez convaincant pour inciter les locaux à rester. Ni celui d’Ali, passé d’un rôle de passeur à celui de buteur au retour des vestiaires, en négociant de la tête un centre de Mohammed Waad. Dans le dernier quart d’heure, Louis-II n’avait ainsi plus rien à envier à ce Lusail copieusement et malheureusement dégarni.
Ce petit bijou de stade a toutefois frémi une dernière fois lorsqu’Afif, clairement au-dessus du lot, s’est offert un doublé dans le temps additionnel pour éteindre définitivement des Libanais qui tentaient timidement de réagir. Toute cette foule qui avait d’elle-même décidé de quitter le stade progressivement marcha alors calmement vers la station de métro, chemin sur lequel l’inéluctable actualité resurgit : deux fillettes, munies d’un drapeau palestinien, s’évertuaient à répéter « From the river to the sea » et rameutaient de plus en plus de monde pour leur répondre « Palestine will be free ». Le tout avec le tube C’est la vie de Khaled sur les bandes-son, en fond musical. L’autre côté de la péninsule aurait sans doute préféré qu’elle en soit autrement, cette vie.
Par Clément Barbier, à Doha